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Le FRIC
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 Article publié le 14 septembre 2008.

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Le FRIC
Jean-Pierre LESIEUR
Extraits

De troc en fric

Une carotte pour une pomme, un lapin pour deux choux, une carpette contre un tapis, ta fille pour mon fils plus deux chèvres, ma femme contre les tiennes....
Jusque là le troc, sauf dans quelques cas épineux et de conscience, avait suffi à rendre les menus services usuels.
On troqua aussi de groupe à groupe, d’état à tribu, de partenaire à concurrent, de gardien à gardé, de gardien à évadé. On en prit même l’habitude. D’immenses beuveries troc s’organisèrent avec les surplus. Dès lors on s’avisa qu’il fallait inventer le fric.
L’affaire ne se fit pas du jour au lendemain et les tractations furent longues délicates et ponctuées de nombreux soubresauts.
On assista à des luttes lyriques entre livres tournois dans des lices couvertes de lys d’or et de seigneurs chamarrés.
On surprit des bateleurs d’occasion affairés à estampiller monnaie pour leur propre compte et qui chutèrent malencontreusement dans des culs de basse fosse.
On signa des papiers sur la bosse d’un bossu dans une rue de Paris qui a découvert depuis les promoteurs immobiliers et le plus vieux métier du monde.
On fabriqua une monnaie pour le nord et le sud après avoir essayé une monnaie pour chacun.
Las, on tenta, tâtonna, suça, soupesa, essaya, trouva un système qui fonctionne en douceur pour ne pas jeter la populace dans les affres de la révolution. Ainsi naquit le FRIC.
Les ravaudeuses râlèrent bien un peu parce que les pièces trouaient les hauts de chausses. On les assigna puis leur donna des billets de plus en plus inimitables et le collant invisible pour les reconstituer. On élimina les ravaudeuses et les racoleuses.
DES LORS IL FALLUT :

- Coffrer un grand nombre de faux-monnayeurs, de délinquants mineurs et majeurs, de garde des sceaux, de ministres avides

- Prévoir des convoyeurs de fonds, des systèmes d’alarme de plus en plus perfectionnés, un sinistre des finances, des percepteurs collecteurs, des inspecteurs, des vérificateurs, un monnaie stable, un système de référence, des dévaluations, un serpent monétaire avec des pattes de franc flottant, des économistes distingués et les autres, des chalumeaux oxyacétyléniques pour coffres inviolables dont on a égaré la clef, des experts en balistique, une brigade antigang, des prises d’otages, de la cupidité, l’intéressement aux bénéfices, la participation bidon au ramassage des toiles dans les baux de Provence, Créer des feuilles de paie, la sécurité sociale, la retraire des vieux qui laisse de plus en plus vieillir, les dossiers en souffrance et le chômage partiel total et intermittent, les travailleurs immigrés, les patrons de combat, les centimes additionnels, les impôts locaux, les contributions directes, indirectes, involontaires, qui biaisent, en détours, en zigzags.

- Inventer la B.N.P, les trusts, les supermarchés, les hyper machines, Las-Véga, la roulette, les machines à sous, la Mafia, l’Amérique, le surintendant des finances, le chancelier de l’échiquier, l’échec des négociations.

- Tricoter les bas de laine, les cotes en bourse, le chandail des croupiers en rupture, l’assurance des notaires et leur cache-nez pour la prison, les bas de laine des promoteurs, les gants pour prendre les pincettes.

- Renier la parole donnée, la traite à trente jours, le tope-là en confiance, l’amitié, son père et sa grand-mère, ses origines modestes.
Et bien vite d’astucieux petits génies découvrirent qu’on pouvait acheter les consciences, c’était affaire de prix.
Tout devint possible.

 

Tout le poids

Tout le poids, toute la masse
aux trente rires des solitudes veuves
qui tracent sur vos épaules de partage
s’entassent dans un dé de terre à coudre
ou à découdre selon le pointillé tricheur
en humus d’ici.
VOUS ne l’emporterez pas dans la tombe
le FRIC
VOUS ne l’emporterez pas à l’âme des glaises
pour tenir aux maraudeurs le langage
de l’obole des croix en granit vexé
de l’outre monde.

 

Les plaquettes

Le produit fini, en principe, que le poète livre à la consommation des foules s’appelle une PLAQUETTE de poèmes. Ce diminutif brimant en soi pourrait se présenter autrement :
Sous forme de petits morceaux de gomme américanisée à mastiquer lentement poème après poème avec dans la bouche un goût sucré s’estompant plus ou moins rapidement, à jeter le plus rapidement possible et rechargeables sur les quais du métro.
Pendues au plafond, poèmes largement étalés, avec un grand pouvoir de diffusion, ce qui est bien le moins, afin de trucider tous les insectes ailés qui leur veulent du mal galvaudant à portée et en général toutes sortes de parasites visibles dans nos régions.
Enserrées en demi-lune sur le moyeu d’une voiture dans le but d’en arrêter la course aveugle et folle à la dernière limite du ravin, sauf quand un poème trop usé se coince au mauvais moment dans un grand roulement de tambour inutile.
Vendues en pharmacie, sur ordonnance médicale, avec le pouvoir d’empêcher que se recrée, se surcrée ou se procrée, des générations de bouches inutiles en puissance de pondre d’autres plaquettes avec d’aussi mauvais poèmes que le dit Monsieur BOSQUET.

Mises sur l’os, à la place tibiale des pieds mal chevillés pour assurer l’équilibre des vers ou de celui qui n’en fait plus depuis qu’un grave docteur en asile lui a vendu un dictionnaire de rimes THERAPEUTIQUES.
Appelées globulins, pour des poètes sans gain, dont le sang anémique sépare ses parties afin que l’une bouffe l’autre entre deux gares correspondance des poèmes du voyage.
Pleines du métal de Sarcelles pour raccommoder un peu les grands ensembles en rupture de poèmes et de rêves.

 

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