|
Navigation | ||
![]() oOo Depuis près de vingt ans, Jacques Brou donne à éditer des livres qui, contrairement à la tradition la mieux partagée, ne jalonnent pas un itinéraire de recherches méthodiques, mais un ensemble de bouquins (de textes pour être plus précis) qui sont autant de percées dans le corps pensant — le corps étant ce qui reste quand son homme a cessé de penser, mort ou vif ; le corps ne précède pas l’homme ; ni ne le suit. Son La histoire du hommenfant est un roman. Le titre contient d’ailleurs déjà les deux instances que tout lecteur de roman s’attend à trouver (ou retrouver) dans un roman : le temps, sous forme d’histoire, et le ou les personnages. Autrement dit la distance qui sépare la mise au monde de l’enterrement, les deux limites qui laissent le temps à l’on de penser ou autre chose. Comme dans un roman de Conrad Aiken, le lieu est transporté : mais comme un chewing-gum qui ne décolle pas. La réalité est aussi collante que ça. Cependant, l’auteur n’a pas prévu de faire comme si. Ni de nous payer un billet pour un voyage d’évasion. J’y suis, j’y reste ! ¡Estupendo ! ¡Vamos a vivir otra cosa ! Certes, mais pas sans l’écriture. Certainement pas sans cette pratique poétique par nature qui manque à quasiment tous les romans de saison. J’avoue que c’est le côté des écrits de Jacques Brou qui m’engage le plus : au premier abord, on a peut-être l’impression d’avoir affaire à un narrateur genre Tarzan qui fait visiter le pays à une Jane toute nue et dispose. Il y a de ça, non sans humour — Jacques Brou a-t-il hérité son sourire du comprachicos ? Mais son travail considérable sur l’écriture ne s’arrête pas à l’impression : il va plus loin ; il improvise ; il est de notre temps ; avec nous. Fini le temps de la logique ; il y a d’ailleurs belle lurette que le langage ne s’y fie plus quand il appartient à ses connaisseurs. Sa pratique prête à la langue en usage une prosodie qui fait le lit d’une autre poésie que celle qui court comme le furet depuis que le surréalisme a perdu du terrain sous la houlette de poétaillons trop proches du pouvoir et pas assez éloignés de la saloperie dont Jean-Paul Sartre nous a touché un mot en pleine guerre d’attente. Car le texte même du roman relève aussi du poème. De l’épopée. De la manière d’aller du cas particulier à l’être en général. Page après page, cet homme d’abord non-né grandit et court sur ses jambes d’histoire à la fois unique et commune. Une fée accompagne les détails de son nécessaire périple (beaux passages d’ailleurs). La lecture, ralentie par les particularités grammaticales et syntaxiques, ne rate rien — ou alors c’est qu’on est très con et si c’est le cas, on a cessé d’entrer dans le livre dès la première page. Aucun risque de faire de mauvaises rencontres. * Heureusement pour ceux (lecteurs et pratiquants) qui s’accrochent malgré tout, quelques éditeurs tignousses y mettent encore du leur. C’est le cas de celui-ci, Tinbad, parisien de naissance et de domicile, joycien de nature, qui n’y va d’ailleurs pas de main morte comme en témoigne son catalogue : www.editionstinbad.com. *
(Qu’on se le dise !*) La Histoire du hommenfant de Jacques Brou – page 44. Chez Tinbad.
* Note du chroniqueur… Patrick Cintas. Lire aussi la chronique de Jean-Paul Gavart-Perret dans lelitteraire.com/ ?p=52543. Et celle de Christophe Stolowicki dans sitaudis.fr/Parutions/la-histoire-du-hommenfant-de-jacques-brou-1568401039.php |
![]() |
Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs | [Contact e-mail] |