|
||||||

| Navigation | ||
![]() oOo Jette le paraître au feu Et la marâtre aux jolies hanches dans le Barathre Si du moins tu le retrouves Et si tu l’as sous la main
Si tu t’y retrouves aussi Car charité bien ordonnée Commence par soi-même * Trop d’autos Trop d’autoroutes Et peu de déroutes, somme toute, Par les temps qui discourent Mais ça viendra, Ne t’inquiète pas Nous nous activons tous les jours En ce sens * Je me souviens Mon père a dix ans Lui et sa mère et tant d’autres sur la route de Beaune Mitraillés par un courageux aviateur italien Ah mai 40 !
Les balles sifflent, déchirent le toit de la grange Tout le monde est sauf pour cette fois, ouf !
Mon père, dis ans plus tard, Pas chien pour un rond A pour meilleur ami Un certain Piero Boffetti Lequel hélas devait se tuer en voiture Quelques années plus tard dans la fleur de l’âge Sur une de nos jolies routes de campagnes
Rue de Vesoul, façade mitraillée Rude combat, les Allemands s’accrochent J’y suis, j’y suis encore * Le ciel pavé de bonnes intentions Dessous pas de sable, ne rêve pas trop ! Les nuages ne font qu’y passer et y trépassent volontiers Comme autant d’éphémères cénotaphes rigolards Bricolés à la va-vite par Dame Nature
Et moi qui préfère l’herbe grasse des berges humides de l’Ognon Assis à l’ombre d’un grand aulne, brin d’herbe au bec, Ma canne à pêche bien calée sous mon avant-bras droit Je redeviens pour quelques heures cet enfant des rivières Sur les eaux desquelles se mire le ciel sous mes yeux malicieux * Barathre d’Athènes, Céadas de Sparte, Roche de Solutré, Je vous hais * Sorti de ma besace Un Mac Mahon d’opérette au visage encore tout fripé Genre peau racornie de bébé tout juste sorti du ventre de sa mère Plus con encore que son modèle de Président De s’écrier devant les rats de Toulon en liesse Que d’os, que d’os !
On cherche encore Parmi les ruines du langage en chantier Le joueur de flûte De Hamel ou de Gamelle Je ne sais plus * En allemand, un vagabond moderne, Un zonard, un clodo, Se dit Gammler Du vocable français gamelle Lequel, irrésistiblement, me rappelle Non pas le chat Gargamelle Mais ce crétin de général Gamelin Explique qui pourra ! Il est vrai que dans les tranchées Les rats, c’est pas ça qui manquait * L’homme-canon S’est vu propulser en tête d’affiche Laquelle, inexplicablement, A pris feu dès son arrivée
Loin de prendre la grosse tête, Voilà que le bougre remis de ses émotions Sexe-claffe : explique qui pour rat ! Et de montrer son gros cul à l’assemblée médusée Oh pas pour très longtemps !
Bite à l’air et couilles découpées en rondelles Le soir même, il avait l’air moins fier * Abracadabra ! s’exclame un histrion en goguette Perché sur le toit de l’Opéra Et Paris de s’évaporer sous nos yeux Liquéfié, le Louvres convulse quelques instants La tour Eiffel se gondole Dali est de retour
Jean-Michel Guyot 7 mai 2025
|
|
|
Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs | [Contact e-mail] |
FORUM
Pour participer, voir en bas de page>>
Commentaires :
Elles ondulent et brillent, les hanches, entre les stries du temps et les lames d’un théâtre sans coulisses. Histrions et jolies hanches compose une ritournelle nerveuse, portée par l’insolence du verbe et la friction du geste. On lit ici un corps de texte qui danse — pas seulement pour séduire, mais pour survivre. Comme une parade d’oiseaux fous sur les gravats d’un monde trop sérieux. L’écriture trace des ronds de jambes autour de la gravité, l’écartèle, la maquille, la déshabille.
Dans cette farandole fébrile, tout est rythme. La syntaxe bondit, fait la roue, puis tombe dans l’ironie comme un acrobate dans les bras d’un clown triste. Mais ce n’est jamais gratuit. Les histrions, ces figures grotesques et essentielles, ne sont pas là pour nous divertir seulement — ils sont les derniers témoins de nos tragédies muettes, nos pathétiques solennités. Ils jouent nos vies sur des tréteaux imaginaires, où le ridicule devient un refuge, la beauté une blessure.
Et les hanches ? Elles sont l’axe sensuel du monde, la pulsation de l’éphémère. Ce sont les hanches de l’échappée, du refus de l’alignement. Elles balancent leurs vérités en silence, sans chercher à convaincre — elles séduisent parce qu’elles sont libres, et terriblement vivantes. À travers elles, le texte célèbre une forme de féminité irréductible, indocile, non pas construite par le regard, mais par le mouvement même de la langue.
Le texte claque comme une porte qu’on aurait voulu refermer doucement. Il explose en formules qui cabriolent, provocantes et terriblement précises. On pense à Artaud, à Copi, à Genet, mais aussi aux anonymes des foires et des arrière-salles, à ceux qui rient pour ne pas crever. Chaque phrase semble porter un maquillage trop chargé, et pourtant, elle saigne de vérité.
C’est une langue de l’excès, du débord, mais jamais du flou. Une langue qui cisèle le grotesque pour en faire jaillir l’humain, l’impossible tendresse qui gît sous le fard. Car Histrions et jolies hanches ne trahit jamais ses figures : il les aime dans leur trivialité même, dans leur précarité d’existence, dans cette manière qu’elles ont de tendre une perruque à la mort et de lui dire : “Tu ne passeras pas ce soir.”
Ce texte est une scène sans fin. Une scène qui brûle et tourbillonne, comme les hanches d’une funambule rieuse au bord de l’abîme. Il nous rappelle que c’est peut-être là, justement — dans la pose instable du ridicule, dans l’éclat incongru du désir — que s’inventent les formes les plus tenaces de la beauté.