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Hopper
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 Article publié le 6 novembre 2011.

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La concentration des traits de son dessin préfigurait, déjà, la densité de la matière dans ses tableaux. D’ailleurs, Edward Hopper continuera les esquisses au crayon, parallèlement au pinceau, pour représenter avec le plus de précision et d’amplitude possibles les formes picturales qui hantaient son esprit.

La plupart de ses dessins sont contrastés, dominés par le noir et le blanc, des tons chacun à leur place, dans une radicalité qui met en relief la pénombre et la lumière. De la sorte, les éléments vivants et les éléments obscurs trouvent naturellement leur place.

La peinture de Hopper, c’est la solitude de l’être humain, la beauté de cette solitude, une solitude personnelle au sein des grands ensembles urbains ou bien en rase campagne. Du début du XXe siècle aux années 60, c’est toute l’histoire géographique de l’Amérique qui apparaît, qui prend forme, à travers l’évocation d’édifices, de demeures isolées, de stations-service ou encore d’églises. Edward Hopper aime son pays, aime ce continent en plein développement, il aime aussi souligner l’écrasement de l’individu dans un environnement urbain, son dépassement, un paradoxe qu’il met esthétiquement en valeur par le biais de jeux d’ombre et de lumière, d’angles choisis tels qu’un gros plan à partir du sol ou bien une vue aérienne à partir du toit. Edward Hopper se concentre même sur des espaces réduits, des fragments urbains arbitrairement délimités qui suffisent à rendre compte de l’omniprésence de la ville. Comme si, en se retournant, en regardant sur les côtés ou droit devant soi, on ne pouvait que constater sa domination, son occupation totale de l’espace.

Ce qui est surprenant dans la peinture de Hopper, c’est que sous un aspect simple - des tons en harmonie et des proportions équilibrées - elle exprime une dimension fantastique. En effet, tout ce qui a trait à la matière figée semble étrangement vivant. Une maison isolée à la campagne, une station-service, un quartier résidentiel en ville ... ces cadres sans personnage semblent animés, ils se suffisent à eux-mêmes. Comme si le peintre signifiait : « Regardez, regardez ces constructions, ces matériaux, ces habitations. Regardez leur esthétique. C’est bien nous qui les avons construits. Et c’est peut-être lorsque nous sommes en dehors qu’ils sont véritablement magnifiques »... Ainsi, lorsqu’on regarde un tableau de Edward Hopper, ce qui frappe d’abord c’est l’harmonie et la sobriété qui s’en dégagent, puis le trouble provoqué par une fausse impression de réalisme. Les éléments qui constituent les tableaux ne peuvent, en effet, être tout à fait réels, ils sont transformés par l’oeil du peintre pour renforcer la vraisemblance, sans excès, mais suffisamment pour être restitués à un niveau intermédiaire dont le but est de faire ressortir l’étrange beauté de ce qui est.

Ce sont ses oeuvres de maturité qui l’expriment le mieux, comme dans Maison près de la voie ferrée ( 1925 ), Dimanche au petit matin (1930 ), Une chambre à New-York (1932 ), Cinéma à New-York ( 1939) ou encore le célèbre « Rôdeurs de nuit »( 1942 ). Dans les deux premiers, la verticalité et l’horizontalité sont mises en exergue, elles sont au centre du cadre. Dans les trois suivants, des personnages sont intégrés, ils ont une attitude particulière, celle d’individus exprimant leur solitude, même lorsqu’ils sont en couple ou à plusieurs. C’est probablement Une chambre à New-York qui est le plus étonnant : l’homme et la femme sont dans la même pièce, mais les traits de leurs visages sont absents, sont abstraits ... Les titres de ces tableaux sont génériques et, dans le même temps, ils contiennent tous une atmosphère pour le moins singulière...

La peinture de Edward Hopper donne un aperçu du développement urbain de l’Amérique, de l’étendue des villes. Son style demeure inclassable. S’agit-il d’expressionnisme abstrait ? De réalisme abstrait ? Les substantifs nécessaires à la formation de ce qui pourrait qualifier sa peinture semblent oxymoriques, c’est-à-dire contraires. Ils reflètent, en somme, sa subtilité : une peinture qui a l’air réaliste mais qui est proche du fantastique.

Edward Hopper a changé notre regard, désormais on s’attarde volontiers sur les ensembles architecturaux qui constituent la ville où l’on vit, où l’on réside, désormais on observe...

 

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