Un pli d’air dénudé par le klaxon d’un mot
aussi bref qu’un corbeau, désarme cet instant
sans instant, et flattant l’épiderme du temps,
insinue le fichu des choses sur les sens
qui les greffent au sens dont elles se parfument
aux genoux des chemins et l’éboulis des os
d’une pensée fugace, et répétée jusqu’à
s’éteindre près du stop inopiné d’un lierre
rusé comme l’ourlet d’une jupe entrevue,
dans un étonnement rapace et provisoire,
où s’évoque la cuisse sale d’une époque
de ce moi qui découvre un moi en embuscade
et savoure le heurt venu de la fenêtre
aux angles dispersés dans les corrals du vent.
FORUM
Pour participer, voir en bas de page>>
Commentaires :
Une lecture par Jean-Michel Guyot
La merveille de la poésie de Gilbert Bourson tient tout entière dans l’extrême tension qui s’y joue entre une fluidité irréfragable et les heurts et secousses qu’elle dissémine dans ses longues phrases qui ne cessent de rebondir sur le sens nullement cumulatif qu’elles déroulent, le poème semblant pour ainsi dire avoir été écrit à rebours, ce qui vient, toujours vient, semblant appeler en retour ce qui fut déjà dit-écrit.
Cette poésie fait place nette à la venue de son présent.
Tout entière fruition de l’instant, aux fruits sans cesse différés, contrariés, renvoyées aux calendes poétiques d’une attente sans objet aucun, amoureuse de l’incertitude quant à l’avenir, soucieuse d’un équilibre formel qui ne sacrifie pas au joli, au bel effet sonore et ronflant d’une scansion empruntée mais qui réinvente une rythmique toute classique au sein même d’un déferlement imagé tout à fait sidérant d’audace et de justesse ; ici, la gratuité des images n’a pas lieu d’être, tout y est pertinent et percutant.
Fluidité heurtée, à tel point qu’il est difficile, presque douloureux, d’en extraire un passage sans en casser le rythme, sans en suspendre indument la dynamique, ce qui ne contribue pas qu’un peu à rendre cette poésie unique en son genre.
Jean-Michel Guyot
27 juillet 2022