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Ce qui fut sauvé
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 Article publié le 12 janvier 2014.

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… die Runen stehen in keinem Zusammenhang mit Deutschlands jüngerer Geschichte ! Ich persönlich bin ein großer Gegner der rechtsextremistischen Denkweise und will das alte Lied nicht an derart denkende Menschen weitergeben !

Die Runenhex

 

Moi qui suis ton ami, et parfois même plus que ton ami, tu peux comprendre pourquoi il arrive que le silence me tienne sous sa garde.

Je garde le silence dans l’exacte mesure où, veillant sur moi, le silence m’entraîne vers des sources enfouies dont je ne guette pas la résurgence.

Espèce de sourcier-sorcier, j’eusse aimé vivre aux époques lointaines où les plantes aromatiques et phytothérapiques n’avaient pas encore de noms grecs ou latins, seulement voilà je m’exprime en français, cette langue composite truffée de mots grecs, bourrées de mots latins.

Non que j’accorde quelque valeur à une langue magique d’origine celtique ou germanique : la frontière entre ces divers parlers était très ténue, et dans mon esprit moderne nourrie de culture gréco-latine je me plais à atténuer la distance irrémédiable qui s’est creusée entre ces divers parlers au cours de deux millénaires qui ont vu la quasi-disparition des langues celtiques tuées par la romanité et l’émergence difficile de ce qu’il est convenue d’appeler la langue allemande.

Ainsi, je n’oublie pas, pour exemple, de souligner la parenté du ar gaulois et ardr germain, mots signifiant tous deux la terre. Que la ville d’Arbois et la commune d’Ardres dans le Pas de Calais aient même origine ne me déplaît pas.

C’est sur ce terreau fertile - ar bos en celtique : Arbois - que mon attention se porte, mais comme sur une page vierge qui ne se couvrira jamais de signes.

Le chemin - senno en celtique, leSinn allemand - sont parents avec la racine latine qui donna notre mot « sens ».

Tout cela pour dire que le sens appartient à toutes les langues, y compris les langues extra-européennes. Je déplore seulement que la romanité triomphante ait tué dans l’œuf l’essor des civilisations celtiques : nous avons été ainsi privés de possibles humains.

Certes, l’histoire, c’est qui perd gagne : nous avons reçu en héritage l’architecture monumentale et le droit romain, mais je ne me console pas pour autant avec cet apport décisif.

Je me méfie du « revivalisme », des folklores bricolés par des érudits réactionnaires. Tout cela a commencé par le romantisme allemand animé des meilleures intentions du monde pour finir dans les camps de la mort. Alors, Barrès et consorts, non merci.

La page reste blanche.

Elle me fait simplement penser à toutes celles et tous ceux qui ont perdu la vie au cours des millénaires dans la destruction de leur mode de vie et de croyance, de leur culture et de leur langue.

Je songe particulièrement aux Amérindiens - amères Indiens… - que nos ancêtres colonisateurs ont exterminés ou poussés au désespoir.

Je voudrais simplement leur dire que cela arriva aussi en Gaule, que nous sommes tous Français et Allemands proches du limes romain des produits d’une acculturation violente, d’une destruction pure et simple parfois.

Parole qui ne se veut pas consolante, qui implique tristement que les leçons de l’histoire n’existent pas, qu’un peuple martyrisé peut devenir aussi bourreau à ses heures.

Les restes épars et hagards de tribus entières détruites par les légions romaines se regroupèrent, et cela donna entre autres les Alamans : tous les hommes qui ont survécu, et les Francs : tous les hommes resté libres.

Ce sont eux en particulier qui ont donné leur nom à cette Francia qui devint la France. Aussi qu’on ne vienne pas me seriner avec la prétendue latinité de la France. C’est beaucoup plus compliqué que cela ! Simplement, ce sont les parlers, les coutumes et les institutions qui font l’histoire, et notre histoire est incontestablement gallo-germano-romaine.

Libre à vous d’y puiser ce que bon vous semble. Barrès et sa clique, s’ils étaient encore là, vous diraient que vous n’avez pas le choix, que votre sang, on dirait maintenant vos gènes, vous déterminent à penser, parler, œuvrer dans une direction qui s’impose à vous qui n’êtes que l’expression éphémère de la Terre et des Morts.

Les polichinelles d’extrême-droite n’ont pas fini de nous resservir le plat froid des vieux mythes accommodés à la sauce moderne. C’est pour cette raison que je garde le silence : je ne veux en aucun cas participer de près ou de loin à cette foutaise.

Que ce soit en cultivant une nostalgie de mauvais aloi, de mauvais aloi parce que sans objet, privé de référents : tout ou presque a irrémédiablement disparu -ou bien en exhumant des restes de culture soi-disant vivante comme on exhibe un vieux tibias tiré d’une tombe mérovingienne ou plus ancienne encore.

Ses restes parlent, bien sûr, grâce au carbone 14, à la spectrographie, à la génétique, nous parlent encore, mais pas pour nous entretenir de mythes.

L’essentiel est ailleurs, en avant de nous, inexorablement.

Ne compte pas sur moi pour bâtir des châteaux de pierre ou de bois, en Espagne ou ailleurs. Laisse-moi flâner sur une terre sans frontières politiques ou linguistiques.

Nous ne sommes pas naïfs. Nous n’avons pas que des amis en ce monde. Le combat pour la liberté continue.

Sauvons de l’oubli ce qui peut l’être encore, donnons-lui vie en y infléchissant nos pensées les plus vivantes par ce détour vers des possibles enfouis ou détruits.

Sans illusion, sans l’illusion de la pureté et de la puissance, mais pour affirmer notre singularité plurielle, notre humanité bigarrée, métissée, tissées de tant de liens invisibles qu’ils rendent vaine toute généalogie.

 

Jean-Michel Guyot

30 décembre 2013

 

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