Petite tension entre moi-même et un personnage — le temps de se regarder — d’évaluer le moment qui a précédé cette rencontre — j’arrivais à peine — il attendait peut-être — je dis cela à cause de sa tranquillité — et de mon léger essoufflement — de chaque côté du chemin bordé d’enfants que nous ne voyons pas — pourtant leurs cris ont fait taire les oiseaux — comme je l’avais constaté avant d’entrer dans le jardin — un singe me saluant au passage — singe ou fonctionnaire — le bruit des feuilles au vent — l’irradiation transversale — de loin voyant qu’il attendait quelqu’un — que ce ne pouvait pas être moi — que personne n’y songerait — tout ce monde réduit au silence par ma seule volonté — comme si les enfants n’existaient pas — que le vent était une manière de parler — et le soleil une autre de s’entendre — Au croisement le bruit de nos pas dans le gravier bleu — se reconnaissant l’espace d’une seconde — comme on dit à propos de l’espace — je figurais le passage du vent au silence — et il recréait la pliure du temps sur lui-même — disparaissant bientôt de mon champ de vision — une autre présence s’interposait lentement — comme se recomposant après une soudaine liquéfaction — j’avais oublié mon rendez-vous — oublié pourquoi j’étais cet homme — mais heureux que les choses se terminent comme elle avait prévu — riant avant les enfants — un autre cri — plus sommaire — m’indiquant que je marchais sur les fleurs — le singe revenait avec son calepin — il grognait — les enfants formaient une seule ligne parallèlement à la haie de troènes — déjà le stylo parcourait la grille de mes diverses infractions — et me retournant je vis que mon personnage avait tout prévu lui aussi — et j’acceptais d’embrasser le singe sur la bouche.