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Goruriennes (Patrick Cintas)
Leçon de poésie chinoise - à Michel Host

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 Article publié le 24 juillet 2014.

oOo

à Michel Host

Cinq secondes de hurlement et une minute d’aveu. C’était son rythme. Mais il savait pas si j’étais poète ou si j’en avais seulement l’envie.

*

Il avait enfin compris que j’savais rien d’intéressant sur la Science Infuse, mais que par contre j’avais le pouvoir de divertir l’esprit sans le flatter. C’est ça, la poésie.

*

Leçon de poésie chinoise

On sortit alors dans un jardin peuplé d’orangers en fleurs. Je me souviens : c’était à Courdoue et on avait bu le machaquito d’une Juive qui offrait son jardin au passant. Les rues étaient noires et blanches. Je te cherchais…

— C’est jori ! s’écria Gu en tapant des mains sur mes pieds sanglants. C’est vlaiment tlès jori !

C’était à Couldoue

et on avait bu le machaquito d’une Juive

qui offlait son jaldin au passant.

Les lues étaient noiles et blanches.

Je te chelchais.

Et vous l’avez tlouvée ?

— C’était pas une femme, si vous voyez c’que j’veux dire…

— Un enfant ? Nous peldons beaucoup d’enfants en Chine. Nous en retlouvons beaucoup aussi.

— C’était un mec…

À c’te époque, j’étais un amoureux, pas un baiseur, hé conard ! Enfin, j’étais poète et je l’prouvais. Gu cessa de me briser les os. Il avait l’air d’apprécier ce genre de confession qu’on fait pas à tout le monde, même sous la torture.

— Vous connaissez pas les Espingouins, dis-je. Ils sont jaloux de leurs femmes et manient le couteau avec l’expérience de l’infidélité matrimoniale. J’étais venu avec un copain anglais qui s’prennait pour un oiseau dans les meilleurs moments de sa schizophrénie. Je courais alors que lui prétendait voler…

— C’est ça, la poésie ?

Il avait l’air déçu, mais ses yeux reflétaient une joie contenue. Autant que je le dise maintenant, des fois qu’on se méprenne, j’ai jamais fricoté avec des mecs. Mais il fallait que je m’accroche à quelque chose et c’était tout ce que j’avais trouvé pour résister encore un peu à l’envie de crever pour que ça s’arrête. On entendait encore les cris de O. Carabos et les têtes des ombres s’exposaient à la lumière pour montrer à quel point cette souffrance les affectait. Gu exigea une autre poésie. J’avais pas vraiment d’inspiration et j’pouvais pas parler de mes pieds sans l’offenser.

La femme qui me précédait

ne possédait rien de connu

Je l’avais suivie pour savoir

mais elle ne me conduisit nulle part

et je dus la violer

alors que je l’aimais.

— Melde c’est beau ! s’écria Gu

Il cessa de frapper. Il avait l’air de quelqu’un qui cherche les mots, mais qui ne trouve que ceux qu’il vient d’entendre. La douleur croissait maintenant qu’elle ne résistait plus. Je poussai un cri pour soulager ma conscience. Il reprit alors mollement le carnage, sans cet appétit qui m’avait convaincu de me donner à lui pour ne pas me vendre à tout le monde. J’crois qu’il appréciait la nuance, me demandant d’en dire quelque chose sur la voie du poème :

Elle aimait les fleurs,

mais pas autant que moi

Je pris le risque

de lui en offrir une.

C’était pas trop, mais ça le rendait fou. Il exprima sa joie en m’arrachant une rotule. Était-il convaincu ? Et cela me sauvait-il ? Cet intermède m’aurait enseigné un autre aspect de la ruse. Il me demanda soudainement si j’avais l’habitude de ruser avec la souffrance.

— Vous me donnez l’implession de suivle les fils de ma pensée pendant que je fais mon tlavail. Je vais vous galder comme un petit chien. Ils ne peuvent pas me lefuser ça. Vous parlelez pendant que je tlavaille. Vous palelez de moi et du supplicié. Et je vous felai aussi soufflil pour entletnil votle jaldin poétique. J’ai besoin de poésie, de cette poésie qui veut se sauver, mais que je tiens à ma melci.

On s’était arrêté sous les orangers.

— Je ne suis pas un Chinois comme les autles. Voulez-vous bien devenil mon lemplaçant ?

— Je suis pas votre petit chien ?

— Un lemplaçant n’est pas un petit chien ?

J’pouvais pas lui expliquer que le remplaçant de John Cicada pouvait devenir le petit chien de Gu, mais que le remplaçant de Gu, s’il existait, ne pouvait en aucun cas être celui de John Cicada.

— Il a un petit chien, John Cicada ?

— Il en a un, mais c’est pas moi. En fait, John et moi, on s’est jamais rencontré. O. Carabos avait organisé cette rencontre, mais il a eu cette idée absurde de détruire l’Opéra de Pékin…

— Je vois, digu.

Il voyait sans doute rien. Une petite poésie lui ferait le plus grand bien…

— Non, non, dit-il. Il ne faut pas abuser des bonnes choses, surtout si elles vous lendent mérancorique.

— Vous avez un super accent américain, mec ! On va bien boulotter vous et moi.

 

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