Maestro
Quel bon vent vous amène
Boute-feu boute-en-train
Flanqué de gens avides
Le Mistral
Nous laissse les mains vides
Et nous brise les reins
Nous sommes ses crincrins
Ses arlequins livides
Le Mistral
Ce satyre en ribote
Le Mistral
Caprices de despote
Le Mistral
Nous gerce et nous tripote
Le Mistral
Nous lie nous échevelle
Le Mistral
Nous envoie aux nouvelles
Le Mistral
Nous tourne la cervelle
Vieille carne à tous crins
Vieux routier impavide
Le Mistral
Nous laisse les yeux vides
Et nous brise les reins
Nous sommes ses crincrins
Ses arlequins livides
Ses cliques vert-de-gris
Ses claques fanfaronnes
Entonnent le mépris
Dans la vallée du Rhône
A tort et à raison
Sa mastoc soldatesque
Saccage les saisons
Et nos hymnes grotesques
Son fidèle escadron
Sur ses cavales trides
A la besogne aride
De plus en plus se rompt
Sa rafale écornifle
Nos cyprès entêtés
Ses sévères mornifles
Ecornent nos cités
Ses pailles sont des poutres
Pour nous pauvres badauds
Nos fardiers et nos dos
Fléchiraient sous ses outres
Il chipe sans remords
Nos chapeaux nos ombrelles
Son souffle enchante à mort
Nos grêles chanterelles
Les béates ma foi
Goûtent ses bagatelles
Et lui doivent parfois
Une fière chandelle
Ses tâcherons en feu
Assurés de son aide
Embrasent nos pinèdes
Et nos filles de peu
Dans le finale casse
De son grand opéra
Les amants se fracassent
Et n’emportent qu’un drap
Nos musiciens remballent
Leurs piteux instruments
Dès qu’infernalement
Il blouse ses timbales
Sur ses tambours rebours
Sa meute âpre de pages
Pile de bourg en bourg
Le chant des équipages
Ses fines pointes d’ail
Transpercent ma capote
Comme un épouvantail
J’entre dans ses gavottes
De son sac de noyaux
A sa frêle mâture
Mon gabier qui l’endure
Rend tripes et boyaux
Sur nos nerfs sans mesure
Il racle ses archets
Qui nous ont à l’usure
Avec leurs airs penchés
Quand il sort de ses gongs
Avec ses vieux béliers
Il crosse nos voiliers
Et nos journées sont longues
Boute-feu boute-en-train
Flanqué de gens avides
Le Mistral
Nous laisse les mains vides
Et nous brise les reins
Nous sommes ses crincrins
Ses arlequins livides
Le Mistral
Ce satyre en ribote
Le Mistral
Caprices de despote
Le Mistral
Nous gerce et nous tripote
Le Mistral
Nous lie nous échevelle
Le Mistral
Nous envoie aux nouvelles
Le Mistral
Nous tourne la cervelle
Vieille carne à tous crins
Vieux routier impavide
Le Mistral
Nous laisse les yeux vides
Et nous brise les reins
Nous sommes ses crincrins
Ses arlequins livides
Maestro
Quel bon vent vous emmène
Allez bon vent
Robert VITTON, 1984