|
|
Navigation | ||
Seriatim 3 - [in "Seriatim"]
Seriatim 3 - C’est fermé ! Toujours fermé ! (Patrick Cintas)
[E-mail] Article publié le 17 janvier 2021. oOo C’est fermé ! Toujours fermé ! Avant l’heure ce n’est pas l’heure ! La voilà, la sagesse populaire ! On se lève tôt par habitude Mais c’est trop tôt pour le monde ! Parlez-moi de la solitude de l’Homme ! Il n’a pas dormi de la nuit et il se lève. Il sort pour ne pas demeurer dans sa chambre Et les rues sont désertes, sans vitrine ni femmes. Pas de trace d’une veille passée à fêter Telle ou telle tradition héritée de l’Age de Pierre. Il pleut sur son parapluie et sur ses épaules. Il n’évite pas les flaques ni la rigole. Les rideaux grincent sous le vent ou : C’est autre chose qui grince / il en a vu De pire : nuits comme des murs entre les jours /Il devrait dire : journée, car l’heure est précise, Comptée, décomptée, revue et corrigée Comme le manuscrit provisoire de son contrat Avec les maîtres des lieux / sa langue claque Sous les branchages ployés / il n’entend Que ses semelles et sa voix intérieure, celle : Qui ne le quitte pas : depuis qu’il n’est plus Un enfant comme les autres : nom volé Aux parois, aux portes, aux trous de serrure / « j’ai toujours été seul, même en compagnie De la joie partagée et des résultats d’entreprise »
RÍO Il ne nous voit pas… BLANCO Tu veux dire qu’il ne nous entend pas. RÍO Que nous arrive-t-il Si nous ne croyons plus À ce personnage donné Comme il vient sur le tapis ? BLANCO Chut !
Fermé ! Et moi qui attends Que ça ouvre ! Fermé comme Pour toujours ! Et pourtant Ça va recommencer, toujours !
Me voir sans la complicité Des vitrines ni des yeux qui Passent comme des oiseaux Qui reviendront tôt ou tard.
De quelle saison suis-je le fils ? Personne ne me l’a dit ! Peur De faire de moi un être à part… Peut-être m’ont-ils aimé vraiment.
J’aime ce « vraiment » que je mets Partout où ça ne chante plus. J’en conçois de vagues angoisses, Mais je ne suis pas un spécialiste.
J’ai dormi sans dormir, rêvé Sans rêver, sans doute joui Sans en demander plus, ravi De me mentir une fois de plus.
« Qu’est-ce que vous faites Dans la vie ? » / si je vous le disais Vous ne me croiriez pas / je mens Pour ne pas mentir / c’est vraiment !
Ils ferment tout pour avoir le temps De dormir et je me lève avec la nuit Sans avoir une idée de ce que le temps Signifie si je n’en dis rien, « vraiment »
C’est « fermé » quand j’arrive et s’il Ne pleut pas, avec ou sans le vent, Mer lointaine ou seulement rêvée, Je ne convoque pas mes personnages.
Voilà comment j’explique ma « solitude » / mon attente d’un petit verre jetant Les dés avec les bris de la coquille / « Quel beau temps il va faire sans vous ! »
Ces chaises enchaînées, cette toile qui Dégouline en silence, ou à peine le bruit Des écoulements de surface / qui es-tu Toi qui me suis comme si j’étais « quelqu’un » ?
Non ! Non ! Nous ne sommes pas là ! Soumis à l’Histoire propriétaire des lieux Et des états ! Nous voyageons avec L’écriture, soumis à sa nécessité !
Seulement voilà j’ai soif ! Par habitude Du matin. Ma main tient déjà le verre ! Mes doigts brisent la coquille Au contenu bouilli encore chaud.
« Je passerai vous voir dans l’après Midi » / des « choses à faire ensemble » / « je suis payé pour ça » / ô flux Incessants des échanges de procédés !
RÍO Il se tait… BLANCO C’est nous qui nous taisons. N’oublions pas que nous sommes au théâtre, Soumis aux mêmes lois que le citoyen ordinaire. La même existence coule dans nos veines. RÍO Nous n’en avons pas ! BLANCO D’existence oui ! RÍO De veine ! BLANCO Doigt sur ses lèvres Chut ! Voilà un moment Qu’il s’est remis à parler. Ne parlons plus s’il parle. Jouons sans parler !
(jeu) Pas un bruit à l’intérieur… Chaque matin je colle Mon oreille à ce rideau. Mais aucun signe de vie !
Qualité de l’endormissement Et non pas quantité de sommeil. L’instrument de mesure Est un rideau tombé et cadenassé !
Plus tard nous mesurerons La portée de nos conversations : « Comprenez que dès que ça devient poétique, le temps n’est plus le temps »
Pour comprendre, je comprends ! J’ai le sens de l’équation inné. Je travaille et je vis / on peut même Dire qu’il m’arrive de profiter
Du bon temps ! Qui ne s’incline pas Devant tant de savoir ? Manquez Un rendez-vous et on vous en veut Au point de vous réduire au procès.
(chantant) Río et Blanco sont dans un bateau. Río dit que ce n’est pas Blanco Et Blanco dit que ce n’est pas Río. Devinez qui je suis !
Il cogne le rideau à poing fermé. Mais aucun bruit ne résulte De ce moment d’impatience, Ce qui est « Illogique ! » dit Río. « Insensé ! » dit Blanco. Beaucoup de bruit pour ça ? Je n’ai réveillé personne.
L’un me conseille de retourner Chez moi, l’autre me dit que L’heure approche, et je pense Qu’entre moi et le travail :
RÍO Il n’y a rien ! Pas même le néant. Rien du tout ! Je passe d’ici Au travail Sans « passer » ! Qui dit mieux ? BLANCO Résigné Personne ne dit le contraire. Mais peut-être que le sommeil Explique ça mieux qu’un discours Ou un élan poétique… Qu’en dis-tu ? RÍO Qui parle ? Bruit de bouteilles dans les cageots. (corrigeant) Qui va bientôt parler ? Les mêmes mots pour dire la même chose. Depuis l’Age de Pierre. Voyant l’écriture Avant même de la prononcer comme Il convient : « Musique ! Maestro ! » Son de la télé, nettement reconnaissable À la voix ou au jingle.
Ça va ouvrir ! Je dirai bonjour Dans l’interstice croissant (mais Dans quel sens ?) du rideau Et des paupières encore Ensommeillées, bonjour ! Vous savez bien pourquoi Je viens. Vous savez ce que Je « fais » dans la vie. Vous Connaissez mes habitudes. Bonjour ! Ça recommence Et je ne m’en plains pas. J’en souffre, par habitude. Je sais où je vais et même D’où je viens, ce que je suis Et ce que je possède et aussi Ce qu’on pense de moi quand On y pense… « ça fonctionne-ti aujourd’hui ? » « des nouvelles ? » Mais qui en demande si ce n’est Pas le journal ? « je suis pressé ce matin ! Ne me demandez pas pourquoi ! » / Je suis le premier. Mais pas le dernier. J’aime Cette odeur ! Quelle promesse !
RÍO Qui ne recommence pas ? Qui ne veut pas savoir ? Frappe au rideau ! Appelle ! Le matin promet qu’à midi Il sera presque minuit. Quel rythme ! Quelle foison ! Il ne manque plus que l’enfance ! BLANCO Poings serrés Mais nous l’avons perdue… Ah ! s’il y avait un dieu… Quelle prophétie à faire ! Je saurais m’y prendre, moi ! RÍO Et moi donc ! Avec le petit verre du matin. Et le sourire de la première femme ! La première page du journal Et la première éclaircie ! Aimons la vie, Río ! Comme nous n’aimons pas la mort. Toi et moi plus vivants que jamais ! Ils entrent et saluent le monde déjà entré.
|
Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs | [Contact e-mail] |