"La littérature est une nourriture transcendantale. Ne serait-elle pas, aussi, celle du démon ?" S.P

Je suis le tigre qui attend patiemment sa ration, dans un espace indistinct. La lumière, latérale et verticale, opère de multiples croisements qui sont probablement les seuls signes de vie.
Dans le temps aboli ou supprimé pour l’instant, j’attends.
Je patiente dans la conscience d’un animal sauvage qui visiblement échappe à toute forme de domestication.
Soudain, les lois de la gravitation entrent en jeu, brutalement, pour provoquer la chute d’un amas de protéines qui ne demande qu’à être saisi et ingéré. L’aspect rougeoyant et strié, l’aspect luisant indiquent la fraîcheur de la découpe ou de l’extraction, l’odeur se diffusant immédiatement et totalement dans l’espace indistinct. Livrée par le hasard, cette pièce m’attend, dans une présence dont l’épaisseur provoque la réaction de mon instinct. Je me jette, étrangement affamé, sur le morceau nourricier que je déchiquète avant absorption. Dès le contact initial, la souplesse et l’odeur annoncent la déflagration du goût, ainsi que l’apport nutritif. Je ressens instantanément une fortification supplémentaire ... qui en réclame déjà une autre. Mon squelette s’élargit ou plutôt gagne en puissance, tandis qu’il attend, sans y penser, une autre pièce de protéines.
Il est de plus en plus dense, compact. Sans raison. Obéissant à un programme qui le dépasse.
La lumière seule est présente.
Il demeure là, sans ennemi.
Sans raison ...