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Crime de sang !
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 Article publié le 29 novembre 2015.

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Il faut que je vous parle de Pat Banana. Bon, il n’est plus là pour se défendre, mais je ne l’attaque pas non plus. Je dis ce que je dis. Pas plus. Je ne suis pas du genre à en dire plus que ce que je dis. Je connais ce genre de personne. Mais si Pat Banana était là, il vous dirait que je n’en fais pas partie.

Bon. C’était une mise au point. Je ne voudrais pas qu’on pense que j’ai une dent contre Pat Banana. Il ne m’a jamais rien fait. Et je ne lui ai rien fait non plus. On a vécu un bout d’existence ensemble. Enfin… quand je dis ensemble, je ne dis pas avec… si vous voyez ce que je veux dire. On n’était même pas voisin. Il habitait à l’autre bout de la ville. Et moi, je suis dans la banlieue opposée. C’est vous dire.

Bref. On ne se voyait pas tous les jours non plus. Il me demandait de petits services et je les lui rendais. Je ne dis pas que je n’étais pas intéressé. De nos jours, tout le monde est en guerre. Les bons contres les méchants, les couleurs contre le blanc et le blanc contre tout ce qui ressemble à une couleur, et même le père contre le fils. Alors on était quitte. Ça vaut mieux quand on est en paix.

Un jour, je ne me souviens plus si c’était un dimanche, Pat…

Ah ouais… « Pat Banana », ça fait pseudo. Et vous avez raison d’avoir tort. Mais c’était bien comme ça qu’il s’appelait. Bien sûr, on rencontrait toujours quelqu’un pour expliquer ce nom qui faisait aussi vrai qu’un jugement de justice. Pat, m’a-t-on dit, c’est les initiales (enfin… c’était maintenant qu’il n’est plus là pour dire le contraire) de Prêt A Tout. Et c’est vrai que rien ne lui faisait peur à Pat. On s’avance peut-être en disant cela parce qu’à part son assassin, personne ne l’a vu mourir. Quant à Banana, et bien vous avez tort d’avoir raison, mais je continue de penser que ça avait quelque chose à voir avec sa queue. Nous, les humains, on est comme les chiens, sauf qu’on n’a qu’une queue et qu’elle ne sert pas à la même chose. Et bien Pat Banana avait une bonne réputation auprès des filles. Disons qu’elles ne s’en plaignaient pas. Par contre, je n’en ai pas connu une qui ait témoigné d’un détail anatomique particulièrement exemplaire. D’ailleurs je ne sais pas pourquoi je raconte tout ça, puisque Banana, c’était son vrai nom. Il n’est pas encore dans le dictionnaire, mais c’est comme ça qu’on l’a baptisé républicain. Et Pat, c’était le diminutif de Patrick. Il aimait bien qu’on l’appelle Pat. Banana aussi, il aimait bien, sans doute à cause de l’ambiguïté. Était-il monté comme un taureau comme le laissait supposer cette banane ? Rien n’est moins sûr. D’ailleurs rien ne ressemble moins à la queue d’un taureau qu’une banane arraché à un arbre qui ne peut-être qu’un bananier, Mais Pat Banana n’était pas noir. Il était blanc comme vous et moi. Et s’il vivait encore, il apprécierait certainement que je ne m’adresse qu’à des gens de ma race.

C’était un dimanche. Le soleil, comme on dit, était au rendez-vous. On était quelques-uns dans la rue à dire du mal des autres et du bien de nos propres rêves. Je me souviens que j’étais en train de siroter à l’ombre. Sans fille en perspective. Je n’étais pas dans un bon jour. Mais je ne vais pas vous raconter pourquoi. Je ne tiens pas à mélanger le chaud et le froid. Et je crois que ce jour-là, Pat n’en avait pas envie non plus.

Il entre dans l’ombre où je n’étais pas seul et me fait signe de le suivre. Il habite au-dessus du café, preuve qu’il n’est pas pauvre mais qu’il n’est pas riche non plus. C’est rare, de nos jours, les types de notre race qui n’habitent pas chez les autres. Et le deux-pièces dans lequel il m’a invité à entrer (c’était la première fois que j’y mettais les pieds) était à lui, y compris les tapisseries et les tuyaux. C’est d’ailleurs la première chose que j’ai vue en entrant, les tuyaux sur la tapisserie. Ça courait dans tous les sens. Je vous jure que ça m’a coupé mes moyens. Mais j’étais venu pour écouter, pas pour me confesser.

« Assieds-toi, me dit Pat, et écoute-moi bien…. »

Je m’assois aussitôt sans rien à boire. Pat reste debout. Il a l’air préoccupé du type qui cherche à résoudre un problème délicat. Je ne sais pas s’il a besoin d’un conseil ou d’un coup de main. Il commence par arpenter la pièce où on se trouve, quelque chose entre la cuisine graisseuse et la chambre sans plumard ni coussins. J’ai posé mes mains sur la table, ne sachant quoi en faire. Il y a bien une chaise de l’autre côté, mais on dirait que Pat ne la voit pas. Il me donne le tournis à circuler de cette manière, comme une mouche imprévisible qui finit par se poser sur le bout de votre nez.

« Je t’écoute, mec, » finis-je par arriver à répondre à ce qui n’était pas une question.

Mais c’en était bien une :

« Tu connais la religion de Charlot ? » me dit-il.

Il vient de s’immobiliser comme une cloche qui a fini de sonner.

« Charlot, dis-je, c’est pas son prénom.

— Alors comment qu’il s’appelle, Charlot ? »

C’était une question angoissée. Il en bavait presque, le Pat Banana. Et sur moi en plus. Il avait posé ses grosses mains rouges sur la table et il me regardait comme si j’étais un de ces chiens de faïence qu’on prend toujours pour des cons chaque fois qu’on en parle. Il puait de la gueule et ça me rendait marteau. Ses yeux roulaient comme les roues d’une moto accidentée.

« Ben… couinai-je. J’en sais rien comment qu’il s’appelle, Charlot… On l’appelle comme ça parce qu’il vient pas si on l’appelle autrement…

— Déconnepas, mec. C’est sérieux ! »

Ça en avait l’air en tout cas. Son front dégoulinait d’une sueur froide. Je ne dis pas que j’en avais partout, mais je sentais que c’était froid. Et que ça n’allait pas tarder à me concerner.

« Demande, dis-je, mais demande-moi autre chose, parce que je sais pas comment il s’appelle…

— Toi aussi tu sens qu’il s’appelle pas Charlot, hein ?

— Je sens rien, mec ! Mais si tu sais quelque chose…

— Justement j’en sais rien ! »

Il s’était mis à gueuler tout d’un coup, que ça donnait envie de fermer la fenêtre. Mais j’étais coincé entre la table et le mur et le rideau me chatouillait les narines. Pat s’est enfin assis, épuisé qu’il avait l’air. Et il l’était.

« J’ai besoin de savoir, dit-il comme s’il allait en pleurer.

— Ça doit pouvoir se faire, » dis-je.

Je ne savais plus où me mettre, mais comme je l’ai dit, j’étais coincé. Jamais je n’avais vu Pat dans cet état. Je pense même que moi-même j’ai jamais connu ça. C’était presque humiliant. Mais je me suis retenu de chialer avec lui. Je ne chiale qu’avec les femmes. Et encore, pour les faire pleurer comme si elles étaient ma mère. Oui, une à la fois. Et le plus souvent possible. Voilà ce que je pensais, coincé contre le mur, avec rien à boire et des soucis personnels qui méritaient une confession. Mais ce n’était pas le moment. Et je n’étais pas chez moi non plus.

« Il faut que je sache, dit Pat qui eut l’air de retrouver la santé.

— Tu le sauras ! Et je te demande pas pourquoi.

— Je vais le tuer. »

Bon. Tuer n’est pas un mal si ça fait du bien. Et je supposais que Pat avait besoin de se faire du bien. Pourquoi ? Ça ne me regardait pas. J’ai opiné, comme on dit. J’en avais mal à la nuque à force de hocher. Et Pat n’arrêtait pas de m’expliquer comment il allait tuer Charlot, ou le mec qui se faisait appeler comme ça, ce dont Pat doutait fortement, j’ignorais pourquoi.

« Le problème, dit-il, c’est ce type… »

Je comprenais qu’il parlait de Charlot…

« Ce type a pas une tronche à s’appeler Charlot, » continua-t-il.

Et s’il continuait encore dans cette voie, je finirais par ne plus rien piger.

« Il se comporte pas comme quelqu’un qui s’appelle Charlot, dit-il. On a eu des rois qui s’appelaient Charles. Même les Anglais en ont eu. J’aurais pu m’appeler Charles, comme toi…

— Mais je m’appelle pas Charles…

— Lui non plus ! »

S’il le savait déjà, pourquoi me demandait-il mon avis sur cette épineuse question ? Je tentai de m’extraire de ma chaise, mais le mur m’était comme qui dirait tombé sur le dos. En fait, c’était Pat qui poussait la table avec son bide tellement il pensait qu’il était nécessaire que je fusse le plus près possible de sa bouche et de ses yeux.

« En fait, dit-il, j’en sais rien. S’il s’appelle Charles, ça veut rien dire non plus.

— Jusque-là, c’est ce que je pense moi aussi.

— On est bien avancé. »

Il relâcha la pression sur la table. Le mur, derrière moi, sembla soulagé lui aussi. Il devait en savoir plus que moi sur les capacités de Pat Banana à avoir raison quand les autres ont tort. Forcément, ils habitaient ensemble.

« Mettons qu’il s’appelle pas Charles, finis-je par risquer. Qu’est-ce que ça change puisque tu vas le tuer… ?

— Ben… fit-il en en se grattant le menton. Il a pas une tête non plus à s’appeler Paul ou Jean, si tu vois ce que je veux dire…

— Non… je vois pas… Tu vas dire que je suis con…

— Je le dis, bordel de merde ! Tu trouves pas qu’il a une tronche de moricaud ? » gueula soudain mon hôte comme si j’étais passé aux aveux.

Son poing cogna dur la pauvre table qui gémit. Le mur glissa. Je n’en ramenais pas large. Et puis je ne trouvais pas que Charlot eût une tronche de moricaud. Il en avait une comme tout le monde. On est tellement mélangé de nos jours !

« Mais bordel ! hurlai-je à mon tour. Qu’est-ce que ça peut foutre qu’il soit bicot et qu’il s’appelle pas Charlot ? Puisqu’il est déjà mort…

— La différence, hé trouduc, c’est que le racisme, c’est une circonstance aggravante ! Et je veux pas aggraver. Au contraire. Quand on massacre, on prend des précautions avec les circonstances. Parce que ça peut toujours mal se terminer.

— Et ben ne termine pas, bordel ! »

J’avais dit ça comme ça. J’étais en train de perdre mon temps. Et j’en avais encore plein les poches, de quoi gagner ma vie.

« Ça te regarde pas pourquoi je dois le tuer, dit Pat.

— Je t’ai rien demandé… Si c’est ça que tu veux, je me renseigne et tu sauras si oui ou non Charlot est un musulman ou un chrétien.

— C’est important, mec !

— C’est quand même dommage de tuer un mec parce qu’il est chrétien alors que tu aurais pu supprimer un musulman. Tu sais pas te rendre utile.

— Déconnepas avec ça ! J’ai pas dit que je le tuerai pas. C’est plus compliqué.

— Je peux t’aider si tu veux. J’ai jamais tué de musulman…

— … mais si c’est un chrétien, j’ai pas besoin de toi. Alors tu vas aller te renseigner. »

Voilà comment j’ai fait la connaissance de Charlot.

*

Sur la porte, c’est juste écrit Charlot. Ça ne peut être que la sienne, de porte. Je suppose qu’un autre Charlot aurait écrit « Charles » suivi de quelque chose qui ressemble à un nom chrétien. Comme une mère de famille passe par là, poussant des gosses morveux jusqu’aux coudes, je lui demande si c’est bien Charlot qui habite là.

« Parce que j’en connais plusieurs, ajoutai-je. C’est comment celui-là… des fois que vous en sachiez plus que moi… ?

— J’en sais rien, répond la moche. Ya toujours eu écrit Charlot et on l’appelle Charlot. Zavez qu’à lui demander. Il dort tout le temps. Et quand il dort pas, il rêve. »

Ça fait rire les gosses qui se précipitent sur le bouton de l’ascenseur, comme si cette description d’un homme en passe d’être tué était le signal qu’on en avait déjà trop dit. J’attends que ce beau monde grimpe dans l’ascenseur et je gratte à la porte. Un grognement répond. Exactement ce qu’on attend d’un dormeur qui ne veut pas se réveiller. Je gratte encore. J’ose même frapper avec la pulpe d’un doigt. La porte s’ouvre.

Un gros visage embroussaillé apparaît. Heureusement que je n’en ai pas un comme ça. Je me ferais peur. Mais sur le coup, impossible de décider si c’est une gueule de chrétien ou de musulman. Je dois pousser plus loin mes investigations. Comme je ne peux pas lui dire que je suis un ami de Pat Banana et que je viens de sa part pour l’inviter à faire du tourisme dans une rue déserte, je lui dis que je viens d’emménager et que je cherche des amis. Il me regarde d’un air incrédule.

« Vous habitez ici ? dit-il en se tordant le nez pour en extraire la substance.

— À côté… Mais je commence par ici. Ça m’a paru sympa. Les graffitis, les épaves, les carreaux cassés et les pneus cramés… ça m’a rappelé ma jeunesse.

— C’est qu’il y a plein de portes ici… Vous voulez pas en choisir une autre ? Je peux vous mettre sur une bonne piste si vous voulez…

— Non. Pas la peine. C’est vous que je viens voir ! »

Le type me regarde comme s’il était déjà mort, une expérience relationnelle que je ne souhaite à personne. Cette fois, il se gratte le cul… ou la crosse de son révolver.

« Je vous connais pas, fait-il. Qu’est-ce que vous me voulez ? Je suis déjà rééduqué. Et je pars plus en vacances. Maintenant, je me laisse aller. J’ai plus d’inspiration. »

Il continue de me regarder de la tête aux pieds. Il n’a peut-être pas d’amis. En tout cas, je connais son pire ennemi. Et je ne suis pas venu pour lui sauver la vie.

« Bon, dit-il enfin souriant. Si vous avez besoin d’amis, je peux pas vous dire non… Entre, mec ! »

Je ne me fais pas prier. Il y a des gens qui devrait loger dans un maximum de pièces pour éviter de tout mettre dans la seule que les services sociaux mettent à leur disposition. Il faut marcher sur des choses que je n’ose même pas regarder. Et ça sent déjà la mort. Même la fenêtre est fermée. Un jour de soleil. Il me conduit jusqu’à une chaise qu’il débarrasse d’une paire de croquenots remplis de souvenirs. Je trouve à caser mes pieds sur des revues nettement pornos. Il n’a rien à boire mais si je veux, je peux fumer. Je mets la main dans la poche pour lui montrer que je m’y connais dans ce genre de commerce. Il recule et prend un air dégoûté. Il ne fume que du tabac. Il n’a jamais touché à autre chose. Mais il ne me vire pas. Il s’assoit lui aussi, jambes croisées, la tête en avant comme un fonctionnaire qui ne sait pas de quoi on va lui parler et si c’est dans ses compétences.

« Vous allez me trouver un peu con… commençai-je.

— Tu…

— Ouais… tu… tu vas me trouver complètement con, mais c’est ton nom sur la porte qui m’a poussé à y frapper…

— Tu t’appelles Charlot toi aussi ?

— Non ! Mais… ah je suis indiscret !

— Non. Non. Vas-y…

— Charlot… c’est Charlot quoi ?

— Ma mère m’appelle Eugène… Mais comme on dit : Eugène, ça me gêne.

— Tu veux dire que Charlot… c’est ton nom ? Je veux dire : celui de ton père…

— C’est à cause de ces cons de fonctionnaires français…

— Ah pour être cons, ils sont cons !

— Je te le fais pas dire.

— Et c’est comment qu’ils sont cons dans ton cas ? »

Je m’en sors plutôt bien. Le voilà qui me raconte pourquoi il s’appelle Charlot et pas Carlos.

« Carlos, supputai-je, c’est pas français.

— C’est espagnol. Ça veut dire Charles.

— Ah ! la ! la ! Vous aussi ! Des Charles en veux-tu en voilà ! Et des rois avec ça !

— Tu peux pas savoir.

— Mais c’est un prénom, Charles… Carlos…

— C’est un prénom aussi, mais des fois c’est un nom. Dis-toi que mon père s’appelait Carlos Carlos Carlos.

— Trois fois Carlos ? Tu charries !

— Non. Carlos, c’était le nom de son père. Et c’était aussi le nom de sa mère. Alors son père l’a appelé Carlos.

— Il avait envie de se marrer…

— Tu peux pas comprendre… Bref, quand mon père a changé de nom — que ça a coûté la peau du cul et des années à se la frotter — le fonctionnaire de l’État-Civil a traduit Carlos par Charlot. C’était du temps des Colonies. Alors tu parles !

— Ah je dis rien ! Je dis rien ! »

Je n’en pouvais plus de tout savoir. Je m’écriai :

« Alors t’es chrétien ? Un pur de dur ! Et espagnol avec ça. On peut pas faire mieux. Ça en fait une bonne de circonstance atténuante ! »

Sur cette envolée lyrique, Charlot tient à mettre un bémol et il prend un air solennel pour ajouter :

« Chrétien, chrétien… Faut voir. »

Il me montre sa plus grosse veine. Elle palpite d’Histoire. Son doigt la presse un peu et la parcoure de long en large.

« Ya pas que du chrétien là-dedans… dit-il d’un air savant.

— Ah non ! » m’inquiétai-je soudain.

Pat Banana avait raison de se méfier. On a vite fait de se retrouver avec des circonstances aggravantes dans ce pays. J’attendais la suite des révélations de la veine en haletant.

« Là dedans, dit Charlot, t’as du juif, du gitan, du métèque, du berbère et peut-être bien que le sang germain n’y a plus cours…

— Tu déconnes ! »

Du juif, du gitan, du métèque… je veux bien… mais du berbère, ah le racisme des circonstances ! Je m’écrie ! Je m’étouffe ! Je tousse comme un tubard !

« Du berbère ! éternuai-je. Mais c’est arabe, ça ! »

Et voilà Charlot qui monte sur ses grands chevaux. Du berbère, arabe ? Non mais je vais pas bien ! Je cherche à provoquer une guerre avec des morts non collatéraux ?

« Faut pas confondre arabe et berbère, me dit-il comme si j’étais redevenu enfant. C’est pas pareil. Ah merde alors ! J’ai pas de sang arabe ! Ah ça non !

— T’es sûr, mec ?

— Si je suis sûr ? Mais mon père en était sûr. Et mon grand-père. Et toutes les femmes de la lignée. Tu penses ! J’imagine même pas ! Ce serait… ce serait… »

Mais là, mon Charlot ne trouve plus les mots. Il a tellement ouvert la fenêtre que j’ai peur qu’il en finisse avec la pureté de sa race. Il s’arrête juste au ras. Il gonfle une poitrine digne des meilleurs crus de la poésie castillane.

« Arabe ! Jamais ! » scande-t-il sans se lasser.

*

J’ai couru chez Pat Banana pour lui annoncer la nouvelle. Ça l’a vachement perturbé comme je m’y attendais.

« Pourtant, murmura-t-il, il a une gueule de musulman. Alors tu dis que c’est un chrétien…

— Ya pas de doute, Pat ! J’ai vérifié. Tu penses bien que je te mentirais pas !

— Et les Berbères, c’est pas des musulmans ?

— Ça compte pas ! J’ai vérifié aussi.

— J’ai un boulot à te confier, mec ! Et sans circonstances ! »

Je ne vous raconte pas la suite. Vous la connaissez.

 

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