Oui oui les romans
De la gare au tripot
Et du trottoir à la télé
Les romans sans virgules
Comme le vin de messe.
J’en ai lu j’en ai lu !
Avec des personnages
Et de fameux voyages
En enfer en croisière
J’en avais l’âme en feu !
Comment que ça s’écrit
J’en sais rien je m’en fous
Mais si jamais je peux
Moi aussi décrocher
Les étoiles du ciel :
Faudra alors que tu existes
En chair en os et en sommeil
Dans notre villa andalouse
Avec jardin mi anglais mi
Arabe : et un beau barbecue
Made in USA : raconte-moi
Ton histoire : avec la mienne
Ça fait deux : en faut-il plus
Pour exister et ne pas regarder
À la dépense ?
Ça fait combien d’épaisseur
Une vitrine en ville avec l’éclairage
Et les reflets de la curiosité ?
Petits pâtés des pendus du jour
Sur la tartine de pain perdu.
Pas de sucre dans le café STP.
Tu ne me connais pas mais j’écris.
Les pieds dans le raisin de ma vigne
Je bois le vin de l’an passé (à quoi ?)
Ce rhum vient de la Martinique.
Personne ne tue personne sans enfant
À la clé : un monde enfin stérile sans
Rien d’autre à faire que l’amour et
La lecture / oui oui les petits romans
Du kiosque Hachette avec abonos.
Comme la ville est nulle pour les yeux !
Et pour les oreilles c’est la conversation
Et les regards en coin : qui est la plus
Belle ? Extraite d’un roman à deux sous
Par un sociolote et une sociololote.
J’aime les petits romans de ma gare.
Les quatrièmes pour commencer.
La transparence des réalités quo
Quotidiennes et si mortelles ! / oui
Oui je sais tout de toi et c’est pour ça
Que je donne mes sous au libraire.
Les rancuniers font de longues carrières dans l’édition
Et de si courtes dans la littérature : cadavres des acrimonies
Dans les fossés aux vieux égouts.
Oui oui j’aime vos romans / leur sociolotie /
Esclaves de l’État mais heureux en ménage.
Qu’est-ce qui se vend mieux que les petits pâtés
/ à Séville ou ailleurs les pendus comme à Murano
/ barbouzes léchées par les noirs corbeaux
(comment voulez-vous qu’ils ne soient pas noirs ?)
Sans Pallas et sans fenêtre : la vitre nue de l’amour.
« Ah ! Ces retards qui s’accumulent !
On n’en finira donc jamais ! Ursule !
Changez de nom avant qu’on arrive
À bon port : j’ai blessé mon genou
Contre votre pied de table : appelez
Le capitaine ! Je souffre de douleur ! »
Si finalement le meilleur des plaisirs
Était le plus infime et le moins rare /
Grands vents ! Ça oui ! Un enbata du tonnerre !
Tournait les pages d’un exemplaire oublié.
Là sur le sable comme un coquillage : la marée
Menaçant son intégrité / « ya pas d’images
Maman ! » Poursuit vers le parapet où l’attend
L’équipage familial : le glacier coupe le jus
Et enfourne ses baquets dans son fourgon.
Fuite sans ordre des petits romans / quoique
La possibilité d’un hôtel peut expliquer
Ce qui se passe : touriste abolira les lois locales.
Reviendra et en lira le petit roman exemplaire :
Nuevaedición de nuestras novelas ejemplares.
Qui va plus vite que la feuille d’automne ?
Plus vite que la goutte qui n’a pas encore
Rencontré sa vitre ou son visage ? / Que d’amour
En théorie ! Va pour l’intuition qui nourrit le feu
Universitaire ! / Attendait sur le quai qu’on lui parle
D’autre chose que d’actualité et de nouveaux produits.
Du forum au tweet même les plus précieux esprits.
« Ça te raccourcit le roman de Pynchon
Et du coup tu comprends ou il veut en venir »
Raccourcissement ou circoncision / « c’est une question
De religion littéraire : pas le temps de te lire : j’ai
Tellement de choses à écrire ! Des pensées plein
Les couilles ! Sans prépuce je m’en sors. Barman ! »
Peurs et aversions /
telles qu’on ne sait plus
à quel saint se vouer /
vous vouez-vous vous ?
au roman mais j’en passe !
un chapitre, une branlette
et au lit jusqu’au matin
que le gréviste peint à la main
comme carte postale.
Nous aurons des extases devant les morts
De nos voyages / que d’acuités dans ce roman !
Tombes sans oiseaux pour chier dessus devant
La mer indifférente parce que morte / morte
Depuis longtemps : on n’y croit plus alors
On en revient toujours avec le même roman.
« Chantez de temps en temps mais pas tout le temps ! »
Ainsi vous aimez
Tourner les pages
Et sucer des bêtises.
Loukoum anal ça
S’intitulait je crois.
Peut-être pas loukoum
Mais anal j’en suis sûr (e)
Comme si j’y étais encore.
Ainsi vous lisez
Ce que les autres
Écrivent sur le cul.
Si nous nous aimions
Plutôt ? Ces toits
Sans oiseaux ni pères
Extraits de l’ombre
Pour donner la leçon
De leurs propres pères.
Ces toits sans vent,
Sans âge ni robes
D’été pour voler avec.
Ces pins qu’on dit parasols.
Ces coquillages vus de loin.
Ces canons que la guerre a laissés
Pour compte. Ces pages nues
Qu’on s’attend à noircir
Un jour ou l’autre : la vie
Comme spectacle de l’autre
En proie à sa possibilité
De retour. Toits sans piliers
Ni murs. La sente serpente
Parce que c’est son rôle
De serpenter avec les mots
Qui l’ont inventée il y a
Si longtemps que tout le monde
Est mort depuis. Orgasmons
Une dernière fois
Si tu le veux bien :
Et sans arrière-pensées.
Beaux calligrammes des reflets de vitrine.
Qui n’aime pas les murs de sa maison ?
Bel orage aussi / qui promet un doux repos
Derrière les vitres / envoyant la fumée
Vers le plafond / la langue tout excitée
Malgré sa pauvreté prosodique / appelant
Le vers à la rescousse / et sa rime si possible
Aussi léonine que la turgescence en cours.
Qui n’aime pas les murs de sa maison ?
Ce qu’ils appellent de leurs vœux.
Au sein de quelle expansion aussi
Sphérique que possible : circularité
Des obsessions. Vous n’irez pas plus
Loin que ces murs / même vus du jardin
Que la raison clôture par décret.
Beaux arbres sans intervalles de taillis.
Oiseaux s’y taisent en attendant la paix.
Surprit deux pinsons dans l’acte d’amour.
Sans amour mais avec passion.
Vit le nid en construction sur l’autre branche.
Veilla à sa pérennité tout le temps du printemps.
Trouva l’oisillon dans la broussaille
Et le donna au chat qui joua avec
Avant de se le faire piquer par la concurrence.
On aime les murs qui définissent l’habitation.
On ne pense qu’à ça au travail, en trajet,
En vacances et en cavale quelquefois.
Qui n’aime pas ses murs n’en possède pas.
Oui oui oui je les aime
Mes petits romans-pâtés
De sable sur la plage.
Avec de l’écume et des nacres
Mes petites histoires de cul
Entre bénitier et hôtel.
Nous n’avons pas d’enfance.
Ce qui est mort mort mort
Ne nous appartient plus.
Petits pâtés de nos pendus
Pour la cause : faut avancer
Si on veut trouver le moyen
De ne plus perdre notre temps.
C’est vivant vivant vivant
Qu’il faut exister pour aimer
Relire et même écrire
Nos petits romans de guerre.
« Ne marchez pas sur mon trottoir (dit-il)
/ c’est le quai de mes partances même
Si vous n’y croyez pas comme j’y crois »
VOUS AIMEREZ CE QUE JE VOUS VENDS.
JE L’AI AIMÉ AVANT DE DEVENIR PAUVRE.
Non non pas d’amertume ni de colère.
Des mots aussi simples que possible.
De petites constructions successives.
Je n’ai pas la dent dure à la morsure.
Ma langue connaît des douceurs
Que vous n’imaginez pas ô lesbienne !
Je m’attends à une douleur passagère.
Sur le roof de l’attente le bleu du ciel
Pour chapeauter les derniers mots.
Les reflets d’une peau humide de piscine.
La vôtre si la patience est à ce prix.
Une dernière métaphore et puis s’en va.
Votre oreille sur ma bouche sans langue.
La mort vous la coupe avant la fin.
Sachant que le cri peut s’en passer.
Raréfiez l’air et obscurcissez les lieux
Comme le veut la tradition.
Allumez le brasier au milieu du roman :
Oubliez ce que j’ai dit entre le début
Et la fin.