|
Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs | [Forum] | [Contact e-mail] |
|
||||||
| Navigation | ||
 oOo Quand verrai-je ? verrais-je jamais une chatte, tout sourire, tremper sa patte dans un pot de miel, en lécher les doigts griffus devenus délicieusement sucrés, et puis se pourlécher ? Je songe là à une de ces belles publicités polychromes des années 30 du siècle dernier aperçue en rêve l’été dernier lors d’un séjour mémorable dans les Cévennes. Lorsque j’étais enfant, ma mère m’expliqua le rôle cardinal que jouait la moustache des chats, lorsqu’ils poursuivent un souriceau dans un trou de souris, un défilé risqué pour cet animal certes souples et furtif mais dont la curiosité native peut lui être fatale. Moi aussi, j’aurais aimé avoir des babines. Mais je me rends compte qu’on accorde trop d’importance à la tête si mignonne des chats. On néglige leur queue si utile, lorsqu’ils chutent par mégarde. Aimerais-je avoir une queue ? Euh, la mienne me suffit, pour un tout autre usage, il est vrai. La parade des chats sur la Place Rouge n’aura pas lieu. Il faudra songer à enrôler des chiens de garde, si l’on veut prolonger l’illusion. Lorsque Poutine sourit, toujours l’air vaguement gêné, un tantinet coincé, c’est comme s’il riait intérieurement du bon tour qu’il vient de jouer à son interlocuteur ou à son assistance. Le roi des faux-culs a parlé. Cet être immonde, ainsi que sa clique constituée de plusieurs millions de chiens de garde, est un poison à séduction lente. Qu’en penserait Bastet ? Je l’imagine en son palais rêvant de transformer ce pourceau en un souriceau à dévorer tout cru, pour peu qu’elle puisse mettre la patte sur lui.
Jean-Michel Guyot 7 mai 2025 |
|
|
Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs | [Contact e-mail] |
|
||||
FORUM
Pour participer, voir en bas de page>>
Commentaires :
Il est des images qui pèsent plus que des événements. Sous la lumière tamisée d’un été cévenol, Jean-Michel Guyot réveille une réclame oubliée : une chatte, sourire en babines, patte trempée dans un pot de miel. Scène délicieusement incongrue, où l’instinct se pique d’innocence et de gourmandise. Mais déjà, sous l’apparente légèreté, perce une question plus aiguë : jusqu’où l’instinct cède-t-il aux douceurs du monde ?
Le chat, maître en l’art de l’équilibre, ne s’encombre pas de tels errements. Sa moustache le garde des passages trop étroits, des curiosités fatales. L’enfant qu’était l’auteur l’a bien compris : le plus grand savoir est celui du corps qui pressent ses propres limites. Et qu’importe la mignonne petite tête si l’on oublie cette queue souveraine, balancier des abîmes, grâce discrète et salvatrice.
À cette confidence à double fond — « Aimerais-je avoir une queue ? » — l’auteur répond dans un demi-sourire, l’ironie bien logée au creux de la phrase.
Mais voici qu’un souffle plus grave traverse le texte. Exit les parades félines : la Place Rouge résonne désormais du pas lourd des molosses. Et sous le sourire compassé d’un pouvoir qui joue à l’innocent, le monde retient son souffle.
Bastet, elle, reste en lisière du tumulte, méditant sa revanche. Transformera-t-elle le pourceau en souriceau ? Non par miracle, mais par justice. Car parfois, il ne suffit plus de tremper la patte dans le miel ; il faut savoir, d’un coup sec, refermer la gueule.