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Louise et ses confidentes
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 Article publié le 1er avril 2014.

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Cependant la fille de la maison est bien fière de son fiancé « à situation... ». Elle fera, c’est prévu pour dans six mois, un beau mariage chrétien, et le mènera à sa guise, son Fernand : il est si docile, et surtout sans prétentions, et si bien habillé... Il lui faudrait d’ailleurs pour l’événement un costume noir flambant neuf ! Comme cet acteur si classieux dans le film qu’elle vient juste de revoir avec une copine... mais quelle joie c’était donc, un rêve dément !... un déluge de grâces sur sa peau, ses épaules et ses mirettes ! Et tout cet avenir afin de pouvoir en vérifier la splendeur.

(cette bonne copine était de fait une de ces confidentes parfaites à qui on peut confier sans problème toutes ses confidences les plus corsées.

Il y aurait de fait beaucoup de choses à dire sur le rôle des confidentes. Car c’est un rôle aussi discret que fondamental pour le drame que nous tâchons ici d’exprimer dans tous ses méandres.

Ce genre d’amie vous écoute, complice et enjouée. D’apparence neutre... elle boit vos paroles...

Dans les rues. Les jardins. Les parcs ou les troquets. Elle vous suit. Votre ombre ! s’imprégnant du moindre de vos dires... une suivante austère et fidèle... c’est qu’elle prépare en fait et en sourdine sa très sûre revanche.

Car aussi, c’est humain, elle ne peut plus faire taire à ses yeux un éclat d’envie mal dissimulé... elle couve peut-être même une vengeance, qui sait... ou dans sa manche un geste moins amical... tel qu’une lame qu’elle est prête à vous lancer dans le coup entre deux élans de complicité.

Vous lui causez. Mais elle prélève dans vos paroles ce qui intéressera cette vengeance... elle aiguise ses lames avec sa langue silencieuse qu’elle frotte sur son palais...

Il ne faut pas se leurrer, ce genre d’amitié, de fait, se fonde sur une forme de marché de dupe...

Car elle paraît certes être en train d’écouter.

De partager votre joie. Si bonne et copieuse. En savourant de fières tranches de votre triomphe... ça n’est apparemment pas pour de rire...

Cependant sa jalousie motive toute son attention... son œil implacable vous scrute, avec ce faisant toute l’acuité que la haine sait conférer aux regards les plus habituels...

 Ainsi se chargera-t-elle sans en avoir l’air d’attiser les inquiétudes de la jeune fille. Car comment pourrait-elle supporter plus longtemps tout ce bonheur insolent à se prélasser là sous ses yeux... sans qu’elle puisse le réduire d’un iota ?... (alors qu’elle en est réduite pour sa part à piteusement voir toute sa précieuse jeunesse s’enfuir sans retour... par lambeaux d’efforts inaboutis... par pulsations vouées au néant... sans jamais attirer l’œil d’un beau jeune homme... et sans qu’elle puisse se saisir de la moindre occasion sérieuse de bonheur... non, jamais ! De quoi vous communiquer bien des pensées funèbres virant au sordide...)

Elle ne veut en conséquence pas laisser celle-ci, cette petite bécasse chanceuse et arrogante, la dominer de l’aplomb de tout son nouveau bonheur si grotesque et si convenu.

Pour faire vaciller cet édifice, elle a sa méthode... c’est d’ailleurs de fait tout un art éprouvé par des millénaires de manigances peaufinées entre bonnes copines... rien de bien nouveau donc à ce sujet...

Ces fidèles amies savent de fait parfaitement avoir l’air de prendre part aux joies comme aux déboires de celles qui leur causent... mais cela elles le font à la façon des serpents... enjôlant leur proie, l’étourdissant de belles et très nobles paroles (à peu de prix)... leur approche est celle du cobra captivant bientôt sa mangouste... toujours à frôler le sol sans un frisson... pour mieux vous étourdir tout à fait... rendre ses réflexes moins prompts, à sa bonne copine... et, tout en la laissant déverser ses gentilles paroles, tout le pot de miel versé aux esgourdes... parvenir à faire de toutes ces confidences des armes capables bientôt de leur permettre d’inverser les rôles afin de calmer leur jalousie... tout en lacérant la gueule de cette petite garce qu’elles jugent intolérable de bonne conscience. Ce bonheur en carton pâte qu’elles ne peuvent plus supporter.

Tout en souhaitant les voir disparaître. Ces pauvres cloches. Les étouffer sous les caresses.

Les occire enfin sous des élans de complicité.

 

Éliminer cet obstacle d’un corps parfait, d’une opulence intolérable.

C’est là un très savant travail de transmutation. Il n’y suffit pas d’être une bonne garce ou une roulure atroce... sinon le monde serait invivable... il y faut de plus un certain génie. Une délicatesse rare. Une virtuosité innée dans le méfait le plus assumé sous les pétales et leur parfum.

Par mille questions, mine de rien, cette confidente rendra plus incertaine la confiance de la jeune fille. Elle effritera ses convictions touchant sa relation présente. Elle saura ainsi poser, au milieu du flot des égards habituels, les bases d’un très savant, mais très ferme, très certain et très résolu plastiquage.

 

Car elle l’envie, cette romance. Elle souhaite la pouvoir réduire en cendres. Et elle y parviendra.

Car l’envie n’est jamais longue à venir ronger les bases d’un bel édifice...

Efficace et corrosive envie... Afin de la voir, par l’opération de mille soins très subtils, par l’effort de petites allusions ou de remarques, bientôt devoir changer de contenance... elle va s’appliquer à réveiller en elle les hésitations. Elle ne pourrait supporter triomphe plus modeste.

Elle attisera sans répit. Au milieu des potins. Des divertissements. Elle lâchera de temps à autre une remarque plus imprévue... une vilenie capable d’influencer l’esprit fragile de la pauvre mignonne.

Puisque sa confiance à elle, sans réelle consistance, se verra influencée par les sous-entendus de sa si fidèle « amie ».

Ainsi, tout en causant petits potins, petites sorties, petites séries, ces filles alimentent les bases d’un drame prochain auquel elles travaillent sans répit...

(car il n’est rien de plus irritant aux yeux d’une confidente que les dehors frivoles du bonheur... Parfois. Avec toute son amitié. Elle souhaiterait mieux la voir crever, son idole chérie.

Sur son lit d’hôpital, face auquel elle simulerait toute la compassion du monde.

 Plutôt que de tellement lui servir de piédestal dans cette démonstration de liesse intolérable...

Tout ce bonheur est une sale provocation à sa jalousie.

Mais elle n’est pas si dupe, elle la sent en partie simulée, toute cette liesse... à ses oreilles tous ses soupirs sonnent bien faux, elle doit se l’avouer...

Elle flaire dans la conduite de l’autre les hésitations. Capte les instants de doute rongeur. Hume l’indicible doute.

Une chienne accoutumée à sentir les moisissures discrètes en une chambre close.

Des baisses de régime dans son enthousiasme.

 Et dans ces interstices à tout ce charmant édifice, se logera sa main, quand elle se mettra en quête du meilleur interstice où pouvoir y glisser le diamant de ses vœux...)

Cela ne fait-il pas des années déjà qu’elles se fréquentent... Elles peuvent bien tout partager... elle peut bien ça et là, d’un regard ou d’un geste, conseiller sa très bonne amie... l’autre, Louise, l’encourage d’ailleurs pour ce faire... (c’est que tout son bonheur embarrasse au fond cette dernière... au bout d’un moment elle ne sait plus qu’en faire au juste, de toute sa brillante relation avec son trop gentil Fernand... elle finit par considérer cette relation ainsi qu’un bibelot... et ce bibelot, une fois passée l’époque de sa fraîche nouveauté, on ne le regarde plus, on se demande comment pouvoir le placer dans un endroit de la pièce où il ne heurterait plus le regard).

Ainsi se sent-elle des droits sur ce triomphe de son amie.

 La confidente d’une jeune fille, le plus souvent célibataire, triste, envieuse, mauvaise et négligée, (de la poussière dans son giron), se trouvera heureuse de se trouver à l’endroit où ont l’air de resplendir les choses... au cœur du grand foyer des événements. Tout prêt de la membrane... pour assouvir sa soif d’indiscrétions... y coller l’oreille, avec gourmandise... pour parvenir à palpiter à son tour de toutes les plus fortes raisons de vivre. Elle se fera ainsi la sensation de se voir infusée de sang très riche. Elle a toute l’humeur d’un parasite. Du tic repérant les mouvement d’un hôte en la peau duquel se loger...

 

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