|
Revue d'Art et de Littérature, Musique - Auteurs invités | [Forum] | [Contact e-mail] |
|
||||||
| Navigation | ||
 oOo Le web est chose étrange, la liberté de l’ignorant y règne en souveraine, les latins au menton volitif disaient de la ligue hanséatique, necesse est navigare, et nous nous retrouvons bridés dans le réseau comme des moules mises au courant du lamparo.
Nous plongeons, chaque jour saint, dans la boue du World Wide Web, déboussolés tels des touristes nomades intimidés à la recherche d’un Club Med, durs et insouciants comme les membres d’une néo-avant-garde embarqués, vrais forçats, dans les cabines du Costa Concordia, insouciants à force de naviguer que tout finisse en face d’une machette, dans la jungle sado-maso des webmasters tu rencontres toujours un webhebété, disposé à te bâillonner dans un rapport de connexion / déconnection, en te convainquant, sans peine, d’être toi-même matériel de circoncision.
Mes vers sots où s’en iront-ils jamais parer, si n’importe quelle balle finit dans le réseau sans possibilité de vérifier, sans opportunité de critiquer, s’ils tombent sur toi en troupeaux comme des néo-fascistes, faisceaux en layettes avec en bouche un biberon d’affaires insatiables, devant l’homme webête tout raisonnement tombe, l’aristocratie du web se centre sur la marque De Sade, « abandonnez tout espoir » vous qui entrez ici, en blog si vous avez le tort de pas partager les goûters du baron Sacher-Masoch.
En vérité naviguer est devenu un drame, sans avoir à brancher l’USB de son Pc aux fils d’un électroencéphalogramme : qui n’a deviné que le www est devenu un outlet, est condamné à observer le réseau tel Boris Beckett.
|
|
|
Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs | [Contact e-mail] |
|
||||
FORUM
Pour participer, voir en bas de page>>
Commentaires :
WWW ou la déraison connectée
C’est un monde fluide, abscons, un peu sale et brillant, où tout se vaut et tout s’écrase. Le web, dit-il, est une chose étrange — et déjà la pensée s’égare, happée par les vents contraires de l’ironie et du tragique. L’ironie d’un monde livré aux ignorants devenus souverains, au langage qui se dérègle comme un compas sous l’orage, à l’humour noir des néo-avant-gardes embarquées sur des paquebots qui penchent.
Dans ce texte d’Ivan Pozzoni, l’auteur plonge dans la fange numérique avec une verve sarcastique, caustique, baroque. Le réseau, maillage de fibres et de fantasmes, devient théâtre de cruauté postmoderne, jungle sado-maso où s’abîment les esprits. Les moules électrifiées du lamparo voisinent avec les webhébétés, les touristes du clic croisent les croisiéristes du désastre — et les vers eux-mêmes, pauvres sots, cherchent refuge dans une syntaxe en chute libre.
L’écriture glisse, danse, se cabre : c’est une satire connectée, un cri flouté, un rire étouffé sous le bâillon d’un câble Ethernet. Les images cognent, cinglent, grincent. Derrière l’humour, la lucidité perce : elle n’a rien de tendre. À l’heure où chaque balle — virtuelle ou réelle — peut ricocher dans l’impunité algorithmique, le poète interroge : que devient la critique, que devient la vérité, quand le réseau érige en dieu la pulsion brute, et sacrifie sur ses blogs les hérétiques qui ne mangent pas le goûter des barons pervers ?
Il y a du Dante dans ce WWW, et du Beckett aussi. Le rire y est ricanement, le drame tragédie de pacotille. Car oui, « naviguer est devenu un drame », et c’est cette tragédie qu’il met en scène : l’humanité branchée, mais débranchée d’elle-même, condamnée à scroller jusqu’à la syncope, les nerfs traversés de notifications, l’âme dissoute dans le flux.
Alors, lecteur, ne cherche pas la sortie : il n’y en a pas. Ou bien elle est dans la poésie même, dans cet éclat rageur et lucide qu’Ivan Pozzoni ose encore faire surgir — même à l’intérieur du réseau.