Le Christ avait trouvé son lait...
Le Christ avait trouvé son lait, comme un chat
Des murs et des fenêtres. - Tu ne veux pas me dire
Ton nom ? demandait la septième femme sur le perron
De sa demeure ancestrale. Il ne répondit pas, lapa, lapa,
Comme le chat qu’il devenait le matin quand le sein
Rentrait dans la chemise du rêve. Elle descendit une marche
Et le regarda laper dans l’écuelle dont elle tenait encore
L’anse. Brandissant le pain chaud aux lardons et à l’aïl,
Elle continuait de descendre vers lui et le téléphone
Sonnait, sonnait. Il se hâta, pompant, picolant, le lait
Dégoulinait sur son menton, il s’abreuvait de chair
Alors que sa religion le lui interdisait. Le walkman
Grésillait. Quel beau matin tranquille ! Des oiseaux
Invitent au vol. On se prend à rêver éveillé. Cette joie
Le comblait. La Femme ne s’impatientait pas et
Le téléphone sonnait, carillonait, dérangeait l’esprit
Qui s’en inquiétait, et les oiseaux décrivaient la géométrie
Du possible. On ne sait jamais avec l’air. Le téléphone
S’impatienta clairement et brailla. Clara ! C’est pour
Toi ! - Toi... elle existait donc pour elle-même.
Le téléphone se lança dans une explication obscure.
Clara sait le chant des femmes. Il acheva la dernière
Goutte et mordit le pain. L’écuelle clignota et vira
Dans l’air des oiseaux qu’elle ne connaissait pas
De première main, alors que tu savais jusqu’où
Il était possible d’aller. Tu t’inclinas cérémonieusement
Et elle te le rendit en souriant comme si elle voyait
Une pauvreté relative, de celles qui inspirent la relativité,
Une pauvreté qui sauve sans dénoncer, qui rédime,
Une pauvreté de riche comme dans les images
Des leçons de bonheur par la survie et jusqu’à l’éternité.
Elle répondit au téléphone avec la même voix.
Je le vois de ma fenêtre, disait doña Pilar. Si ce n’est pas
Le Christ, qui est-ce ? - Comment veux-tu que je le sache !
- Qui veux-tu que ce soit ? Qui d’autre si je me trompe ?
Pas un homme ne peut répondre à cette question, donc
C’est le Christ ! La Femme admettait une ressemblance
Avec les images. Le nez est celui d’un Juif. Première
Nouvelle ! Mais quelle langue parle-t-il ? À quel sein
S’abreuve-t-il, lui, l’Homme de tous les instants ?
Le téléphone se tut. Il se couchait. - Tu n’auras pas froid
Si tu t’habilles comme le veut le bon sens. Accepte
L’offrande d’une chemise et d’un pantalon. Pour les pieds,
Tu demanderas à une autre. Veux-tu en connaître d’autres ?
Méfie-toi des couteaux. Il n’y a pas d’hommes chez l’homme.
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