« Je m’en reviens d’une sale grippe.

Il me reste une petite toux.

Des bouillons clairs m’ont rincé les tripes.

Je me promets mille bonnes fripes

Pour ma fin terne de touche-à-tout.

 

Ma muse entend geindre mes entrailles.

Je sue d’ahan comme un galvaudeux,

Je lèche les galets, les murailles.

En des chansons, les enfants me raillent.

- Lève-toi, je te bats des blancs d’œufs !

 

-Je m’en reviens du champ de bataille,

La fleur au fusil, sans mon barda.

Remettez sur le cul les futailles.

J’ai des fées à prendre par la taille.

-Fripon, il faut repartir soldat !

 

-Quand j’ai le moral dans les chaussettes,

Elle se lève l’âme et la peau.

J’ai beau dire : Pas de ça, Lisette,

Pas de ça, retourne à tes causettes,

A ton chiffonnier, à tes pipeaux !

 

Je m’en reviens avec les arondes,

Histoire de défaire un printemps,

D’entrer du pied gauche dans les rondes,

D’armer les dégueunillés de frondes,

De retrouver mes vingt, mes trente ans.

 

La ténèbre me flanque la trouille,

Elle prend mon courage à deux mains,

Vide des sacs de nœuds et d’embrouilles,

Sur les émeutes, sur les patrouilles,

Sur les ribleurs des rues, des chemins.

 

Je m’en reviens… Elle m’époussette.

-Campari ? Suze ? Vermouth ? Pastis ?

-Toujours une nouvelle recette,

Après le café, une rincette…

Je raconte mes oaristys.

 

Quand je reluque une grande bringue,

Que je m’assotte d’un vrai goyau,

Que j’en pince pour une seringue,

Elle appointe un crincrin de bastringue

Et me prête son sac de noyaux.

 

Je m’en reviens sur une calme onde,

Ma barcasse est pleine de fruits d’or.

Que faisais-je au bout de l’autre monde,

Au bord fumeux d’une mer immonde

Qui roulait des cadavres ? -Tu dors ?

 

Je marche à côté de mes godasses,

Elle s’occupe de mes rognons.

 Qu’elle trouve mes sonnets fadasses,

 Pleins de chevilles, farcis d’audaces,

Elle les arrange aux petits oignons.

 

Je m’en reviens entre quatre planches,

Les arpions en dentelle devant,

D’une nuit noire, d’une nuit blanche.

Attendez au moins que mon cœur flanche !

Chaque fois, vous m’enterrez vivant.

 

Je gambade à l’écart des chapelles,

Je ne souffre attache, bride, mors,

Beaux parleurs, donneurs de coups de pelle…

Je ne me soucie comme on m’appelle,

-Tu me le paieras après ta mort.

 

 

-Je m’en reviens du fond de moi-même,

Avec des idées, avec des cris,

Avec des soucis pour ceux qui m’aiment,

Avec le cartésien enthymème,

Avec des dires et des écrits.

 

Suis-je une cigale que l’on ferre,

Toujours hors de l’espace et du temps,

Un que l’on tire à tout prix d’affaire ?

-Pousse ton bide et laisse-moi faire !

-Un qui ne serait jamais content ?

 

Je m’en reviens étourdi d’aromes,

Par monts, par vals, dans des madrigaux, 

Dans des lais, dans des vers palindromes…

Tous les chemins reviennent de Rome… »

-Où étais-tu passé, saligaud ?

 

 

Robert VITTON, 2014

 

Enthymème : raisonnement qui n’est qu’un syllogisme réduit à deux termes, l’antécédent et le conséquent. Le plus connu est le Je pense, donc je suis de Descartes.

Arome : l’accent circonflexe sur l’o est facultatif.