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Le chant des adolescentes de Richard Millet (Gallimard, 1993)
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 Article publié le 5 mars 2017.

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LU ET … APPROUVE

 

 Le fantasme et la réalité engendrent merveilleusement l’ambiguïté.

 Celle-ci se laisse volontiers conduire par une plume au classicisme contemporain, un classicisme à l’intérieur duquel se mêlent noblesse et simplicité.

 Davantage une galerie de portraits qu’un passage en revue, une galerie de prémices de femmes dont le physique est toujours décrit, ainsi que ses caractéristiques propres. La singularité de chacune est traversée par une narration veloutée qui révèle un style et une musique, une exactitude syntaxique et une précision sensorielle. Parfois, les grandes phrases, les longues phrases s’étirent comme la verticalité de ces adolescentes.

 Fantasmes et souvenirs sont mêlés, donc, dans la tête du narrateur, dans le cortex de ce professeur disposant de la quarantaine, dispensant auprès de jeunes filles au sein d’un collège … Oui, au sein …

 La prose de Richard Millet s’apparente à une broderie sur l’éros naissant, sur la conscience pulpeuse de jeunes filles en fleur qui font leurs premières armes de séduction sur leur professeur à l’attitude sinon réceptive du moins libérale.

 Deux pages consacrées à chacune de ces soixante dix jeunes filles font indolemment naviguer le lecteur … et de penser à ce subtil alliage de candeur et de lubricité évoqué dans « Les Bijoux » de Charles Baudelaire, à l’intrépide Lolita de Stanley Kubrick, à Régine Olsen, précoce fiancée de Soren Kierkegaard, ou encore aux jeunes adolescentes statiques ou suppliciées des romans d’Alain Robbe-Grillet …

 Parfois, l’incipit à lui seul donne envie de lire la suite, comme celui qui annonce Marie-Agnès :

 « Voici une vierge sage, claire, gardienne déjà de traditions et d’une beauté très françaises …  » .

 Quant à Sylvia, elle est emportée par une vague proustienne, par une seule phrase qui détaille et résume ce qu’elle suscite en lui … :

 « …Sylvia soudain surgie des eaux et des brumes de l’automne  » .

 Mademoiselle Valérie, elle, au prénom dont la banalité contraste avec la densité de la scène :

 « Valérie se leva : elle portait ce jour-là, coupé dans un jean bleu, avec de longues barbes de tissu, un short très court ; ses jambes prirent, à contre-jour, une couleur crème et la lumière souligna à l’entrejambe ses plus secrets replis ( … ) .

 - Si tu savais comme tu es belle ! ( ... ).

 J’avais, en dérangeant l’architecture hautaine de ce visage, troublé l’ordre des choses. Je ne pouvais plus parler. Quand j’osai regarder à nouveau Valérie, je sus, à l’infime sourire qui fit frémir les coins de sa bouche, qu’elle ne me changerait pas en cerf  » .

 La sensibilité de Richard Millet ressemble à un repère orthonormé : une imagination horizontale traversée, perpendiculairement, par une prose poétique dont la rigueur, dont les solides fondations diffusent une constante fluidité.

 Adelaïde, Virginie … Marianne, Roxanne … Ariane … des prénoms qui sont autant de continents à explorer … mais seulement par la narration.

 

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