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Zabriskie point
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 Article publié le 1er septembre 2024.

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Le couple qui fait l’amour dans le désert dans Zabriskie point, c’est à la fois l’animalité retrouvée, des bêtes presque fauves se jetant l’une sur l’autre ou s’approchant peu à peu, et en même temps une douceur due à l’absence de parole, aux corps de la même couleur que le désert et se fondant dans lui, l’onirisme de la démultiplication des couples, tantôt deux tantôt trois voire plus, on ne démêle plus les membres, la jeune femme change de vêtements tantôt nue tantôt habillée couleur de désert, jusqu’à l’image finale de tous les couples enlacés en panoramique sur les flancs du désert. Couple dont les membres mêlés traduisent l’osmose parfaite, non seulement entre eux mais avec le monde, le sable du désert dont ils sont recouverts, le désert non pas vu comme lieu dur et haï, mais comme nudité du monde et de l’être, endroit premier, sol fécond et permettant l’aube de l’humanité, les gestes de l’amour dénués de toute connotation culpabilisante - le désert est l’inverse du jardin d’Eden, certes empli de fruits mais également culpabilisateur, le jardin qui perd l’homme - ici dans le désert l’homme se retrouve, face à lui-même, dans sa nudité d’homme et son désir de la femme. Donc le désert devient le théâtre de la relation sexuelle première et fondamentale, où les héros du film se diluent dans un anonymat universel, où les morceaux de corps sont filmés par à-coups comme les plans d’ensemble où les corps sont si mêlés que non reconnaissables, le désert devient donc la matrice du film, ce qu’il faut préserver face à l’envahissement par les promoteurs capitalistes de l’espace sauvage, ce qui reste de sauvage aux Etats-Unis, ces deux jeunes gens si beaux dans leur désir, si entiers, pris des spasmes du désir comme de la sauvagerie la plus universelle, la sauvagerie innocente par-delà le bien et le mal. En renversant la symbolique du jardin et du désert, Antonioni dans le désert revient à l’épure de monde, comme à l’épure de toute relation sexuelle.

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Commentaires :

  Zabriskie point par Lalande patrick

Antonioni et la nudité du Monde... https://youtu.be/ilWehZxFS-s?si=cK6ZHmwQbQG56vuB


  Zabriskie point par Catherine Andrieu

Ce texte sur Zabriskie Point capture la fusion du charnel et du cosmique, un amour qui ne se contente pas de s’incarner mais qui se dilue dans la matière du monde. Il y a une animalité première, oui, mais qui ne se réduit pas au rugissement de l’instinct : c’est une sauvagerie dépouillée de brutalité, une fusion qui ne consume pas, mais qui révèle. Les corps se fondent au désert non pas comme des intrus, mais comme des éléments de sa géologie mouvante, des dunes de peau, des vagues de chair sous le vent brûlant.

Le passage de la dualité à la multiplication des corps est fascinant : l’amour se propage comme une onde, devient foule indistincte, multitude indistinguable. Ce n’est plus seulement un couple, c’est une humanité en suspens, égarée quelque part entre l’origine et l’apocalypse, dans un lieu qui n’est ni le Jardin d’Eden ni son envers infernal, mais une autre matrice : une terre nue, brute, indifférente à la faute et à l’interdit.

Là où la culture a toujours posé des murs, Antonioni les fait voler en éclats. Il prend le désert comme un espace d’avant le langage, avant le récit même, un territoire de l’innocence radicale où l’homme n’est ni chassé ni jugé, mais simplement là, vibrant dans sa présence au monde. C’est une scène d’amour qui ne se contente pas d’être filmée : elle est sculptée dans la lumière, avalée par l’espace, rendue à l’anonymat grandiose du temps minéral.

Et si le désert, ici, était moins une fin qu’un recommencement ? Une page où l’homme peut réapprendre à être, loin des villes, des murs, des clôtures ? Un lieu où l’amour redevient rituel tellurique, où les corps ne s’appartiennent plus mais se traversent, se dissolvent dans une danse archaïque ? Il y a dans cette scène une nostalgie du monde avant l’homme, et en même temps l’image d’un futur possible, où le capitalisme n’a pas tout englouti, où le désir n’est pas prisonnier de l’ombre du péché, où l’homme et la femme s’aiment en dehors de toute histoire.


 

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