L’art et l’argent ont des rapports très subjectifs.
En littérature, un certain nombre de lecteurs à un temps donné peuvent assurer un succès commercial à un ouvrage précis.
Dans une économie de marché ou capitaliste, les tentations - diaboliques - sont grandes d’adapter l’offre à la demande, autrement dit d’inventer une demande afin de satisfaire des investissements préalables. A court, moyen ou long terme.
Pendant ce temps, l’auteur peut tout à fait envisager sa propre valeur. A la fois mensuelle et absolue. Sur un mois. Sur une vie.
Le talent et la liberté autorisent seuls l’estimation de soi. A quel groupe ou institution l’auteur pourrait-il déléguer sa propre valeur ?
En peinture, les tableaux de certains noms, considérés parfois comme des maîtres, s’élèvent à des sommes qui paraissent astronomiques. Il suffit de citer Piet Mondrian, Marc Rothko ou Jackson Pollock, dont les oeuvres se vendent entre 20 et 150 millions d’euros, avec une certaine fluctuation. Ces exemples de montants peuvent être considérés comme positifs, dans la mesure où ils récompensent la qualité de ces créateurs, la place de leur discipline au sein de la société, enfin la considération de l’art.
Oui, ces sommes qui peuvent paraître élevées - des sommes dépensées par de riches collectionneurs bourgeois - font obligatoirement parler des créateurs.
Ainsi du Nobel de littérature dont la somme allouée avoisine les 850 000 mille euros, une somme subjective conséquente qui respecte la qualité du travail de l’écrivain consacré. Pourquoi ne pas créer un Nobel de peinture ? De musique classique ? Les peintres et les compositeurs - Rembrandt, Dali, Hopper, Mondrian ... Bach, Debussy, Ligeti - apportent autant à l’humanité. Ils montrent autant son évolution. Ce ne serait donc que justice ...
Parallèlement, les ventes aux enchères - de manuscrits par exemple - contribuent également au respect et à la reconnaissance des auteurs. Leur visibilité devient historique.
L’attribution subjective de sa propre valeur n’a donc aucun lien, initialement, avec l’économie de marché. Sa matérialité la plus objective réside sans doute dans le rapport direct entre l’individu et le système. Cependant, par un étonnant et joli paradoxe, le marché finit par attribuer à certains une valeur financière sur laquelle il n’aurait pas même spéculé.