Mon voisin, que vous connaissez,
A attendu d’avoir cent ans
Avant de se rendre compte
Que son seul fls était poète.
Mais le père a vécu
Plus longtemps que le fils.
Ainsi s’est perdue cette poésie.
Comme je suis poète moi aussi
Et que mon père est mort avant moi,
Je n’ai pas rencontré le fils de mon voisin.
Je n’ai pas même su qu’il existait
En même temps que moi.
Vous allez trouver cette histoire
Sans intérêt pour la science
De notre temps et de nos mœurs.
Je vous accorde que moi-même
N’y trouve pas de quoi conter.
Et je ne chante pas non plus.
Je ne sais pas ce que je fais.
Mon voisin est mort à l’âge
De cent un ans et des poussières.
Je suis encore vivant et poète
Quand l’heure sonne au campanile.
Je veux vivre aussi longtemps
Que l’homme sur la terre
Sera doué de la parole.
Je ne veux pas mourir
En fils indigne de son père.
Cette histoire au fond n’a pas de sens.
Je la rumine depuis des décénies.
Je m’en nourris, je l’alimente.
Mais rien n’avance et je m’enfonce
Dans la terreur, la nuit, le noir.