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 Article publié le 14 mai 2010.

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LE « GRAND ART » ET LA « CULTURE »
Valérie Solanas

L’artiste mâle essaye de compenser son incapacité à vivre et son impuissance à être une femme en fabriquant un monde complètement factice dans lequel il fait figure de héros, c’est-à-dire s’affuble des caractéristiques féminines, et où la femme est réduite à des rôles subsidiaires insipides, c’est-à-dire fait figure d’homme.

L’« Art » masculin ayant pour but, non de communiquer (un être entièrement vide n’a rien à dire), mais de déguiser la réalité bestiale de l’homme, il a recours au symbolisme et à l’obscurité (au « profond »). La grande majorité des gens, en particulier les personnes « cultivées », n’osant pas juger par elles-mêmes, humbles, respectueuses des autorités (« Mon Papa, y sait » devient dans le langage adulte « les critiques ils s’y connaissent », « les écrivains, ils savent mieux », et « les agrégés, ça en connaît un bout »), se laissent facilement persuader que ce qui est obscur, vague, incompréhensible, indirect, ambigu et ennuyeux, est à coup sûr profond et brillant.

Le « Grand Art » se veut « preuve » de la supériorité des hommes sur les femmes, preuve que les hommes sont des femmes, non seulement par son contenu, mais aussi par le simple fait de se baptiser « Grand Art », puisque comme aiment à nous le rappeler les antiféministes, il est presque entièrement l’œuvre des hommes. Nous savons que le « Grand Art » est grand parce que les hommes, des « spécialistes », nous l’ont dit, et nous ne pouvons pas dire le contraire vu que seules des sensibilités exquises bien supérieures à la nôtre sont à même de percevoir et d’apprécier ce qui est grand, la preuve de leur sensibilité supérieure étant qu’ils apprécient les saloperies qu’ils apprécient.

« Apprécier », c’est tout ce que sait faire l’homme « cultivé ». Passif, nul, dépourvu d’imagination et d’humour, il faut bien qu’il se débrouille avec ça. Incapable de se créer ses propres distractions, de se créer un monde à lui, d’agir d’une façon ou d’une autre sur son environnement, il doit se contenter de ce qu’on lui offre. Il ne sait pas créer, il ne sait pas communiquer : il est spectateur. En se gobergeant de culture, il cherche désespérément à prendre son pied dans un monde qui n’a rien de jouissif ; il cherche à fuir l’horreur d’une existence stérile d’où l’esprit est absent. La « culture » c’est le baba du pauvre, le croûton spirituel des tarés, une façon de justifier le spectateur dans son rôle passif. Elle permet aux hommes de se glorifier de leur faculté d’apprécier « les belles choses », de voir un bijou à la place d’une crotte. Ce qu’ils veulent, c’est qu’on admire leur admiration. Ne se croyant pas capables de changer quoi que ce soit, résignés qu’ils sont au statu quo, ils sont obligés de s’extasier sur des crottes vu qu’il n’y a que des crottes à l’horizon de leur courte vue.

La vénération pour l’« Art » et la « Culture » distrait les femmes d’activités plus importantes et plus satisfaisantes, les empêche de développer activement leurs dons, et parasite notre sensibilité de pompeuses dissertations sur la beauté profonde de telle ou telle crotte. Permettre à l’« Artiste » d’affirmer comme supérieurs ses sentiments, ses perceptions, ses jugements et sa vision du monde, renforce le sentiment d’insécurité des femmes et les empêche de croire à la validité de leurs propres sentiments, perceptions, jugements et vision du monde.

Le concept même d’« Artiste », défini par des traits féminins, le mâle l’a inventé pour « prouver » qu’il est une femme (« Tous les Grands Artistes sont des hommes ») ; il met en avant l’« Artiste » comme un guide qui va nous expliquer à quoi ressemble la vie. Mais l’« Artiste » masculin n’émerge pas du moule mâle : son éventail de sentiments est très limité ; il n’a donc pas grand chose en fait de perceptions, jugements et vision du monde, puisque tout cela dépend des sentiments. Incapable d’entrer en contact avec autre chose que ses propres sensations physiques, il n’a rien à dire, sinon que pour lui la vie est absurde, et ne peut donc être un artiste.

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