Le concept d’Empire est pour le moins étendu.
Peu avant l’avènement du calendrier chrétien, au centre de l’Occident - c’est-à-dire à Rome, la Ville Universelle, bientôt riche d’un million d’habitants -, un certain Jules César, cortex au croisement de bien des talents dont celui de militaire, de politique, de tribun et d’écrivain - faut-il y ajouter celui de séducteur dès lors que la séduction est un art ? -, aperçoit l’horizon de la civilisation qui exige mutation. Sa pensée globale est la seule à pouvoir appliquer le futur, qui est déjà en marche. La conquête de la Gaule n’est que prétexte à accroître une autorité déjà importante, qui lui permettra de mettre en œuvre, souverainement - c’est-à-dire légitimement - les futurs contours de la civilisation romaine : dépasser les limites de la Ville, augmenter le nombre de magistrats, administrer les provinces, ouvrir le Sénat...
Le Sénat : arc-bouté sur des traditions dont il est le garant, il adopte une attitude réactionnaire, profondément hostile à César. Mais le divin Jules, adoré du peuple et ennobli par son propre cursus - archétype d’une aristocratie populaire - est désormais dictateur, possédant les pleins pouvoirs, et peut commencer à mettre en œuvre les profondes réformes qui transformeront la République en Empire. Sa délicieuse épouse Calpurnia avait pressenti sa fin funeste synonyme de sanglant malentendu puisque César n’a jamais voulu être roi...
Il est trop tard néanmoins. Son sacrifice politique ne peut que servir les desseins de son petit-neveu Auguste qui matérialisera les spéculations césariennes, en digne successeur, en digne héritier. César n’est plus ? Vive l’Empire ! Oui, vive l’inexorable transformation du monde...
Au-delà du Moyen-Âge et de la Renaissance, dans un Occident toujours dominateur, Napoléon met fin à dix ans de tumulte révolutionnaire en prenant le pouvoir. Les réformes intérieures, profondes - création du lycée, du Code civil, du Conseil d’État, des préfets, de la Banque de France... - sont concomitantes à l’affrontement des couronnes européennes qui souhaitent profiter de la faiblesse française.
Le royaume s’effondre. Quel nouveau régime inventer ? La République ?...
Guerre civile, guerre européenne, Révolution... tous les types de conflit s’agrègent, mais un homme un seul canalise la violence du contexte pour l’orienter vers une direction réformatrice qui se résume ainsi : sélection des principes révolutionnaires, abandon de l’Ancien régime. C’est l’érection de la synthèse avec l’invention de l’Empire. Un compromis dynamique en somme, qui assure une certaine modernité.
Même si les desseins de l’homme à cheval versent dans l’excès, en Espagne ou en Russie...
Quant au concept d’Empire narratif ou d’Empire littéraire, il est en bien des points analogues aux précédents.
La dynamique de toute œuvre inscrit sa puissance sur le long terme, s’érigeant sur de l’ancien, pour emprunter une direction nouvelle. L’élaboration d’une œuvre littéraire peut s’étendre d’un genre l’autre, après en avoir épuisé certains.
La nouvelle, le roman, l’essai, le récit, la critique... se développent tout au long du cursus de l’auteur, tout au long de son curriculum vitae, s’affirmant par surcroît sur les ruines d’une littérature de masse ou industrielle qui n’a plus aucun rapport avec la littérature.
L’on peut aussi évoquer le concept de littérature impérialiste, qui signifie un mouvement de l’avant, reprenant l’ancien - et toujours aussi moderne - réflexe prométhéen. De la sorte, l’œuvre en question procède inévitablement à la régénération de sa propre civilisation, du contexte qui l’a vu naître, c’est-à-dire un humus occidental.
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Commentaires :
Travailler par Jean-Michel Guyot
Nous sommes en attente de lectorat, méconnus que nous sommes, en plus d’être exposés comme tout un chacun aux aléas et aux incertitudes du temps présent.
Aussi dois-je avouer dans ce contexte mon admiration pour le travail infatigable de Stéphane Pucheu qui trace son chemin en suivant une perspective novatrice et décomplexée, sure d’elle-même, ce qui, à mes yeux, fait de lui un esprit de première grandeur qui ne cessera sans doute pas de nous étonner pour le meilleur.
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