LE TUNNEL
La souffrance me brise la respiration.
Comment pourrais-je vivre dans un monde qui n’est pas le mien ? Ce monde m’est étranger ou peut-être est-ce moi qui suis étrangère au monde des vivants.
Je meurs, je m’éteins chaque jour un peu plus dans l’indifférence qu’éprouve autrui à mon égard. Il se peut que je sois moi-même indifférente quant à l’extériorité… c’est même certain. C’est cette même indifférence qui fait que l’on trouve le repos car le repos ne se trouve que dans l’indifférence. Elle est cette force et cette douceur qui fait que l’on ne ressent plus rien, ni pour soi, ni pour les autres. Peut-être même que le sentiment n’a jamais existé.
Le sentiment est sûrement une invention de l’être humain pour se consoler de n’être rien.
C’est l’illusion qui nourrit les hommes alors que la souffrance, l’angoisse fantasmatique, nous ramène à la véritable réalité, celle de l’autre monde. L’existence est tel un long tunnel : on ne retrouve la lumière qu’à la fin, dans la mort. Cette mort doit sûrement ressembler à une délivrance : peut-être qu’il faut se résigner et abandonner la partie surtout lorsqu’on sait quelle est perdue d’avance. De toute façon, je n’aime pas jouer.
Il y a des vivants plus morts que les morts. Parfois, l’élan vital, cet espoir qui anime l’homme sain, quitte l’homme-étranger : espérer, c’est encore vivre, et moi, je suis morte. La souffrance qui m’accable a cet aspect indicible. De toute façon, les mots ne servent à rien, ils ne valent même pas la peine d’être prononcés.
Mais… rien n’a d’importance.