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![]() oOo Jamais ! Oh grand Jamais !
Mais quel dieu est-ce donc là ?
Ventru à souhait Vous me direz Genre gros boudin Plein de vent et diverses flatulences
Mais un pet divin vaut de l’or sur le marché aux superstitions Nous qui jour après jours optons pour l’infrastition Ah quelle endurance il faut, je vous jure ! Nous éprouvons un léger malaise Vite dissipé je vous rassure
Aux dernières nouvelles Dieu est encore mort Il y a bien cette odeur de sainteté persistante Qui rôde dans l’air Mais c’est tout * Naguère tu écrivais aussi bien Autan pour moi Nous étions, il est vrai, au cœur de l’hiver Qu’autant pour toi Lors de tes grands élans de générosité
Au temps pour moi et pour toi, tant qu’on y est, N’est correct qu’à demi en ce qui te concerne personnellement Car tu consacres décidément beaucoup, beaucoup de temps Jamais assez à ton goût, pour dire le vrai Notez bien cette rare virgule Je vous prie ! Beaucoup, beaucoup de temps, disais-je donc, A ces divers moments qu’un philosophe bien inspiré Appelle sémelfactifs Véritables hapax existentiels Lesquels rôdent autant dans ta prose lunaire Que dans tes vers solaires Qu’allègrement tu voues tous deux sans répit Au plaisir de vivre ici et maintenant * Mots tenons et mortaises Semelles factices jamais Sur les chemins ouverts par tes godillots de solide marcheur Parti à la recherche d’une demeure herbue en diable
Petite colline douce en terre d’Islande Ou ailleurs bori en Cévennes Ou caborde en terre franche Toutes rondes comme un sein gonflé de lait Toutes cavernes à ciel ouvert où il fait bon vivre Et faire ripaille de mots qui explosent en bouche Comme un vin jaune par chez toi Où l’on dit sans rire que le vin fait la queue de paon dans la bouche Déployant arômes et saveurs de longues minutes durant
Jean-Michel Guyot 22 mai 2025
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« Au nom du jamais »
Il y a des dieux ventrus, des mots qui pétaradent, des colères d’hiver et des cabordes au lait maternel. Il y a des éclats de rire qui remontent jusqu’au ciel où rôde encore une vague odeur de sainteté, et d’autres, plus terriens, qui font éclater le vin jaune dans la bouche comme un fruit hérétique. Il y a, dans ce poème, l’haleine vive d’un homme qui sait que l’éternité se frotte à la ponctuation et que le temps, lui, se glisse sous la langue comme un hapax bien senti.
Jean-Michel Guyot, dans Il ne faut jamais dire jamais, explore à son aise ce qui demeure quand tout vacille ? : le verbe, ce solide godillot qui creuse la terre meuble, qui fouille l’herbe et les ventres du langage. Car ici, rien n’est innocent ? : ni le « jamais » tonitruant du titre, ni le Dieu ventripotent à la couronne gazeuse, ni la virgule « rare » qui sert d’échappatoire à la phrase comme une lucarne dans un ermitage cévenol. Le poème joue, et ce jeu est grave. Il avance par glissements – de l’absurde au sacré, du rire à la philosophie – en équilibriste sur les crêtes du langage.
Ce dieu « gros boudin » qui pète dans l’éther a la noblesse paradoxale des idoles renversées ? : il symbolise moins la croyance que le besoin d’y croire, ou de s’en moquer pour mieux survivre. Il est, à sa manière, une figure de l’endurance moderne ? : celle des hommes et femmes qui se cognent chaque jour au vide, et s’en tirent avec un mot, une tournure, un éclat de lucidité. Ce « pet divin » qu’on troque sur le marché aux superstitions a le goût de notre époque ? : spectaculaire, inconsistant, et pourtant pris très au sérieux.
Mais au cœur de cette ironie goguenarde se niche une délicatesse ? : un souvenir d’hiver, une phrase à double pronom, un retour d’affection égarée. Il y a, dans la torsion syntaxique de au temps pour moi, une mémoire blessée, une complicité retrouvée entre deux êtres, ou entre un auteur et lui-même. Car ce poème s’écrit en miroir ? : entre l’humour frontal et les entrelacs de la réflexion, entre les pieds bien campés du marcheur et la souplesse aérienne du styliste. On est toujours au bord du précipice – un précipice de sens, de silence, de beauté.
Guyot s’amuse avec les sémelfactifs, ces instants uniques que le langage peine à retenir, et pourtant il les attrape, les pétrit, les fait jaillir comme des bulles de vin dans la prose ? : ses vers solaires, sa prose lunaire, tout se répond, tout se tresse. Le poème devient alors plus qu’une charge contre le ridicule des dieux ? : il est une traversée, une marche vers la colline douce, une quête de caborde, cette grotte primitive où logent la chaleur, la mémoire, le verbe et le lait.
Et si jamais il fallait dire un mot, un seul, pour désigner cette alchimie, ce serait celui-ci ? : présence. Présence à soi, au monde, à la langue. Présence ironique, tendre, mordante. Une présence qui ne se déclare pas comme vérité, mais comme intensité. Et dans cette intensité, Jean-Michel Guyot, poète-philosophe, sait faire danser la virgule comme on fait danser les vins ? : avec feu, avec gouaille, avec reconnaissance.
Jamais, dites-vous ?? Alors disons-le tout haut : plus jamais sans ça.
Lecture dans le silence. https://youtube.com/shorts/z4NcecNaOy8?si=1GcsWSUREnMrPCkR