Quel honneur vous me faites !

C’est ma fête, c’est un fait.

Que dire, que dire ?

Ne dîtes rien, respirez profondément ! Détendez-vous ! Laissez venir à vous la vague porteuse-flatteuse !

Et puis, dites-moi, après, que dois-je faire ?

Vous laissez aller dans ma chambre aux mystères, sentir la vague monter en vous jusqu’à plus soif. 

Vous voulez faire de moi une plage de sable blond !

Une falaise plutôt, un obstacle millénaire, un bloc de granit errant, vous verrez.

Seriez-vous sculpteur de votre état ?

Une espèce rare de sculpteur, je sculpte dans les chairs vives.

Mais quelle horreur !

Je ne vous le fais pas dire. Vous ressortirez ragaillardie de l’expérience, plus vive que jamais, je vous assure.

Une fois passée le cap de Bonne Espérance, vous naviguerez dans les eaux usées de l’humanité.

Vous verrez les colosses aux pieds agiles, visiterez les colonnes lumineuses du temple de Neptune effondré, observerez la course des étoiles et distinguerez nettement la lune fendue. Vous deviendrez cette moitié de lune que vous espériez tant devenir, avant de me parler. Ce sera la fin du voyage. Vous pourrez vous poser.

Une lune blafarde mais souriante, et bavarde ?

D’un sourire fendu par le milieu, la lune qui rit fendue de moitié, une image clownesque en diable, héritée du crâne de clown que j’ai fendu à la hache il y a fort longtemps, la face hilare fendue en deux, j’en ai conservé une moitié, j’ai lancé l’autre moitié grimaçante dans les cieux, elle reste à ce jour introuvable.

Et on m’admirera pour cela ?

Vous ferez l’objet d’un culte nouveau en terre inconnue, ne vous inquiétez pas, je m’occupe de tout.

Ah oui alors !

Jean-Michel Guyot

7 mars 2020