Et pourtant...
Et pourtant
je l’ai si bien chanté cette douleur
du temps qu’elle ne m’affectait pas
si bien chanté cette douleur
qui n’était pas la mienne
j’en avais des moyens à cette époque
de beaux moyens qui respiraient la poésie
la poésie ne pouvait pas me sentir
mais quiconque posait le nez sur moi
sentait bien que je sentais la poésie
à plein nez
rien ne disait que la poésie m’étouffait
tout disait que je la respirais
et que je devais la vie à cette respiration.
Des mots mélangés
des mots conjugués
il n’y a pas de grammaire
il n’y a pas d’orthographe
il n’y a pas que de la poésie
que c’est beau
que c’est beau
m’écriai-je
que c’est beau
écrivais-je
que c’est beau
que c’est beau
j’avais des ailes
je m’en servais
et la poésie n’aimait pas ça
la poésie n’aime pas
ce qui est poétique sans elle
la poésie aime beaucoup
qu’on lui doive beaucoup
c’est la poésie des marcheurs
des marcheurs en long et en large
ce n’est pas la poésie des voleurs
ne te trompe pas, bel oiseau
rien ne t’a encore blessé
tu voles voleras voleras
ce n’est pas de la poésie
c’est du vol
c’est mieux
c’est mieux que la poésie
c’est beau
aussi beau que la poésie
méfie-toi de la poésie
elle aime trop la vie
elle t’arrachera les ailes
méfie-toi des langues bien pendues
elles s’accordent à la même vie
ce n’est pas ta vie
c’est une vie sans importance
elle finit un jour
elle finit salement
elle s’arrête
ce n’est que du temps
un mauvais moment à passer.