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Le rapin
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 Article publié le 6 novembre 2005.

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« De Staël, Chagall, Léger, Cézanne, Caillebotte sont-là sur les toits de Paris. Monte là-dessus, tu verras les gouaches de Montparnasse et les pastels du Mont des martyres. Je peins des Sacré-Chœur, des Tour Eiffel, des Notre-Dame, des murettes, des cyprès, des flous bleus, des bandes caca d’oie, des Etretat, des Honfleur, des Auvers-sur-Oise, des Louveciennes... Ce que les gens pendent dans leur cage. Les mangeurs de pommes de terre, dans le salon ? La Goulue, au-dessus de notre commode époquée ? Guernica, dans le vestibule ? Des aquarelles, des croquebars pour la croûte. Je peins comme je pisse, d’un seul jet. Peintures à l’huile de ricin des purges mussoliniennes ! Peintures à l’eau, à l’eau bénite, à l’eau de rose ! Hitler n’entrera pas à l’école des Beaux-Arts de Vienne. Adolf Hitler, peintre, illustrateur et illusionniste (1889-1945). Coulures, dégoulinades, dégueulis... Ce rosé, Achille, c’est de la tendresse ! C’est de l’Anjou, Paulo. L’Anjou l’enjoue, vous tous ! Je joue, je m’enjoue. Je bois, je bois, le Caravage passe. Je barbouille, je peinturlure avec des taches et des confetti. Soyez vrais même si vous êtes laids ! O réalisme ! Ré-a-lis-me ! J’ai l’huile de Van Eyck. Van Eyck, le premier qui l’utilisa ! Je l’ai lu et relu. Des queues interminables, des files extasiées. Ils se tiennent par le derche, ces hannetons. Lautrec, les mêmes qui t’ont traîné dans leur gadoue, dans leurs excréments. Le scandaleux Enterrement à Omans, les Baigneuses cravachées par Napoléon III, l’Atelier, au rebut... La Chagatte, l’Origine du monde... Courbet, j’y laisse les poils de mes pinceaux. Van Dongen décroché par la flicaille ! Van Dongen déménageur de baraques foraines, crieur de la une, lutteur... Van Dongen à la botte nazie ? J’en doute. Un chevalet, un pliant... J’ai la bonbonne d’huile d’olive de Cézanne. La dame-jeanne est toujours de la pérégrination. J’éclaircis, j’assombris ma palette. Le blanc, c’est le pain de la peinture. Tuiles, ardoises, zinc, bois, tôle ondulée, bâches, toiles... Les fumées, les volutes, les arabesques... Les toits... Les toits... Paris ! Paris sous tous les ciels ! Je pose mes modèles, les gens d’en-haut. Les gens d’en-haut et les gens d’en-bas. Une idée. Tiens, voilà Pierre qui roule ! Pierre serre les mâchoires. Pierre est plein d’allant, mais c’est Ferdinand qui déguste, qui pictonne. Le précipice. J’aurais pu me fendre le crâne. Une tuile verglacée, une tuile, susurre-t-il méditatif. L’amour assagit. Le petit ramoneur s’est amouraché d’une ballerine. Un’ danseus’... Deux danseus’s... Trois danseus’s... Bonjour les Degas ! Peintre des danseuses ? Qu’est-ce qu’il faut entendre. Et les étoffes ? Et les mouvements ? Le sujet n’est qu’un prétexte. Je suis le sujet de la matière. Le sujet, c’est la matière, l’esprit de la matière. Edgar sans yeux... Je m’emporte. Martigues, l’Estaque, L’Etang de Berre... Ziem, Félix Ziem l’appelé peintre de Venise. Déjà l’impressionnisme. Léon nous en chansonne des truculentes, des vertes et des blettes. Et ton Cézanne qui nous en fait une montagne ! Je suis le primitif d’un nouvel art ! C’est lui. Les ribouis et la chaise de ton Vincent ! L’art, c’est l’homme ajouté à la nature ! C’est tout Léon. Pense plus à la jambe gauche de Manet. Dès qu’il peut me mettre en rogne... Quand j’ai un sale oeil, l’œil salingue, comme il dit, que je pinaille, que je m’enlise, que des soleils tournoient dans ma caboche, je m’absente pendant deux ou trois tours de cadran. Mon labeur m’obsède. C’est bon signe. Descends... T’’es plus sur les motifs... Les rouges de Carpaccio et du Père François te requinqueront. Un cadre d’Arcimboldo. Descends... Et puis tu dorloteras ta nymphe potagère. Sur le pont d’Avignon... Les bords de la Seine te rendront ton trait et tes doux coloris. Les pyramides de fruits et de légumes en paraffine, les chapelets d’oignons, les tresses d’ail, les paquets d’herbes, les corbeilles odorantes, les fleurs de papier crépon, les étals, les marées, les auvents... Reste pas là à suer dans ton sarrau, à te morfondre, à te mordre les poings, à perdre ton dormir et ton manger. Ton nouveau modèle, tu nous le présentes quand ? Sur le pont... On y danse, on y danse... On a que les trois quarts de son minois. Les belles dames font comme ça... L’amour assagit, mon amour ! Pas de marteau dans la tronche, on ira pas se faire peindre ailleurs. Descends ! Descends ! Si tu rencontres saint Christophe rassure-le ! Un pater, ce Léon. Léon et ses boutons de nacre... »

 

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