le monde rapetissait à vue d’œil
quelqu’un nourrissait le monde
quelqu’un on ne sait pas qui
et le monde se nourrissait à l’œil
et il se réduisait comme un savon
les lettres s’effaçaient à la surface
on ne voyait plus la marque
on ne savait plus comment s’appelait le monde
Pierre Paul Jean ou Ahmed ou Patrick
le monde n’avait plus de nom
et il diminuait et tout diminuait
et on ne voyait pas que ça diminuait
forcément puisque tout diminuait en même temps
les rapports ne changeaient pas
on ne s’apercevait de rien
on n’avait pas la sensation de l’infini
mais on y allait tout droit
et ça ne faisait pas mal du tout
simplement des doigts se levaient
pour demander des choses simples
comme de manger à sa faim
ou d’être aimé pour soi-même
et tant d’autres choses si simples
qu’on se demandait pourquoi
il y avait tant de doigts levés
sachant que tout le monde
n’avait pas la force de lever le doigt
pour poser la question
qu’il avait envie ou besoin de poser.