Il se posa, éminent et sûr de son fait, en pur comptable des possibles, comme si d’une part il connaissait par avance, en devin, l’ensemble des choix esthétiques possibles propres à une époque qui s’annonçait nouvelle et d’autre part avait une conscience aiguë des possibles éventés qui appartiennent à un passé prestigieux définitivement révolu.

En somme, un dieu vivant à la mine renfrognée de critique vertueux, intransigeant, un Saint Just des Lettres, sorte de père fouettard doublé d’un fin meunier.

Ses farines étaient les plus fines du pays, d’une blancheur presque aveuglante. Nous fûmes nombreux à tenter de pétrir notre pain quotidien avec ses belles farines. En vain. L’illusion dura le temps d’une unique fournée.

Jean et moi décidâmes incontinent de vider les lieux. Plus question de cultiver les blés dans les parages de cet être malfaisant. Nous le laissâmes à ses vaines conquêtes.

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Beaucoup d’esprits éminents, de nos jours encore, confondent allègrement le chant des profondeurs avec le champ littéraire qu’ils arpentent en propriétaire des lieux, véritables hobereaux autoproclamés bardés de diplômes.

Leurs ukases tranchent dans le vif des chants pluriels.

Ses obsédés de l’influence ramènent tout à eux, ne supportent pas l’indépendance d’esprit. Ils n’analysent pas, ils dissèquent la matière vivante de nos écrits.

Leurs critiquent mordantes sont de chiens enragés. Il faut les abattre sans pitié.

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Où se situer, lorsqu’à flanc de colline, le verbe lent mais les reins solides, nous nous apprêtons à partir à l’ascension de ce sommet de verdure ?

Poésie et philosophie marchent main dans la main, se séparent parfois, l’une devançant l’autre et vice-versa, avec pour seuls témoins les dieux nombreux, si nombreux qu’il faut une vie entière de labeur pour percevoir le souffle alcyonien qui façonne leur improbable figure, souffle qui nous laisse chaque hiver venu dans le doute quant à la solidité des fondements de notre existence.

Loin des manivelles et autres engins, sur des routes restées poudreuses, j’entends le hennissement du cheval indomptable qui caracole à ma rencontre par pure curiosité.

Les voies du Destin restent ouvertes, ne se ferment que sur les yeux de qui s’en va mourir au loin au plus près de soi, cette fournaise cuite et recuite prête à rendre l’âme. Ses armes figureront en bonne place dans notre panthéon.

Mes verroteries, fruits d’un labeur dont j’ignore la fin, sans en méconnaître les fins ; moyeux et moyens sont indifférents à qui marche sur un chemin d’écriture. Seuls compte le dur soleil et les pluies toujours les bienvenues.

Le noueux bâton de l’amitié qu’on lâche parfois de dépit.

Dans l’air dur, un parfum de granit rose, pierre commune à tous et à toutes, le feu rassemble et divise, calcination égyptienne. La terre porteuse de regards frémit d’aise à la vue de certaines ruines. Hautaines demeures que la rapacité de quelques hommes détruisit.

Il nous faut tout rebâtir sur des bases nouvelles. Les sommets sont d’un autre temps. Il n’y a pas d’idylle qui tienne, je le dis presque à regret.

Vienne le temps des solitudes. Tout nous sépare, tout nous relie.

Tu te tiens sur l’autre rive, amie. Viens donc me rejoindre.

Jean-Michel Guyot

19 juin 2022