L’hiver, je rentre à l’intérieur de ce corps et l’été, j’en sors. En cela, je ne me distingue pas de mes semblables, je veux dire de mes voisins qui préfèrent la vitesse du printemps et la lenteur de l’automne. Nous en parlons. Nous sommes d’accord. « Vous avez des voisins charmants, » remarque ce voisin provisoire et provisoirement installé à ma table. Il appréciait les adolescentes. Il n’y touchait jamais. Il se contentait de se laisser aller à rêver de ce temps où il était si proche d’elles sans y avoir jamais touché. « Ne me dites pas qu’elles ne vous impressionnent pas ! » Je ne niai pas me souvenir de ces promesses. Quelques-unes étaient tenues et c’était pour l’éternité. « Je vous envie ! s’écria-t-il. C’est ce que j’appelle le bonheur ! Elle viendra ce soir ? » Il goûtait à ce bonheur sans ma permission. Je ne pouvais pas lui en vouloir. L’été, nous sortons. Puis l’automne nous ralentit et nous finissons par rentrer, prêt à se laisser dépasser par les étonnements du printemps. Cycle du bonheur. Ou plutôt bornes des conditions de son exubérance quand c’est le moment de s’épancher, quitte à en rajouter un peu pour ne pas paraître sournois ou ronchon. « Je vous connais plus ronchon que sournois, dit-il. Oh ! Sournois est un bien grand mot ! » Elle s’amena avec sa cour de petits chiens stressés. De loin, elle commanda et une seconde après elle était assise entre nous, jambes croisées sous le paréo transparent comme l’eau qu’elle venait d’abandonner à la nuit tombante. Les chiens se réfugièrent sous la table. Il s’était levé pour la saluer, s’inclinant comme un cierge dans un rayon de soleil. Le garçon passa en vitesse, déposant un verre glacial et coloré. « Comme me disait monsieur votre mari, c’est l’été que nous nous sentons le mieux dans notre peau parce que nous la quittons pour d’autres aventures. » Elle était flattée et ne s’en cachait pas. J’accomplis maintenant un grand saut narratif et je vous reçois dans ce parloir où je ne suis pourtant pas l’hôte.