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Préface de Juliette PICOCHE
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 Article publié le 14 septembre 2008.

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Direction : Pascal Leray

Préface de Jacqueline PICOCHE
professeure honoraire à l’université d’Amiens

La série en linguistique

Un beau jour de l’an 2007, je reçus un message d’un monsieur nommé Pascal Leray, passionné de la notion de “série”, que je ne connaissais pas du tout. Il me demandait d’écrire un article sur la notion de “série” en linguistique. Son attention avait été attirée par un paragraphe de l’introduction à mon Dictionnaire étymologique du français (récemment revu, complété, mis à jour, et republié par les éditions Le Robert) . Je le cite in extenso : « La linguistique structurale - paradoxalement, étant donné son orientation non historique - a apporté, grâce à la notion de “série”, une contribution intéressante à l’élucidation d’un certain nombre de mots de caractère populaire et expressif jusqu’ici expliqués de manière peu satisfaisante, ou totalement inexpliqués. Notre dictionnaire lui doit principalement ses tentatives de regroupement des mots à base onomatopéique ou expressive ; sa présentation par séries des mots comportant une base phonétique commune et provenant d’un étymon commun ; enfin, le rassemblement en quatre annexes des mots fondés sur un redoublement syllabique ou consonantique, des mots ayant pour étymon plus ou moins lointain l’onomatopée d’un cri d’animal, et des mots ayant pour étymon un nom propre de personne ou de lieu. » Ces “séries” ont un intérêt historique. Chacune constitue une sorte de moule qui, au cours des siècles, a donné une forme commune ou un type commun à des mots d’âge et de sens différents. On peut les aligner comme on aligne, dans les vitrines d’un musée archéologique différentes pointes de flèches en silex, différents types de vases grecs ou de boucles de ceinturons mérovingiens. Mon Dictionnaire étymologique est une sorte de musée où des articles complexes sont comparables à des vitrines regroupant des mots de même origine dont certains se sont dispersés au cours des âges tandis que d’autres s’organisaient en “séries”. En ce qui concerne la “base phonétique commune et provenant d’un étymon commun”, il s’agit généralement d’une base savante, par ex. la base –stit- que vous trouvez dans instituer, destituer, prostituer, restituer, substituer

Mais, bien sûr, les personnes qui pratiquent encore le tir à l’arc n’utilisent plus les pointes de silex , on ne sert plus le vin dans des cratères grecs, on utilise des boucles de ceinture plus modernes. De même, pour utiliser le verbe instituer, il est inutile de savoir qu’il a une même lointaine origine que le verbe prostituer . Autrement dit, la connaissance de séries étymologiques, satisfait la curiosité du chercheur, mais n’aide pas ou peu à acquérir le maniement vivant de la langue. Par contre, il existe dans la langue des séries vivantes de la plus haute importance pour son fonctionnement et c’est d’elles que je parlerai ci-dessous.

Mon projet était d’introduire l’article par une histoire du mot série pour montrer que son développement, relativement récent, est concomitant au développement de la science moderne. 

À cet égard, Pascal Leray m’a vraiment coupé l’herbe sous le pied. Son livre, intitulé Portrait de la série en jeune mot  (éd. Le chasseur abstrait - mars 2008, 275 p.), qu’il m’a aimablement dédicacé, se termine par une recherche historique aussi complète que possible moyennant les instruments de travail usuels : le Trésor de la Langue Française, Le Dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey, plus couramment appelé le Robert Historique, et même le Dictionnaire étymologique du français d’une certaine Jacqueline Picoche. Qu’ajouterais-je ? De plus, il me prescrit une méthode p. 221 :

« Quand ON aborde une série IL FAUT se demander quel point de vue domine [assertion d’ordre général qui s’applique donc à moi comme à quiconque] . JE distingue, hâtivement, quatre ordres [assertion particulière au seul Pascal. Mais je n’ai pas de raison de contester ses quatre ordres ni d’en proposer d’autres] :

- L’étude est synchronique ou diachronique (et il traduit pour les ignorants : historique ou systématique).

- Elle est discursive ou transdiscursive (elle opère sur plusieurs discours).

- Elle est didactique ou poétique.

- Elle est linguistique ou épistémologique.

Ces trois ordres sont à distinguer, non à séparer. »

Je distinguerai donc, dans le lot, les adjectifs synchronique , systématique , et linguistique. Ce sont eux qui qualifieront et définiront mon discours. C’est pour moi l’occasion de signaler que je suis l’auteur principal d’un dictionnaire destiné justement à l’enseignement systématique et synchronique du lexique, dont on pourra se faire une idée en consultant mon site internet jacqueline-picoche.com.

Il s’agit de :

Jacqueline PICOCHE et Jean-Claude ROLLAND, Dictionnaire du français usuel - 15000 mots utiles en 442 articles - Bruxelles – Duculot-De Boeck – 2002 –1064 p. - Version cédérom (PC et Mac) et cédérom en réseau. (en abrégé, DFU)

Le mot série y est traité principalement dans l’article SUIVRE et on le retrouve à des places moins importantes dans plusieurs autres articles, notamment PREMIER et DERNIER, COMMENCER et RÉPÉTER

Néanmoins, puisque cet article est destiné à une autre publication que le Portrait de la série en jeune mot, je m’autoriserai un bref résumé historique : Le mot français série  est savant ; c’est un calque du nom latin series dérivé du verbe serere qui signifiait “tresser, entrelacer”. Imaginez quelque chose comme une guirlande de fleurs. Mais dès le latin, il avait pris aussi le sens d’ “alignement d’objets juxtaposés”, et développé des emplois abstraits dans le domaine de la logique et de la généalogie. En français, il n’est utilisé qu’à partir du XVIIIe s., avec le développement des mathématiques puis d’autres sciences. C’est donc un “jeune mot” et ses dérivés,  sériel (1843) et sérier (1935)  sont plus jeunes encore.

Précisons d’abord de quoi nous parlons et ce qu’il est généralement convenu entendre par le mot série :

Le TLF nous donne successivement deux définitions dont l’une ne fait que préciser l’autre : 1. Ensemble composé d’éléments de même nature ou ayant entre eux une unité et 2. Ensemble dont les éléments homogènes qui le composent sont ordonnés selon une ou plusieurs variables : le temps, la fonction, etc

Considérons homogène  comme simple synonyme de Ensemble composé d’éléments de même nature ou ayant entre eux une unité et retenons la notion de variable, la suite de l’article ne faisant que préciser toutes sortes de types d’ “unité”, artistique, mathématique etc ; et notamment l’unité linguistique qui nous occupe, au sein desquelles jouent des “variables” dont nous aurons à parler.

Le Petit Robert suit un plan plus historique, puisqu’il commence par définir les emplois mathématiques du mot série avant de passer à ses emplois usuels : Suite déterminée et limitée de choses de même nature formant un ensemble ou considérées comme telles  

L’emploi du mot suite  précédent le mot ensemble  montre que le rédacteur a pensé d’abord la série dans son développement chronologique, un élément apparaissant après l’autre, avant de la penser comme un ensemble synchroniquement constitué. On peut considérer que déterminée fait double emploi avec de même nature  et que considérées comme telles manifeste un scrupule peut-être excessif du lexicographe. Il n’a pas cru bon d’introduire la notion de variable, pourtant importante,  mais il a introduit celle de limite sur laquelle nous aurons à revenir.

Nous partirons donc de la définition suivante : ”Ensemble limité d’éléments ayant entre eux une unité et ordonnés selon une ou plusieurs variables”. Nous voilà bien proches de la notion de “catégorie”.

Bien sûr, on n’a pas attendu le XVIIIe s. pour penser par “séries” ou “catégories”, parce qu’il n’y a pas moyen de faire autrement : le jeu du fixe et du mobile, de l’élément unitaire et de l’élément variable qui lui est associé est justement ce qui permet de comparer et de choisir, dans quelque domaine que ce soit, donc d’opérer des classements, donc d’avoir une vue non pas intuitive et globale, mais analytique et intelligente de l’univers.

S’il n’y avait pas de “séries” linguistiques, il n’y aurait pas de langage. En examinant les différents types de telles “séries” (lexicales, morphologiques, phonologiques) nous devrons garder à l’esprit deux questions : celles de leurs limites et celle du degré de conscience des choix opérés par le locuteur au sein de ces séries. 

Car le hic est que le locuteur natif et naïf en est normalement inconscient. Il dit ce qu’il a à dire, le brave homme ! Il lance à la figure de son interlocuteur une “chaîne parlée” sur l’ “axe syntagmatique” ; il enchaîne des mots en syntagmes et des syntagmes en phrases, comme ça lui vient à l’esprit. Il ne sait pas que cet axe syntagmatique est recoupé par un axe paradigmatique sur lequel se passent en secret des choses de la plus haute importance.

Peut-être commence-t-il à prendre conscience de ce qu’il fait en parlant, lorsque l’enjeu de son discours lui tient à coeur et qu’il réfléchit à la meilleure manière de le formuler. Il “pèse ses mots”, cherche le mot le plus juste, le mot qui va porter, faire mouche. Où le trouvera-t-il ? dans une série, pardi ! d’abord – et c’est ce qui déterminera la structure de sa phrase - dans une de ces grandes super-séries qu’on appelle “parties du discours” : nom, verbe, adjectif, adverbe , sans oublier les diverses sortes de “mots grammaticaux”. À lui de choisir s’il va faire porter le poids de ce qu’il a à dire d’essentiel à un nom ou à un verbe. C’est ce qui déterminera la structure de sa phrase. Ensuite et surtout dans une série de parasynonymes qu’il a engrangés dans sa mémoire et que son effort stylistique va faire affleurer à sa conscience. Ouvrons un dictionnaire des synonymes ou simplement l’article SUIVRE du DFU (qui, entre autres usages, peut tenir lieu de dictionnaire des synonymes). Nous y trouverons le mot série lui-même inséré dans toute une “série” de parasynonymes du mot SUITE, à savoir SÉQUENCE, SUCCESSION, LISTE et COLONNE (de chiffres) tous mots sérieux et bien convenables quoiqu’ ayant chacun des emplois préférentiels. Mais il se peut que notre locuteur, selon le type de situation où il se trouve et d’interlocuteur auquel il s’adresse, ait à choisir entre un mot littéraire, standard, familier ou argotique. S’il fréquente les ventes de livres, demandera-t-il à un auteur de lui signer son OUVRAGE, son LIVRE ou son BOUQUIN ? Invité à déjeuner, félicitera-t-il la maitresse de maison de son délicieux REPAS ou de sa bonne BOUFFE ? Rien que pour ne pas commettre d’impairs, il a besoin de stocks – de séries – de parasynonymes distingués entre eux par des “variables” qui sont des nuances de sens, des niveaux de langue différents, des possibilités diverses de combinaisons syntaxiques. Supposons maintenant qu’il soit journaliste et qu’il veuille , sans en avoir l’air, influencer son lecteur dans un sens ou dans un autre. Traitant d’un acte de terrorisme, emploiera-t-il les verbes TUER ? ou ABATTRE ? ou EXÉCUTER ? Certains mots sont neutres et objectifs, d’autres porteurs d’une charge émotionnelle péjorative ou méliorative propre à emporter la réprobation ou l’approbation de l’interlocuteur. Et qui peut dire au juste combien de synonymes a le verbe tuer  en français selon qu’on prend en compte ou non des archaïsmes (occire, trucider) ou des mots d’un argot en perpétuel renouvellement ? Le plus pointilleux des auteurs de dictionnaires de synonymes ne peut jamais être sûr, lorsqu’il a établi une liste , de ne pas voir se développer une métaphore nouvelle et émerger un néologisme inattendu. Les listes lexicales sont dites “ouvertes”, en perpétuel renouvellement. Mais cela ne veut pas dire qu’elles soient infinies, sans limites. Elles ont deux sortes de limites : celles de la compétence du locuteur, qui n’en connaît jamais qu’un nombre fini d’éléments, et les limites mouvantes mais réelles qu’elles doivent à un domaine où l’ évolution de la langue est le plus rapide.

À mesure qu’on descend vers des strates du langage moins chargées de sens, on verra que les listes se ferment et que les choix deviennent de moins en moins conscients.

 La morphologie verbale, nous présente deux niveaux de séries : l’ensemble des types de paradigmes et le détail de chaque paradigme. Le grand tableau de la conjugaison française avec ses modes et ses temps constitue une magnifique supersérie, où bien des choix individuels sont possibles. Certes, les possibilités du locuteur, en ce qui concerne les temps, sont limitées par le fait qu’il situe son discours dans le présent, dans le passé ou dans le futur. Mais enfin, pour faire un récit, il n’est pas indifférent d’employer, sur fond d’imparfait, le présent historique, le passé composé ou le passé simple. On peut même employer le futur , quand on situe un événement passé dans la perspective d’un élément passé antérieur. En ce qui concerne les modes (si l’on veut bien considérer le conditionnel comme un mode), il n’est pas indifférent de dire Je viendrais si je pouvais , qui oriente vers le “non”, ou je viendrai si je peux qui oriente vers le “oui”. Il y a des cas où le subjonctif s’impose : il faut qu’il vienne (et pas *qu’il vient  ! ) mais il en est d’autres où on peut préférer, je crois qu’il ne viendra pas (un peu plus standard) ou je ne crois pas qu’il vienne (un peu plus raffiné). Et lorsqu’un locuteur se permet un imparfait du subjonctif, c’est toujours très consciemment, avec une intention stylistique marquée, parfois recherche d’un effet d’ironie, parfois volonté de soigner particulièrement son langage dans un énoncé littéraire ou officiel, ou encore de se montrer capable de respecter la concordance des temps du passé, autrement dit cultivé et distingué.

À l’intérieur de chaque paradigme, le choix est beaucoup plus restreint, car enfin le locuteur n’a pas besoin de réfléchir pour savoir s’il parle de ses propres affaires (JE) de celles de son interlocuteur (TU) ou de celles d’une tierce personne (IL, ELLE) , ni pour savoir si JE, TU, IL, ELLE, font partie d’un groupe, auquel cas il passe à NOUS, VOUS ILS, ELLES. Le choix de la personne est quasi-automatique, à cela près qu’on peut hésiter entre le tutoiement et le vouvoiement, entre on vient et nous venons, et si on est puristes, entre deux formes de la même personne : je peux  et je puis, je m’assois et je m’assieds .

Passons au niveau phonologique, qui est d’ailleurs le seul domaine où le mot série ait en linguistique un emploi technique reconnu des linguistes, si l’on en croit le TLF . Après l’énumération de ses emplois en 1. arts, 2.botanique, 3.chimie , 4. économie, 5. géologie et avant 7. mathématiques, et 8. musique, on peut lire ceci :

6. LING. ,,Classe de phonèmes consonantiques caractérisés par le même trait pertinent`` (Ling. 1972). En français, il existe trois séries : la série des sourdes [p, f, t, s, , k]  la série des sonores [b, v, d, z, g]  la série des nasales [m, n, p] (D. D. L. 1976).

Si j’avais été consultée pour la rédaction de cet article, j’aurais suggéré qu’on y ajoute “classe de phonèmes vocaliques caractérisés par le même trait pertinent” car enfin, il y a des voyelles orales et des voyelles nasales, des voyelles d’avant et des voyelles d’arrière, des voyelles labialisées et d’autres qui ne le sont pas. Les sons du langage ou “phonèmes”, s’organisent en séries de consonnes, mais aussi de voyelles !

Ces phonèmes permettent l’existence d’un langage articulé et la formation d’ énoncés intelligibles parce que ce sont des éléments distinctifs. Ce rôle est bien mis en valeur par leur commutation sur l’axe paradigmatique dans des paires minimales opposant des mots qui ne se distinguent que par un seul phonème. par exemple : /ru/ (rue) /nu/ (nu) /fu/ (fut) /vu/ (vue) /su/ etc. Sur l’axe syntagmatique, le phonème a une fonction démarcative et permet de ne pas confondre un mot avec un autre (bon avec don, main avec pain) ce qui rend particulièrement comiques les “histoires de sourds”. Dans ce domaine, le choix du phonème est absolument automatique. On sait que toutes les oppositions phonologiques n’ont pas le même rendement et que certaines peuvent être neutralisées sans grand dommage pour l’intercompréhension, comme celle de / C / (brin) et de / D / (brun). On sait bien, aussi, que tous les locuteurs ne réalisent pas de la même manière les phonèmes du français ; que certains roulent les r et que la plupart les grasseyent ; que chacun a son accent. Mais rien de plus difficile que de prendre conscience d’un “accent” et de le modifier ! Tant que l’intercompréhension n’en souffre pas , tant que son “accent” ne le marginalise pas, le locuteur continue à parler comme il parle, en utilisant à sa manière, sans même y penser, la série des phonèmes du français, en toute spontanéité.

Alors que les séries lexicales sont “ouvertes”, les séries morphologiques et phonologiques sont “fermées” . Leurs limites ne sont pas fluctuantes, comme en matière de lexique, elles sont fixes. N’importe qui peut risquer un néologisme, donner un nom à un produit nouveau, en tirer un adjectif ou un verbe dérivé, mais il est hors de sa portée d’ajouter un élément à la série des temps verbaux ou des pronoms personnels du français. Cela ne signifie pas que ces séries soient “fermées” pour l’éternité et ne subiront pas d’appauvrissements ni d’enrichissements. L’histoire du passage du latin au français est là pour le prouver. Mais de tels changement se font à l’échelle de siècles et pas à l’échelle d’une vie de locuteur.

Il n’est pas nécessaire d’être savant en neurosciences pour comprendre que les séries dans lesquelles le locuteur puise parfois consciemment, et le plus souvent inconsciemment pour s’exprimer, correspondent à des circuits neuronaux mis en place dès le plus jeune âge au moment de l’apprentissage de la langue par l’immersion dans le milieu familial, mais que le cerveau conserve toujours la souplesse nécessaire pour en créer de nouveaux, qu’il s’agisse d’ apprendre des “langues étrangères” ou simplement de se perfectionner dans sa langue maternelle. Car enfin, l’enfant n’ engrange le plus souvent que des séries incomplètes qui ne seront complétées que par un travail d’autodidacte ou par un enseignement adéquat. Et c’est là qu’entrent en jeu grammaires et dictionnaires.

L’exercice scolaire, malheureusement tombé en désuétude, qui consistait, naguère, à demander à l’élève de donner la nature et la fonction de tel ou tel mot d’un énoncé consistait à le faire travailler premièrement sur l’axe paradigmatique et secondement sur l’axe syntagmatique : Sur l’axe paradigmatique, l’élève devait dire dans quelle série avait sa place le mot en question : la série des noms ? ou des verbes ? ou des pronoms ? ou des adjectifs ? ou des conjonctions ? Et si c’était un nom, dans la série des noms propres ou des noms communs ? des noms masculins ou des noms féminins ? etc.

Sur l’axe syntagmatique, l’élève devait préciser le rôle de cet élément par rapport aux autres élément de l’énoncé, sachant que la série des verbes exprimait des états ou des actions, que la série des noms fournissait les sujets des dits états et actions ou leurs compléments éventuels, que les conjonctions servaient de liens etc.

Un tel exercice, appelé “analyse grammaticale” était effectivement tout à fait propre à développer l’esprit d’analyse, préalable obligé à toute synthèse consciente. C’est devenu une banalité d’opposer les deux hémisphères du cerveau : l’hémisphère droit, domaine de la perception de l’espace et de l’intuition globale du sens, du vrai, du beau, du bien, à l’hémisphère gauche, domaine de la perception du temps, qui analyse les informations, permet une perception fine du sens précis, et filtre les pulsions et les émotions brutes.

L’analyse grammaticale, obligeant l’enfant à faire travailler son cerveau gauche, l’ amenant à rendre conscientes les séries linguistiques inconscientes montées dans son cerveau, à les préciser et à les enrichir, procurait un certain équilibre entre ses deux hémisphères. Il sortait du domaine de l’intuition pour accéder au domaine de la réflexion ; il passait d’un état de conscience dominé par l’affectivité à un état de conscience dominé par l’intelligence, toutes choses qui ont un fondement linguistique et permettent de s’exprimer avec finesse et exactitude, mais qui dépassent de beaucoup en importance, la seule capacité langagière, aidant l’individu acquérir, peu à peu, la capacité de faire des choix raisonnés, d’envisager leurs conséquences et de maitriser ses pulsions. Souhaitons au numéro de la Revue d’Art, de Littérature,et de Musique (RALM) sur la notion de “série”, un succès suffisant pour qu’elle contribue à réhabiliter une pédagogie qui, sous son apparence modeste et quelque peu austère, n’est autre qu’un apprentissage de la liberté.

Jacqueline Picoche

. Dictionnaire étymologique du français - 1e édition 1971 - collection Les usuels du Robert
. En mars 2008, chez le même éditeur, nouvelle édition mise à jour et considérablement augmentée - 779 p.
. Histoire de la langue française - en collaboration avec Christianne Marchello-Nizia, Paris - Nathan - 1989 - 399 p., plusieurs fois remis à jour et réédité.

 

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