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Dictionnaire Leray
PROGRÈS
[E-mail] Article publié le 19 mars 2017. oOo « Business is business and progress is progress ». Cet adage mafieux est toute l’ironique morale du film Performance au croisement du film noir et de l’esthétique psychédélique. Le progrès est une série indéfinie. Il l’est, assez précisément, depuis Auguste Comte. La « série indéfinie du progrès » fait polémique. On en trouve la contestation aussi bien chez Baudelaire qui conspue les « philosophes zoocrates et industriels » que chez Durkheim :
Cette conception du progrès découle tout naturellement du monisme matérialisme, d’une certaine manière. Diderot décrit ainsi cette continuité de principe qui doit régir les lois de l’univers :
La thématique du progrès est cruciale pour le devenir de la série car elle est portée massivement par le développement de l’industrie, qui en donne le modèle concret et en même temps, constamment nourri par un sous-thème lui aussi relié à la genèse du mot « série », que nous appellerons motif généalogique. En latin, déjà, « series » équivaut à une lignée. La série des ancêtres, le renouvellement des générations, les questions de filiation et jusqu’à la démographie se greffent aux raisonnements et aux visions des philosophes qui tentent de décrire ce qu’est le progrès. Cette image, on la trouve déjà chez Auguste Comte, dans son Cours de philosophie positive.
A. Comte, CPP Il y a une sorte de parallélisme entre ce qu’on pourrait appeler le conglomérat conceptuel qui articule monisme matérialisme, motif généalogique et théorie du progrès et ce qu’on distinguera de cette matrice thématique le conglomérat lexical lui-même, où chacun de ces thèmes n’est plus qu’un trait de signification qui s’associe, ou non, au mot dont l’assemblage chaque fois particulier mais toujours enraciné dans une histoire, dans un enchaînement continu de paroles et de discours, forme une constellation sémantique d’une puissance diffuse. C’est encore cette constellation qu’on retrouve dans le Petit livre rouge de Mao Zedong, dans son édition française. De même, nous avons vu que dans le domaine de la pensée également, nous ne pouvons pas échapper aux contadictions et que, par exemple, la contradiction entre l’humaine faculté de connaitre, intérieurement infinie, et son existence réelle dans des hommes qui sont tous limités extérieurement et dont la connaissance est limitée, se résout dans la série des générations, série qui, pour nous, n’a pratiquement pas de fin, — tout au moins dans le progrès sans fin. Pour bien se rendre compte de l’homogénéité du motif dans cette série de discours, on peut la comparer avec l’interprétation de l’univers qu’on trouve chez Gérard de Nerval, à la même époque et avec des sources d’inspiration voisines.
G. de Nerval, Aurélia, p.81 Pour Nerval, à travers cette vision cosmique pour le moins angoissée, la suite des générations ne donne nullement lieu au progrès des civilisations mais à l’universel palimpseste où les êtres revivent les uns à travers les autres, dans une combinatoire secrète et mystérieuse. Et de cette combinatoire on est le prisonnier, qu’elle soit « fatale » ou « heureuse ». Mais chez Nerval comme chez Auguste Comte (et ses contradicteurs avec), le motif généalogique détermine l’apparition de la série, du mot « série » et de ses corrélats. Le thème du progrès à travers la littérature même la plus récente est un vecteur d’apparition du mot « série » à haute fréquence. |
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