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La plénitude
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 Article publié le 19 mai 2013.

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La plénitude d’un sentiment amoureux n’est donnée que dans la plus grande intensité d’un ressenti qui vient, se jette même, au-devant d’un pressenti : c’est elle, c’est lui…

Tout ressentiment est alors comme effacé, pour un temps, un temps seulement : il s’efface devant la figure nouvelle, celle qui, enfin promesse d’avenir, se donne au jour le jour d’abord, comme au compte-goutte.

Il y a là un paradoxe : la fulgurance du sentiment, la certitude d’avoir enfin trouvé se heurte fatalement à la nécessité de construire une vie à deux, faite d’efforts et de ruses, de calculs indispensables et de décisions lourdes de conséquences.

La plénitude est d’abord ressentie émotionnellement et intellectuellement, le moment physique vient après, il est décisif : des mots, des pensées, des émotions sont alors vécues en acte en faisant l’amour, puis vient le moment où les coeurs chavirent, ne sont plus que corps dans le cœur à cœur à fleur de peau.

L’intensité d’un sentiment n’est qu’un révélateur de ce dernier, son acmé, et la plénitude un temps donné parmi d’autres tout aussi importants et vitaux.

De l’amplitude d’un sentiment, on peut dire qu’elle est inversement proportionnelle à sa fréquence, comme en acoustique !

En d’autres termes, l’on aime un peu ceux que l’on est amené à fréquenter « mollement », c’est-à-dire sur un mode mineur où ce n’est pas toute notre personne qui est engagée.

L’amour pour un seul, pour une seule, en revanche, voilà qui n’est ni banal ni fréquent !

A l’opposé de l’amour pour un seul ou une seule, il y a la dispersion du sentiment qui équivaut à sa dilution : on a de l’affection pour un tel et une telle.

L’amitié et l’amour ont ceci de commun : l’une comme l’autre ne s’attachent qu’à un seul ou à une seule.

Bien sûr, on donne son amitié à plusieurs personnes, mais chaque amitié est singulière, traversée d’histoires vécues en commun. D’ailleurs, les plus grandes amitiés sont celles qui se sont affirmées dans l’Histoire, à la faveur d’événements tragiques au cours desquels chacun et chacune ont fait preuve de courage et de constance, parfois loin l’un de l’autre. Souvent une amitié en amène une autre : je songe à Blanchot coupé d’Emmanuel Levinas interné dans un camp de prisonniers français pendant la Deuxième Guerre Mondiale et qui s’est lié à Georges Bataille.

Il y a aussi les groupes de copains, l’amitié collective. C’est la plus fragile, la plus inconstante. La vie disperse les copains et les copines aux quatre coins de l’existence. Les opinions divergent, les personnalités s’affrontent ou bien s’éloignent purement et simplement l’une de l’autre.

La plénitude… Il ne faut pas la rechercher constamment : ce serait comme vouloir ressentir un orgasme en permanence : ce serait invivable.

Par plénitude, il faut entendre deux choses essentiellement : la présence pleine et entière, en actes et en paroles, de la personne que l’on aime et qui nous aime, toute entière tournée vers nous, rien que nous, mais aussi la jouissance, l’expression émotionnelle et physique d’un bonheur d’exister en compagnie d’une autre personne qui nous comble…

Cette plénitude-là n’est réelle que si le comblement est réciproque : avoir plaisir à faire plaisir est aussi important qu’avoir du plaisir pour soi.

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Commentaires :

  La plénitude par Lalande patrick

Lecture et musique électro acoustique. https://youtu.be/mp2R-ueyrtY?si=_1KWmKNINyM2vqYV


  La plénitude par Catherine Andrieu

À la mesure du cœur

Il y a dans ce texte une tension salutaire entre la fulgurance du sentiment amoureux et l’épreuve de son incarnation. L’amour ne surgit pas ici comme une idylle, mais comme un sursaut de reconnaissance : « c’est elle, c’est lui… », écrit l’auteur, et déjà tout vacille, tout s’organise autour de cette certitude qui fend le réel. Le cœur précède la raison, le pressenti précède le construit.

Mais très vite, la lumière de l’évidence cède le pas à la gravité de l’expérience. Car aimer ne suffit pas. Il faut faire avec le jour, les heures, les contraintes. Il faut bâtir. L’auteur n’idéalise rien : le sentiment le plus pur se heurte à la nécessité des efforts, des choix lourds, des compromis constants. L’amour se mérite dans les détails de l’ordinaire, dans la ruse douce de ceux qui veulent durer.

Et pourtant, la plénitude, ce mot presque trop plein, ne s’effondre pas sous le poids du réel. Elle trouve au contraire sa place dans l’équilibre délicat entre émotion, pensée et geste. Elle ne réside pas dans la permanence d’un orgasme, mais dans la présence pleine, attentive, offerte, dans la jouissance d’un lien qui se donne et se reçoit avec la même intensité. Un amour véritable ne s’éparpille pas. Il choisit. Il engage. Il se donne tout entier, ou pas du tout.

Le texte a cette beauté de nommer l’essentiel sans emphase. Il compare l’intensité du sentiment à une fréquence acoustique : plus le sentiment est fort, plus il est rare. Voilà une leçon à contre-courant : aimer un peu, souvent, ce n’est pas aimer. Aimer vraiment, c’est se taire longtemps, puis répondre une seule fois, de tout son être.

Il y a aussi dans cette méditation une belle réflexion sur l’amitié : celle qui se forge dans l’épreuve, dans la distance, dans l’Histoire partagée. L’auteur évoque Blanchot, Levinas, Bataille – non pour ériger un panthéon, mais pour rappeler que les liens les plus vrais sont ceux qui survivent à la séparation, à l’absence, à la douleur. Ceux qui ont traversé la nuit.

Et enfin, une mise en garde : vouloir la plénitude à chaque instant serait une forme de cruauté envers soi-même. Elle ne se convoque pas. Elle se reçoit, quand deux êtres, dans un échange total, se donnent la joie d’exister ensemble. Avoir plaisir à faire plaisir : cette phrase, si simple, contient toute une éthique de l’amour. Et peut-être même une voie.

Ce texte ne prêche pas l’amour, il le pense. Il n’en fait pas un miracle, mais un engagement. Il nous apprend à ne pas confondre intensité et répétition, éblouissement et durée. Il trace un chemin, non pas de certitude, mais de présence. Et cette présence, si rare aujourd’hui, est peut-être le seul miracle qui demeure.


 

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