Chaque soir du douze janvier
Comme le feuillage des arbres dans le vent,
Le corps d’un enfant traversé par la peur,
Le duvet d’un oiseau sillonnant l’espace,
La clarté chevrotante d’une lampe,
La voix fatiguée d’un vieillard,
Je tremble.
Je suis une terre débile
Qui bouleverse la vie jusqu’à la démence,
Une terre mouvante
De sanglots et de cris,
Qui bouge sous les pas angoissés
De la mémoire toujours vivante.
Chaque soir du douze janvier
Ma voix déferle sur l’insondable douleur
D’un peuple meurtri pour célébrer une ville
Dont le nom est une immense blessure.
Chaque soir du douze janvier
J’essaie de donner chair
Aux mots endormis dans les fissures de la terre ;
Écoute battre le cœur de mon poème,
Écoute :
Il y a un autre monde dans mon histoire,
Un autre monde dans mon langage,
Un autre monde dans mon rêve…
Il y a un autre monde dans la terre.
Chaque soir du douze janvier
Je hurle à la mort pour réveiller les disparus,
Chaque soir du douze janvier
Je ramasse des étoiles pour éclairer le regard
Des enfants au visage de cendre
Qui cherchent leurs parents dans le néant.
Chaque soir du douze janvier
Je pénètre dans la terre
Pour comprendre le sens de sa folie
Et goûter l’éternité.