Vouais vouais
Tantôt il se sentait citadin tantôt rue tantôt vitrine
/ comment voulez-vous
Que sans vitrine
La ville respire
/ après tant de siècles
Passés à nourrir l’Histoire
. Les gens à la fenêtre
Sont rares ici, dit-il
. Nous étions attablés
Sous la bâche bleue.
Nous aimons ces instants
De café partagé.
Nous aussi nous respirons.
Le Temps nous étreint
Bien un peu : cette gorge
Que la Guerre n’a pas
Encore tranchée : glotte
Comme un ascenseur
Dans la cage des rites
Quotidiens / vouais vouais
. À part profiter comme
Le permet notre position
Sur l’échelle sociale
… quoi faire d’autre ?
Ne montez jamais plus haut ni n’allez jamais aussi loin.
Lions des jardins où le concept colonial continue
D’encrasser les oreilles de la jeunesse tentée
Par l’aventure des sommets :
Au bois nous n’irons plus,
Sous le soleil d’été.
Au bois ni dans les livres
Nous n’irons pour attendre.
Ça finissait toujours
Par cette solitude
Qui voyait s’éloigner
La promesse de l’autre.
Maintenant la vitrine,
Instrument de l’abîme,
Ne s’éteint plus la nuit.
Nous descendrons ensemble
Pour recompter nos sous.
« je l’ai connue quand elle n’avait pas l’âge
/ mais rien n’a commencé par l’Enfer / ni
Autrement d’ailleurs : manège d’ouvriers
Aux portes de l’été / au bois voulait aller
Mais ce sens s’est perdu : »
Faites chanter le vin
Avant qu’il ne soit bu /
vouais / peut-être pas si tôt : le totte du matin /
« ne raisonnez pas comme si vous étiez moi »
Le passage de la logique au taxon : rata la marche
Et se cassa le nez sur le palier du premier : volée
Trop vite / « si j’étais vous je ne dirais pas ça »
Tantôt lui-même, entre déni et fiction, tantôt
N’importe laquelle de ces vitrines de fin d’année /
« votre comédie arrgh ! je l’ai en travers de la gorge »
Descendant le premier venu comme le suivant :
Ces passagers qui nous rendent visite comme si
Nous étions riches : que viennent-ils chercher ?
Étages élevés il y a plus d’un siècle :
Marches changées deux fois dont
Récemment : ainsi que l’ascenseur
Mais pas seulement la cage : perroquet
De nos vieilles habitudes / fientes
Des journaux et pornographie des lieux
: « un jour vous me remercierez, vous
verrez » / comme cela se fait entre
Bons amis : à cette hauteur de la so
De la Société des Amis du Domestique
Emprunté. Vouais et non. Prenez
Puisque j’offre / J’ai contracté le virus
De la rage avec elle : pourquoi se perdre
Dans la forêt obscure du désir
Quand on habite un endroit si charmant ?
Introduction quotidienne du petit bout de bois /
Nous n’irons plus / pourtant nous avions aimé
Ces changements : nous avons même ramé
Vers l’amont : luttant contre le vent : harassés
De soleil / ou bien je godillais debout / tourné
Vers la fin en estuaire / une anguille étincelant
À un mètre de profondeur : tu n’imagines pas
La force qu’elle peut développer au bout du fil !
Les coquillages morts invitaient au repos.
Pas un signe de vie à la surface / des noirs
Et des blancs / sans géométrie ni mouvement
/ incompatible avec le regard cette étendue
Que la mer retrouve à heure régulière : vouais
J’étais là aussi mais sans mots pour en dire
Quelque chose de sensé : « pourquoi ici ?
Pourquoi cette Histoire et pas une autre ?
Quelque chose me ronge de l’intérieur »
Je n’ai jamais su si j’y habitais ou si j’en rêvais
/ siècle à messages / sauts des puces sur le sable
/ l’enfant en trouve une dans ses poils / pourquoi
ici ? « je ne sais même pas si ça a de la valeur »
Raison de plus.
Pourtant les bois étaient jolis et agréables à vivre.
Des sorcières en rond /
Des flaques comme neige
Des hauts sommets /
Les miroirs de l’eau en l’air
/ qui a perdu les vers de Sappho ?
Poisson sans écailles au feu de bois.
Chair douce et langue dehors.
Ces épines au passage /
Bras nus des réfractions sauvages
/ qui n’a pas écrit quelque chose
De sensé sur le sujet ? / la mer
Dépose son sel sur les piliers.
Ou bien tu désertes les lieux.
« Aller au bois est une mauvaise
Habitude il faudra que ça te passe
Sinon tu ne deviendras pas celui
Que je ne suis pas / »
Vous refermez la porte du salon.
L’odeur du tabac dans les rideaux.
Les noirs de la bibliothèque. Orages.
Façon Courrèges une casquette
Portée sur l’œil : le shoot sur le gazon
Et la proximité des fenêtres d’azur
Volé comme lettre à l’imagination.
Quelle extase ! Nous en sommes tous
Là. L’ivresse ou la dure réalité des jours.
Comptant sur le sommeil pour habiller
La Nuit. « vous le savez, vous, qui
a perdu ces vers ? » / si je le savais
Ah vouais ! mais je ne sais rien d’aussi
Précisément possible et à la lettre /
Le tram et le grison. Roman à faire.
Des fois je suis ce que je suis et des fois
Non. Toutes les scènes de Iago coupées.
1097. Dit la préface bien renseignée /
Coupez le son et n’interprétez plus.
Désaturez l’image jusqu’au noir.
Vous ne pouvez pas déconnecter
Sans perdre les sources : alimentations
Par signaux / nous communiquons aussi
Par virus interposés / un coup frappé
Sur le plancher ne perd pas son sens
/ voisin impatient le vendredi / nous
Allons au bois cueillir des / qui n’aime
Pas ses murs : tantôt lui-même tantôt
Mur / voire murs / plans non sécants
/ forment l’habitat / imitation d’un bois
Au croisement des façades : chaisière
En poste depuis toujours : semble-t-il /
« depuis combien de temps habitons-nous
ici ? » / ou : à quel moment prononce-t-on
Le mot jamais ? Nous allions pour revenir
/ jamais le contraire / heureusement il y a
Des vitrines pour abriter nos personnages
: déni et fiction à tous les étages / rata
La première marche à la hauteur d’un regard
D’enfant : « dis-moi si je chante bien » /
Pas chanter : exister / pléthores de messages
Sous prétexte de poésie / « je n’ai jamais su
si tu dis vrai » / trouble psychique / aucune
Ligne de composition : va au bois comme on va
En vacances avec les siens / ne cherche pas
Plus loin : dispute des partisans du commerce
Avec les tenants de la joie / pas plus loin
Que le bois ni plus haut que l’étage /
« bon sang chéri ! qu’est-ce que nous avons
perdu toi et moi ?
— Sappho. »
vouais vouais vouais
/ repose le verre et allume sa clope :
« c’est déjà fini » / évoque un vieux film
Qu’il n’a pas revu depuis longtemps :
Il en sortait avec l’envie de recommencer.
« pas eu le temps de » / ni celui de penser
À retrouver le premier sens donné /
vouais vouais vouais
ou bien s’agissait-il seulement de le prendre
/ dans ce cas qu’est-ce que j’ai perdu ?
/ moi qui me souviens de tout mieux que Marcel
/ séjournant dans la bibliothèque aux cuirs
Craquelés comme des Bosch / finement /
Séparé du jour par les fenêtres / cadavres
Alignés comme après la bataille / jamais
Plus aussi proche d’en finir avec cette angoisse
/ « ça se passe comment pour vous ? » /
Je l’ai eu su / naguère au bois en toutes saisons
/ riant comme un mort / « vous n’allez donc
plus au bois » /
vouais vouais vouais
Bouffée sans conviction : on dirait que la braise
S’amenuise / l’auriculaire en crochet / détails
Pour une future mise en scène de la déconfiture
: des fois qu’on me demande d’exister avant de /
« vous voyez ce que je veux dire » / vouais vouais vouais
Ensuite ? / Ensuite on est remonté
Et on s’est couché dans le même lit
Parce qu’on a une seule couverture.
Sinon on a deux lits et deux lampes
De chevet / avec livres et manuscrits
Autographes / pas riches mais royaux
/ « je crois que le temps est venu de vous remercier
De m’avoir écouté / »
Vous aimez ?
Ancolies des fossés et des talus.
Jambes nues dans les herbes.
Laissez-moi rêver avec vous.
Ne sommes-nous pas heureux ?
Oubliés les aïeux, les semblables.
Le sceptre et le godemiché.
Montez sur ce trône et trônez !
Vous souvenez-vous de cette fraîcheur ?
Quelle source n’y coule pas ?
Vous avez tant écrit pour ne rien dire !
Et si peu pour exister avec moi.
Cueillez le fruit de nos amours
Et épousez sa promesse d’avenir.
Sally.
« vouais vouais vouais
Je me souviens de ça de tout d’elle de lui du bois
/ écrivais des lettres / entre les murs / des lettres
Comme personne n’en a jamais écrit / tramontane
À l’appui / quelle domesticité me servait alors ?
Hidalgo en quête de terre / pourquoi cette hiérarchie
Inspirée (que tu le veuilles ou non) par l’idée de Dieu ?
N’en parlons plus si vous voulez / un fond de bouteille
/ et ce mégot / nos spectres dans le miroir / le torchon
Du bartender essoré au-dessus de l’évier / je n’ai plus
Rien à dire à propos de ce bois : je peux revenir
Si ça vous chante »
Bois des gravures.
Empilement en coin.
Jour s’y fragmente.
Dos courbé en ombre chinoise.
Mouches des rideaux.
« vous ne saurez jamais »
Nous avançons à tâtons,
À moins de ne pas être seul.
Plaisir de la compagnie.
De la foule. Du tout en marche.
Nous finissons non pas dans la poussière
Mais au sein même de la masse.
« Comme c’est joli ce visage serein !
J’aimerais en posséder un comme ça !
Je n’ai jamais eu de chance avec les hommes.
Des fois je me dis que je ferais un bon poème
Et d’autres fois j’ai du mal à me regarder
Dans vos miroirs oh mon Dieu que de miroirs
Ici ! / avec vous et sans vous : ces miroirs ! »