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Ettore Janulardo - Le droit de la force - Notes sur Machiavel.
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 Article publié le 13 décembre 2010.

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Ettore JANULARDO

Né en 1962 en Italie, après une première formation historico-littéraire (Maîtrise d’Histoire de l’art contemporain et une activité de collaboration avec la Direction des Beaux-Arts du Musée de Capodimonte à Naples), il est boursier au Département d’étude des civilisations du “Centre Européen Universitaire” de Nancy.

Professeur d’Italien et d’Histoire en Italie depuis 1986, il a poursuivi sa formation dans le domaine historico-artistique (Ecole de Spécialisation à la Faculté des Lettres de l’Université de Bologne) et a été lecteur d’Ambassade dans deux Universités, en Pologne et en France. Tout en enseignant Histoire et Civilisation italienne à l’Université “Lumière” Lyon 2, il a obtenu son D.E.A. d’Histoire (Option Histoire de l’art) auprès de la même université, avec un mémoire sur L’image de la ville.

Rentré en Italie, il reprend son enseignement et continue ses recherches, qui ont abouti à la soutenance de sa thèse d’Histoire contemporaine à l’Université de Nice (2002) : L’image de la ville dans l’architecture, la peinture et la narration italiennes de l’entre-deux-guerres.

Il a publié plusieurs contributions historico-artistiques et travaille actuellement à Rome pour la Direction de la Promotion Culturelle auprès du Ministère Italien des Affaires Etrangères.

 

 

Ettore Janulardo dans la RAL,M :

Essais

 

 

Dans T&P 67

Le droit de la force - Notes sur Machiavel.

"Mais comme ceux qui ont à considérer des montagnes se placent dans la plaine, et sur des lieux élevés lorsqu’ils veulent considérer une plaine, de même, je pense qu’il faut être prince pour bien connaître la nature et le caractère du peuple, et être du peuple pour bien connaître les princes". Passage fondamental de la Dédicace du Prince à Laurent II de Médicis, cette perception d’un espace étant le champ d’investigation du Secrétaire florentin (1469-1527) et définissant la métaphore cartographique d’une confrontation politique et socio-économique nous accompagne vers une série de questions.

La construction de l’état, bien évidemment ; la definition du périmètre changeant de l’espace politique – au sens étymologique également – où l’on évolue en suivant et en forçant les contingences ; les structures mentales qui se reproduisent et qu’il faut savoir apprivoiser ; les figures, historiques ou légendaires, à proposer en modèle ; la vision de la réalité et la perspective – d’un côté visuel se superposant à plus d’un siècle de représentations artistiques – de son évolution ; l’écriture en remplacement ou bien en accomplissement de l’action.

Le but de la réflexion de Machiavel est la construction de l’état. C’est une entité qui ne choisit pas par une préférence abstraite – principauté ou république – mais par un noyau de nécessités qu’il faut savoir prévenir, contrôler et exploiter. L’histoire, l’expérience, la fortuna et la virtù sont les pièces variables d’une mosaïque qui ne peut pas avoir de solution prédéfinie. Mais l’histoire dont nous parle le Secrétaire de la deuxième chancellerie de Florence est composée par une suite de personnages et d’épisodes relatés sur des plans bidimensionnels, faute d’une structure théorique à récupérer et à remettre en cause. On est loin de la reproposition de la πoliteia aristotélicienne, où le droit à la citoyenneté définit la structure politique et le nom des citoyens désigne l’état ; les évolutions médiévales des traditions platonicienne et augustinienne faisant appel à l’idéal et à la civitas dei aboutissent chez Machiavel au renversement des specula principis, avec la figure dominante qui devient l’archétype du possible et de l’impossible, de la nécessité à accomplir et du danger à éviter. A cette perspective s’ajoute également l’interprétation historico-philologique du droit romain proposée par la Renaissance, où l’accent est mis sur la sécurité de l’état plutôt que sur l’idée générale d’une justice aux fondements juridiques acquis : c’est par la reproposition du modèle romain du citoyen-soldat à opposer aux mercenaires qu’on peut assister à un glissement de la force du droit au droit de la force,bien qu’il reste en suspens le rôle également et potentiellement “républicain” de toute milice.

La construction de l’état se ferait alors par un soubresaut de la volonté politique. Face aux possibilités changeantes des cas humains, la dimension animale devient la clef de la comprehénsion du danger et de la mise en place d’une réponse radicalement alternative : que ce soit par le biais des images post-phédriennes du renard et du lion, ou par l’inaccompli apologue en vers de L’âne, les sources bestiales du discours de Machiavel dessinent et structurent – même dans le langage – une capacité de faire appel aux forces primordiales pour exploiter et contrôler pleinement la nature humaine. Sorte de témoignage du droit du monde animal à l’interférence avec les hommes, le prince est d’autant plus humain – dans une optique pré-Nietzsche – qu’il se montre capable de se faire violence, de contrer sa nature humaine la plus banale pour exhiber des caractéristiques bestiales abouties, réelles ou légendaires : le centaure fort et agressif en devient bien évidemment le paradigme logico-visuel, d’une manière renversée par rapport à la mansuétude de l’être mi-animal mi-homme representé soumis dans un célèbre tableau de Botticelli, Pallas et le Centaure (1482-83). Et le prince doit se penser en tant qu’animal, de même qu’il faut choisir, dans le monde animal, ce qu’on peut transfigurer en image d’une humanité reconstruite, re-élaborée par la fondation d’un prétendu ordre nouveau, sorte d’organisme génétiquement modifié par la combinaison de la volonté et du hasard.[...]

 

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