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Nouvelles lentes - [in "Phénomérides"]
Le point Mort (nouvelle)

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 Article publié le 29 janvier 2017.

oOo

Nous commençâmes par mettre Julien à l’abri. Nous l’avions beaucoup aimé. Il était temps de ne plus éprouver aucun sentiment pour lui. Je comprends l’horreur que je vous inspire en ce moment, au moment de vous raconter les choses telles que je les ai vécues. Je ne peux évidemment pas m’exprimer au nom de Thérèse.

Je n’évoquerai pas non plus les raisons de notre commune décision. Je suppose que vos enquêteurs se sont déjà chargés de remuer cette boue que vous appelez notre passé. À vous d’expliquer, et à moi de raconter, quitte à contredire vos conclusions. Après tout, vous n’avez que des hypothèses à soumettre à votre expérience judiciaire, tandis que ma narration se fonde exclusivement sur des faits. Quant à savoir pourquoi j’en tire un plaisir esthétique, c’est encore votre affaire et celle de la société qui alimente vos inventions de justice et de paix.

Thérèse et moi n’avions pas connu la paix. Nous nous sommes rencontrés au cours d’une querelle qui agitait nos entourages respectifs. Fatigués par ces argumentations de haine, il y avait longtemps que nous ne nous battions plus. Nous assistions ensemble aux disputes, à une distance respectable des coups et des invectives. Assis l’un près de l’autre sur le mur qui séparait les propriétés de nos familles, nous n’échangions pas nos raisons, de crainte d’y trouver le prétexte d’une autre dispute. Nous n’étions animés que par le désir d’en finir avec ce désordre continuel qui empoisonnait notre existence d’enfants rêveurs.

Je sais aujourd’hui qu’il n’y a rien de moins prometteur qu’un rêve d’enfant. Rien n’est arrivé comme nous l’espérions. Nous nous étions mis d’accord sur ce qui avait quelque chance de nous réunir, physiquement ou autre. Les différences, sans doute nombreuses, ne pouvaient que nous séparer. Aussi nous contentions-nous de parler peu, de baiser beaucoup et de ne rien dire de ce que nous pensions des autres. Ainsi naquit Julien, tête blonde aux yeux verts.

Nous n’eûmes pas le temps de l’éduquer. Un an après sa naissance, Thérèse prononça le mot suicide et je lui donnai raison. Nous n’avions plus rien à espérer de ce monde, pas même un enfant hors du commun. Nous l’abandonnâmes aux soins d’une institution religieuse. J’avoue que je n’éprouvai aucun sentiment en plaçant le couffin dans la niche prévue à cet effet. Je refermai la porte et n’attendit pas que, de l’autre côté, on mît en route la procédure de charité ou de devoir civique. Thérèse m’attendait dans la voiture garée de l’autre côté du parc que je dus traverser de nouveau sous la Lune. La nuit était déserte.

Thérèse avait tracé la route et calculé le temps nécessaire pour atteindre le point Mort. Il était trois heures du matin. C’était l’été. Nous attendions ce moment depuis décembre dernier. Semaine de Noël au Jour de l’An. Nous l’avions passée dans le plus grand silence. Bien sûr, l’idée de manger Julien avait traversé nos esprits. Mais avant de le manger, il était nécessaire de le tuer, ce qui nous parut ignoble. Nous attendîmes la fin de l’hiver, traversâmes le printemps dans la plus grande morosité et enfin l’été arriva, éclatant de lumière. La mer était tranquille. Le ciel dangereux, mais en attente. Thérèse savait distinguer ces signes temporels. J’y étais moins sensible.

C’était fait. Julien était entre de bonnes mains. Il ne se souviendrait de rien. Il apprendrait peut-être le suicide de ses parents, mais toute cette histoire aurait le goût d’un mauvais roman. Il n’en tournerait pas les pages, m’avait assuré Thérèse. Il lui ressemblait tellement !

Elle conduisit jusqu’au port de plaisance où nous avions amarré notre barque. J’avais tout préparé dans l’après-midi. Le moteur, les rames, les couteaux. Pourquoi deux couteaux ? Allez savoir ce qui se passe dans nos têtes quand nous connaissons la fin de l’histoire. Nous n’embarquions pas de provisions comme d’habitude. Marcel, le gardien factotum, nota ce détail dans un coin de sa mémoire de futur témoin. « Ils n’allaient pas à la pêche, dira-t-il. Comment imaginer que… » Par contre, j’avais pris la précaution de doubler la quantité d’essence. On ne sait jamais avec la mer, les courants contraires, le mauvais temps…

Thérèse gara la voiture à un bon kilomètre du quai, en bordure de la plage. Pendant qu’elle manœuvrait, phares éteints, pour dissimuler la voiture, ce qui retarderait l’enquête (disait-elle), je contemplai la mer sous le ciel d’argent, puis l’ombre qui écrasait les villégiatures alignées sur les pentes. C’était le monde que j’allais quitter pour toujours. Ne plus revenir. Cette idée me donna enfin le frisson. Je tenais encore à la vie, je le savais. Thérèse coupa le moteur. J’étais collé à mon siège du mort, incapable de penser à autre chose qu’aux rares plaisirs dont l’existence m’avait quelquefois gratifié. Thérèse ouvrit ma portière. Elle était pressée.

Nous prîmes le chemin de la plage. Il n’était pas éclairé. Le sable nous condamnait au silence. J’eus envie de faire l’amour, mais Thérèse me parla de la mer telle qu’elle serait à l’endroit où nous nous rendions. Il ferait jour. Elle n’aimait pas les accouplements cachés. Bien sûr, personne ne nous verrait baiser au fond de la barque, une minute avant de mettre fin à nos existences par égorgement. Je tiendrais le couteau. Elle fermerait les yeux pour ne plus me voir. Et le sang jaillirait. Ensuite, moi… seul… au milieu de la mer… et le soleil comme de signe de vie… Savait-elle que je ne la suivrais pas ?

Arrivés à l’entrée du port, il fallut se tapir dans l’ombre pour observer la ronde de Marcel. Nous avions répété cette scène la veille. Et maintenant, Marcel recommençait exactement le même rite. Il apparaissait entre les ombres, tout de blanc vêtu. Cette alternance persistait encore dans mes yeux quand nous nous approchâmes de la barque. Thérèse me donna un bouchon d’aguardiente. Ce n’était que le deuxième. Elle m’embrassa longuement, du bout des lèvres. Il n’y avait pas de temps à perdre, mais Marcel déambulait de l’autre côté du port, entre les voiliers mis à sec. Le vent agitait les agrès.

Elle décrocha le bout. Je donnai le premier coup de rame en direction de l’horizon. La barque fila en silence, tout droit. Un deuxième coup de rame l’accéléra. De l’endroit où il était en ce moment, Marcel recevait le reflet triangulaire de la Lune à quelques mètres de notre trajectoire. J’avais bien calculé. Le temps, le triangle, la lumière d’argent. C’était ça, la vie, après tout. Thérèse me tournait le dos, les mains accrochées aux filins, debout face à l’horizon. Qu’est-ce que j’avais aimé ce corps !

Je lançai enfin le moteur. Maintenant, bercé par la cadence des explosions, tout se taisait. Le soleil allait se lever. Thérèse se retourna pour m’annoncer cette nouvelle. Elle avait vu le premier rayon, autre signe de vie. Elle paraissait presque joyeuse. Puis elle s’assit, laissant sa blonde chevelure au vent. À partir de ce moment, elle devenait le capitaine de notre modeste embarcation. Elle seule savait où se trouvait le point Mort.

Elle l’avait observé une première fois dans son enfance. Je n’étais pas loin. Nos familles, fidèles au rituel de la confrontation, ne quittaient pas les lieux et se laissaient envahir par la horde des touristes sans rien changer à leurs manies. Nous descendions sur la même plage. Il n’y avait pas long à parcourir. Une fois traversée la promenade, contournées les installations portuaires, la plage orientale, comme nous l’appelions, recevait nos mises en scène du quotidien sans jamais influer sur ses dramaturgies. J’attendais Thérèse, assis sur un rocher dont la pointe noire entretenait un constant ballet d’écume. Je pouvais nager jusque-là. Elle allait toujours plus loin. Et de temps en temps, elle disparaissait. Je l’ai souvent attendue plus d’une heure. Une heure comptée au rythme des vagues qui battaient les flancs du rocher, m’assourdissant, voire m’interdisant de m’entendre l’appeler. Il y avait quelque chose d’inquiétant dans ces cris inaudibles. J’avais l’impression de céder une part de moi-même au mouvement de la mer qui revenait à l’assaut du rivage, puis s’éloignait encore pour reprendre le souffle dont elle me privait. Thérèse revenait alors. Sa tête surgissait de l’écume. Je croyais la voir saigner, mais c’était la couleur des algues qui expliquait cette joie sans retenue. Je plongeais et, à l’abri d’une anfractuosité sonore, nous parlions de nos rêves. À ceci près que le point Mort n’en était pas un.

Ma faible constitution physique et, je dois l’avouer, la peur que m’inspirait cette eau, m’interdisaient de suivre Thérèse dans son périple vers le point Mort. Je la voyais s’éloigner, disparaître, revenir. Je ne pouvais pas en savoir plus. Alors c’était elle qui parlait. Et je l’écoutais pour la croire. Mes rêves, par contre, ne semblaient pas l’émouvoir. Ces histoires grotesques de monstres destructeurs ne l’amusaient pas autant qu’elles m’effrayaient. Je voulais en savoir plus, mais pour cela, il eût été nécessaire de la suivre. Mais la suivre comment ? Je n’allais jamais plus loin que la première tasse. La houle me terrorisait. Thérèse passait dessous. Le point Mort demeura pour moi un mystère jusqu’à cette nuit qui devait être la dernière de mon existence de poète raté. Le soleil se leva.

Thérèse avait les yeux fixés sur la boussole. Son bras corrigeait le cap que j’impliquais au gouvernail. Nous ne parlions pas. Je consultais nerveusement ma montre à chaque correction de la trajectoire. Le temps ne passait plus aussi vite que pendant la nuit. Le doute me titillait, à propos de l’existence du point Mort. Au fond de la barque, les deux couteaux tressautaient comme des poissons à l’agonie. Le ronflement du moteur invitait au sommeil. Thérèse dut me secouer l’épaule plusieurs fois. J’avais toujours manqué de patience.

Il était midi quand elle déclara que nous étions arrivés. Le soleil nous cuisait. Je buvais à la gourde. Elle me le reprocha, mais ne tenta rien pour m’empêcher de boire. Comment tuer si on n’a pas trouvé le moyen de dépasser l’état normal par quelque artifice éprouvé ? Elle se caressa longuement le cou. L’heure était arrivée. Je coupai le moteur et jetai l’ancre flottante. J’étais épuisé.

« Regarde ! » s’écria-t-elle.

Ma foi… ce que je vis fit mieux que m’étonner. Je crus voir passer, à peine sous la surface de l’eau, un poisson particulièrement métallique. La lumière tombait verticalement. Mais ce poisson supposé ne bougeait pas. J’étais fasciné par ce métal. Bientôt, il fut réduit à un volume ne dépassant pas le diamètre d’une perle. Sa luminosité en fut accrue. Thérèse était penchée elle aussi. Elle ne cessait de répéter qu’elle avait raison et que j’avais toujours eu tort de douter de son témoignage et par là même de sa raison. Je ne trouvai pas la force de la persuader du contraire. Je l’avais toujours crue, du temps où je l’attendais, sur le rocher battu par l’écume ou en tout autre endroit favorable à nos recherches. Mais nous atteignions maintenant le point final de notre rencontre et je commençais à peine à penser que c’était moi qui l’avais perdue, cette raison sans laquelle il n’est pas possible de vivre avec les autres. Avais-je franchi cette limite, comme j’allais dépasser celle que la mort m’imposait depuis si longtemps ? Était-ce le point Mort, cette perle métallique aux promesses infinies ?

« Je l’ai trouvée par hasard, dit Thérèse. Je nageais. Tu sais comme j’aime nager. Non, tu ne sais pas. Il faudrait me suivre pour ça. Peur ou méfiance ? Je ne t’ai jamais jugé, sache-le. Et je suis venue jusqu’ici sans toi. Maintenant que je le vois d’ici, à travers la surface de l’eau, je comprends son pouvoir de fascination. Je l’ai toujours approché sous l’eau, les yeux baignés de cette lumière solaire qui semble trouver son origine en lui et non pas dans le ciel. La nuit, il ne remplace pas la Lune. Je suis venue aussi la nuit, mon cher Adolphe, mais tu ne m’attendais pas alors. Si je t’ai bien compris, la nuit s’occupe de tes rêves. Tu es un enfant. C’est pour ça que je te confie le couteau. Le sang coulera dans cette eau. Il rejoindra la lumière. Je ne suis pas folle. »

Je n’en étais pas si sûr. Il me semblait émerger lentement d’un cauchemar, mais à côté de la puissance métallique du point Mort, la lame des couteaux me parut dérisoire. Je saisis l’un des manches. Son cuir me pénétra. Aussitôt, Thérèse ne cacha plus qu’elle était déjà morte de joie. Elle délirait.

« Rejoignons-nous dans l’eau, Adolphe ! »

Et, nue, elle plongea. Sa blancheur disparut pendant une longue minute. Le point Mort, perle rare, n’avait pas frémi. Il n’appartenait pas à ce monde, à cette eau. Ici, deux espaces se rencontraient. Thérèse n’avait secoué l’eau que de celui auquel nous appartenions encore. Je commençais à me déshabiller quand elle reparut, éclaboussant ma poitrine où le sel se mit aussitôt à cristalliser. Que ramenait-elle de ces profondeurs ?

« J’ai touché le fond de notre tombe, Adolphe, riait-elle. Un sable si léger qu’il trouble la surface.

— Mais… hésitai-je encore, la perle… euh… je veux dire… le point Mort…

— C’est ici que nous mourons tous, dit-elle en évacuant un peu de sa joie.

— Comment le sais-tu ? Qui te l’a dit ?

— Personne ! Le hasard m’a menée jusqu’ici. Le hasard seul ! Viens ! Sous l’eau, cette merveilleuse perle ne ressemble plus à la densité du soleil. C’est la mort.

— J’emporte un couteau, oui ou non ? » lançai-je.

J’étais prêt à plonger. Le couteau étincelait. Le visage de Thérèse était grêlé de ces reflets. La lumière s’y décomposait. J’avais encore du temps à perdre. Elle s’impatienta. Je plongeai. Plouf !

Les yeux fermés (ils ne supportent pas le sel), je glissai contre le corps de Thérèse, saisissant quelques poils au passage de son entrejambe. Mes pieds touchèrent le sable. Il était habité. Ces petits êtres dérangés coururent sur moi. J’avalai de l’eau. Mais la bouche de Thérèse me sauva de la noyade. Nous refîmes surface. Elle me tenait sous la nuque, rieuse et menaçante. Plus loin, le point Mort lançait maintenant des étincelles de feu qui s’éteignaient dans le nuage de sable tournoyant.

« Tue-moi ! »

Il n’était plus question d’amour, ni physique ni autre chose. Elle plaça elle-même la lame sur son cou. J’avais affûté ces lames. J’en connaissais le fil pour l’avoir éprouvé sur la pulpe de mon pouce. Qui allais-je tuer ?

Je n’eus pas le temps de répondre à cette question. Le sang s’épancha dans l’eau. Le corps échappa à mon emprise, car je m’y accrochais comme à une bouée. J’allais le rejoindre dans l’abîme. J’avais perdu le couteau. La barque s’éloignait, poussée par la brise. Un vol de mouettes s’était immobilisé au-dessus de moi. Pas un nuage dans le ciel.

Pourtant, je ne coulai pas à pic comme s’y était préparée ma bouche. Je ne tardai pas à m’apercevoir que c’était sous l’effet du point Mort. Il s’était approché de moi. Il était impossible que je fusse à l’origine de ce mouvement. Le monde auquel j’appartenais était immobile. Je venais de le tuer. Il n’était pas autre chose qu’un mort. Maintenant, c’était l’autre monde qui se mettait en mouvement. Et pourquoi ? Mais pour me sauver !

Je le vis en transparence et, sans lui appartenir, je me déplaçai avec lui. Je ne sais pas combien de temps dura cette espèce de voyage extraordinaire. Peut-être rien, si le temps meurt avec nous. Est-il donné à tout homme de franchir cette limite ? J’étais vivant. Et je n’avais pas l’intention de mourir. Il y avait bien un moyen d’expliquer la mort de Thérèse autrement que par ce que je viens de raconter. Sinon, que pouvais-je espérer de la mer ? Je remis le moteur en marche. Le point Mort s’éloigna. Je ne le quittai pas des yeux. Il disparut. Ou la perspective le réduisit à un point imaginaire. Qui sait ?

J’atteignis le port de notre chère cité balnéaire à la fin de l’après-midi. La foule qui se pressait sur le quai m’attendait. Personne ne songea à me rejoindre. Pourtant, j’avais ralenti le moteur. Il était encore possible que cet attroupement fût étranger à mon histoire, mais en principe, à cette heure, le quai était presque désert, seulement traversé par la patrouille des militaires qui veillaient à notre sécurité. Seul un évènement exceptionnel pouvait justifier ce changement des habitudes. Et plus je ralentissais, plus il y avait de monde. Il semblait que la nouvelle de mon retour se répandît. Rien à la surface de l’eau n’expliquait mieux ce fourmillement que le retour au bercail que je m’imposais dans la seule intention de tout expliquer. J’avais eu tout l’après-midi pour y penser et je m’étais arrêté à la version la plus conforme à ce que je savais de la réalité, celle que je suis en train de vous raconter et à laquelle je vais bientôt mettre un point final en attendant que vous preniez la parole au nom de la société. Ma barque aborda le ponton dont la surface affleurait la surface de l’eau. On me lança une corde que j’enfilai lentement dans l’œil de ma proue. J’avais encore besoin de réfléchir. Avouerais-je qu’en ce moment même, au moment d’en finir avec cette histoire, mon esprit veut retourner dans le champ des possibilités afin de mettre toutes les chances de mon côté ?

Un bras me hissa sur le plancher du ponton. Je regardai cette foule d’yeux qui submergea ma patience. Je ne comprenais pas. Allait-on enfin me demander où était passée Thérèse ?

« Mon pauvre Adolphe… »

On me plaignait ! Je dus me laisser emporter. Je gravis les marches de l’escalier sans les toucher. On me déposa toutefois sur le bitume du quai. Il était encore fumant de toute la chaleur de la journée. Les visages grimaçaient. Un prêtre s’approcha. Je me crus à l’agonie. Je faillis tomber sur les genoux, mais on me retenait.

« C’est terrible, me dit le prêtre en étreignant mes propres mains. Julien… »

Mon corps se tendit comme un arc.

« Quoi Julien ! m’écriai-je.

— Suis-moi, mon fils… »

*

ADOLPHE — Vous connaissez la suite… Julien avait été mangé par ce maudit séminariste. Et l’Église me demandait d’accepter l’idée d’un chien. C’était pire ! Julien mangé par un chien ! Ah ! Je préférais, et de loin, l’hypothèse du séminariste ! Étais-je revenu de cet éprouvant voyage au cours duquel Thérèse perdit sa précieuse vie pour excuser un séminariste mangeur de chair humaine ? Allons, voyons ! Laissez ce chien en paix ! Et confiez-moi son destin. C’est la vie qui m’attend désormais. Au revoir, monsieur le juge…

LE JUGE — Adolphe…

ADOLPHE (timide) — Je vais faire pipi… Je reviens tout de suite.

(Il tend ses mains et le gendarme n’en libère qu’une.)

LE GENDARME — Pour ça, une seule main suffit. (Se tournant vers le juge) Quelle imagination, hein, monsieur le juge ! On vous avait prévenu…

 

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