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Livre premier
Chapitre XIV

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 Article publié le 6 mars 2006.

oOo

- Vous vous trompez, dit le comte. Les gens d’ici ne sont pas les bouseux ni les salopiaux que vous décrivez - ce qui ne marche pas ici, ce sont les pouvoirs publics - la constitution de la Ve République nous a PRIVÉS de la séparation des pouvoirs - c’est sans doute une bonne idée pour la France - c’en est une très mauvaise pour une petite terre comme l’Aure - et ce n’est pas la seule terre qui souffre de ce dictatorialisme - ici le juge est aussi bien un flic qu’un politicien - le politicien juge aussi bien que le flic se mêle des affaires sociales - vous vous en prenez aux gens parce que vous n’avez pas assez réfléchi - ce ne sont pas les gens qu’il faut accuser de la tristesse de l’Aure - ce sont les structures !

Bon - faudra éviter de discuter potins avec le comte - surtout qu’on a décidé de parler sexe - mieux : on va le faire - on a toute la nuit pour ça - on est en train de filer à cent à l’heure sur une petite route dangereuse à bord de la Roll’Royce vert olive du comte qui nous amène passer la nuit dans son château - 

En sortant du SUKIYA, j’ai juste fait une remarque à propos de ce sale petit pays et le comte, le pied au plancher, s’est mis à nous expliquer les mille et un secrets de cette terre courage - Marcel jouait avec l’allume-cigare qui clignotait entre ses doigts et le comte le lui arrachait de temps en temps pour rallumer son cigare récalcitrant - moi j’avais choisi de sauter sur les fauteuils - que j’avais pour moi toute seule - je me demandais, sans y penser vraiment, si c’était sur ce cuir que j’allais me faire baiser - c’était mou, plein d’odeurs qui ne rappelaient rien, ça craquouillait un peu sous mes fesses - les bulles se cognaient encore contre mon crâne et je ne me suis pas aperçue tout de suite que je saignais - 

Je poussai un cri d’horreur non pas parce que je salissais les cuirs mais parce que j’ai craint que ça ne devienne douloureux - le comte a jeté un coup d’oeil dans le rétro - Marcel s’est retourné en posant une question à laquelle je ne manquerais pas de répondre mais en attendant je voulais absolument douter de l’origine de cette hémorragie - mais entre une femme et un fauteuil - hein ? - Qu’est-ce qui peut bien saigner - ça ne sentait rien ça ne faisait pas mal - le cuir crissait encore sous mes fesses et il continuait de ne rien me rappeler au niveau de son odeur - j’ai fini par dire : je saigne n’ayant pas osé crier encore une fois - ce qui aurait contraint Marcel à reposer la question - et recontrainte moi à ne pas y répondre d’une manière aussi directe.

- Elle saigne ? - répétait le comte en levant le pied - elle saigne d’où ? demandait-il.

- Du trognon ! hurlai-je quand j’ai senti arriver une douleur du fond de mon ventre - merde !

La Roll’Royce a pilé sur place au milieu de la route et le comte était maintenant debout sur son siège et Marcel était toujours retourné et il grimaçait étrangement.

- Ben oui quoi je saigne et j’ai terriblement peur que ça me fasse mal.

- Que ça me fasse mal ! murmura le comte et il remit le moteur en route -

L’accélération stoppa net l’hémorragie.

- Je saigne plus.

- Tu es sûre que c’est ça ? demanda Marcel avec cette tonalité de franche méconnaissance des mystères de la femme.

- Forcément qu’elle en est sûre ! s’écria le comte en pimponnant à l’entrée du château - 

Les pneus firent un boucan de tous les diables dans les graviers de l’allée et la Roll’Royce s’arrêta le museau contre la première marche de l’escalier qui montait vers l’entrée - je sortis d’un coup du carrosse et m’accroupis dans le gravier - je pissai un peu par-dessus le marché.

- La soirée est foutue ! grommela le comte.

- Pas si foutue que ça ! fit Marcel en me regardant -

Je ne pouvais tout de même pas lui sourire - j’avais l’air d’une chieuse.

- Ça vous plaît ? fit le comte amusé.

- Pas mal oui.

Encore une information intéressante sur la vie sexuelle de ce clown - les hommes ne sont jamais ce qu’on croit qu’ils sont - ils finissent toujours par ressembler à ce qu’on déteste le mieux - la sodomie, la fellation, le fouet, bon - mais alors se régaler parce que je pisse le sang et que j’ai l’air d’une chieuse !...

- Je pouvais pas prévoir, dis-je en guise d’excuse.

- Souvent on peut, dit le comte en actionnant la serrure de la porte du château .

- MOI JE DIS QU’ON PEUT PAS ! - 

Je prends le mouchoir que me tend Marcel, je le tirebouchonne et je me ferme une fois pour toutes - j’ai rien sur moi - je fais comme je peux.

- Quelqu’un peut-il me ramener à la maison ?

- À la maison ! Vous n’y pensez pas ! s’exclame le comte. On est venu ici pour s’amuser et on s’amusera.

- Et on s’amusera à quoi ? dit Marcel.

- Vous avez bien commencé ! Vous...

Marcel ne peut pas dire le contraire - on voit bien qu’il commence à s’amuser - son burnous fait une bosse sous son ventre - je ne l’avais pas encore vu commencer à s’amuser - et bien on y est - 

On entre dans le château où il fait froid comme dans un frigo - le comte actionne une petite loupiotte qui éclaire à peine l’escalier.

- On va monter, dit-il, dans ma chambre il fait chaud. Vous voulez de l’alcool ? 

- Au point où j’en suis, qu’est-ce que je peux vouloir de plus ?

Il disparaît dans une petite porte qui reste ouverte dans une plus grande et je me demande si ce sont des portes russes mais on ne voit pas grand-chose - on est dans un hall avec des portes tout autour et un escalier tout au fond - je grelotte, mais j’ai toujours ma petite chaleur entre les cuisses - c’est déjà ça - enfin ! Marcel s’amuse, le comte a l’intention de s’amuser et moi, pour pas changer, je vais picoler jusqu’aux pommes - c’est une semaine qui commence bien !

Le comte réapparaît avec une bouteille dans chaque main et une troisième sous le bras - en montant l’escalier, j’en vois une quatrième dans la poche de son veston - je suis en train de chercher la cinquième quand une bouffée de chaleur me calcine le devant du corps - il vient d’ouvrir la porte de sa chambre - et on voit un grand nègre vêtu de blanc qui active un énorme soufflet dans une gigantesque cheminée où pétaradent deux troncs d’arbre - quand il nous voit, il sort de la cheminée, pose le soufflet sur son support et passe devant nous en saluant - le comte le remercie aimablement.

- C’est mon domestique - je l’ai choisi noir à cause de la livrée blanche !

Il rit - Marcel aussi rit - lui il s’en fout de l’esclavage, il est Américain.

- Si on se mettait à l’aise ? dit le comte en alignant les bouteilles sur un guéridon - 

À l’aise, je ne le serai pas - je ne veux pas jouer à la bouteille qui se vide sur la table je ne veux pas gâcher la soirée en remplissant les verres de mon propre sang - je ne peux même pas m’asseoir sans faire de cochonneries - cependant, le comte m’indique un superbe fauteuil de cuir et de bois

- Puisque ça fait plaisir à Marcel - 

Qu’est-ce qu’il lui ferait plaisir à lui ? - Il le dira plus tard - bon d’accord : ne gâchons pas la soirée avec des questions en avance sur l’emploi du temps - d’ailleurs c’est lui le maître de maison - il n’y a pas de maîtresse - j’aurais pu jouer ce rôle - mais j’ai une cicatrice impitoyable - et le temps n’arrangera rien.

- Si on buvait ? propose Marcel qui n’arrête pas de me reluquer -

Le burnous palpite et je n’arrive pas à mesurer - j’aime bien mesurer avant de commencer - non pas pour humilier - ni pour refuser en cas de gigantisme - j’aime bien me rendre compte en faisant parler les chiffres - pour le moment le burnous fait un pli sans signification mesurable - 

Le comte d’un bond débouche une bouteille et remplit les calices - c’est n’importe quelle gnôle et je m’en fous - c’est de la gnôle du commerce - c’est presque doux - ça n’arrache rien - il faudra que je boive beaucoup - c’est pas bon pour l’hémorragie mais qu’est-ce qui est bon pour l’hémorragie - une meilleure situation financière - y a des chances - mais je ne me plains pas - je suis en train de faire la fête dans un château - le comte est aimable et il distille son accueil avec une science qui m’intéresse - je ne sais pas si je vais tout comprendre - mais je promets de faire l’effort.

- Est-ce que ça saigne toujours ? demande Marcel.

- Ça ne s’arrêtera pas cette nuit, dit le comte.

- Je gâche toujours tout, fais-je en m’avachissant sous l’effet d’une rasade qui me dégouline encore dans l’oesophage.

- Mais qu’est-ce qui est gâché ? dit Marcel.

- Rien - c’est vrai que toi ça te fait bander - et si tu la montrais un peu, la bite que tu t’es promis de me fourrer dans le cul ?

- Oui, dit le comte. Montrez-nous. On est là pour ça.

- On est là pour quoi ? dit Marcel.

- Tu vas pas te faire prier !

Bon n’en parlons plus - il faut boire encore - mais attention à l’esprit - il pourrait bien s’évaporer avant que ça commence - c’est toujours ce qui m’arrive - je bois je bois et puis tout fout le camp et je ne sais même plus si j’ai eu droit à l’amour - mais je ne peux pas m’empêcher de faire taire mon cerveau - il me parle tout le temps - il me parle jusqu’à ce que je tombe - alors là il ne parle plus - mais je ne sais pas où je suis - je ne me pose même pas la question - autrement je me dis que je ne suis allée nulle part - j’ai simplement tout raté.

- Et vous monsieur le comte ! dis-je en essayant de sourire.

- Oh ! Moi, c’est une autre affaire.

- Une bonne ou une mauvaise ?

- Les Vermort sont montés comme des taureaux, vous verrez.

Encore une chose que je risque de rater - à force d’attendre, je passe à côté de tout - je ne sais pas attendre - il faut que je boive.

- Et quel est le programme ? dis-je, espérant que ma question aille bien au-delà de sa signification.

- Vous avez parlé de l’enculer, dit le comte à Marcel. Est-ce qu’on peut voir ça de plus près ?

- C’est ça votre truc ! fait Marcel qui se met à manquer de politesse.

- Non, dit le comte sans se démonter, mais je croyais que c’était le vôtre.

Je fais donc voler ma jupette dans les lustres et, le ventre bien calé sur l’accoudoir de cuir, je compose une belle fleur violette entre mes fesses - 

- Putain que c’est beau ! s’écrie le comte - 

Et il se lève et s’approche, se baissant pour voir vivre la petite fleur que je cultive.

- Dommage pour le reste ! dit-il à voix basse, mais à bien l’entendre, il n’a pas l’air déçu par ma culture - venez voir ! lance-t-il à Marcel.

- Je vois très bien d’ici.

- Et ça ne vous inspire pas ?

Je regarde Marcel bien dans les yeux - ça l’inspire c’est sûr - mais le comte l’énerve - il n’aime pas les aristocrates - alors je me relève, je fais sauter le bouchon et, écartant les cuisses de danseuse dans un grand écart écarlate, je m’assois sur l’accoudoir et je souris bêtement en attendant les commentaires.

- Ça c’est beaucoup mieux, dit Marcel.

- Un peu dégoûtant tout de même, dit le comte.

- On est pas obligé d’être d’accord !

C’est la guerre - mais c’est exactement ce qui pouvait m’arriver de mieux - le comte adore mon cul sans y toucher, ce qui n’est pas un mince avantage - et Marcel se régale de mon ouverture maculée de sang - ce sont deux chouettes types que j’ai envie d’aimer - si ça continue comme ça, je peux refermer la bouteille de l’oubli - 

- Je n’ai pas dit que je m’intéressais à son cul, dit le comte en retournant dans son fauteuil où il allume un cigare - 

Ah bon ? je croyais !

- La petite fleur de son cul est la plus belle que j’ai jamais vue - poursuit le comte en agitant son cigare et je me mets à observer les volutes qui singent ses paroles dans l’air qui monte.

- Et qu’est-ce qui vous ferait plaisir ? demandai-je avec ma petite voix de pute qui veut à tout prix faire affaire.

- Oh ! ce qui me ferait plaisir ! - 

Et le v’là qui ferme les yeux, le coude sur l’accoudoir et la tête sur le repose-tête, ses doigts roulant le cigare qui grésille et crachote ses volutes verbales qui montent, qui s’étirent, qui changent et que l’ombre du plafond finit par absorber - il faut deviner ou quoi ! -

Il a rêvé deux minutes dans cette position - et puis le cigare lui a brûlé les doigts - et il a ouvert les yeux en hochant la tête pendant une minute qui m’a semblé une éternité - et deux minutes plus tard, vêtus de peaux d’ours qui sentaient la moisissure, on était avec lui dans la salle de torture du château.

 

*

 

Le comte s’est tout de suite foutu à poil - il faisait terriblement froid et il avait la chair de poule - je ne sais pas pourquoi, je n’ai pas regardé sa bite - j’avais vraiment pas envie de jeter ma peau d’ours puante - mais si j’étais payée pour ça, hein ?

- Sans chauffage, ça va être dur, fait Marcel en reniflant.

- Qu’est-ce qui va être dur ? demandai-je un peu inquiète -

Autrement dit : qu’est-ce que je dois faire pour vous faire plaisir ? -

Le comte alluma diverses ampoules qui jetaient une lumière trop blanche - les instruments et les appareillages apparurent dans toute leur splendeur.

- C’est un musée ! s’écria Marcel -

Mais le comte avait l’air pressé - il ne fit pas de discours - il parla vite de deux ou trois instruments qu’il n’actionna même pas, se contentant d’en décrire brièvement les effets et l’assouvissement recherché - Marcel haussait les épaules - je ne sais pas si à ce moment-là il avait encore envie de m’enculer - en tout cas il ne bandait plus - moi je saignais toujours.

- On a vraiment pas le temps de tout regarder, dit le comte sur un ton d’excuse. Est-ce que vous voulez essayer quelque chose ? Ce sont de vieilles machines, mais elles fonctionnent toutes à merveille. Je les ai restaurées moi-même. Elles avaient beaucoup servi ET PUIS l’oubli a fini par les rendre inutilisables. Mais je les tirées de là. Avec quelle patience, je vous prie de le croire ! Et dans le plus grand secret ! Un pareil musée ferait fureur à Paris. Pas en tant que musée bien sûr. Ce serait une sacrée salle de restaurant, trouvez pas ? - 

Le comte avait le sens des affaires ou ne l’avait pas - il tremblait de froid en nous disant cela et je n’avais vraiment pas envie d’en faire autant - jusque-là, je ne peux pas dire qu’on ce soit vraiment marrés - j’ai joué la pute, j’ai exhibé mes cadeaux, j’ai fait tout ce qu’on m’a dit, j’ai pas bu jusqu’à la mort - tout de même, qu’est-ce que j’étais réglo cette nuit-là - et la peau d’ours me faisait de douces démangeaisons sur les épaules tandis qu’une petite flaque de sang clapotait en silence sous mes pieds - malgré tout, mes deux bites étaient dures comme du bois et j’avais sacrément envie de les enfoncer dans la chair du premier venu - ce truc-là me prenait à la gorge et je respirais avec la régularité d’un yogi - j’avais vraiment envie de m’envoyer en l’air - mais c’est pas facile - avec une petite fleur anale qui supporterait pas l’introduction du petit doigt de la main - avec une cicatrice béante à la place du sexe - et trépignant dans ma flaque cellulaire entre un nègre qui a froid et un comte qui hésite.

- Moi j’ai envie d’essayer l’estrapade - histoire de passer le temps - avec l’espoir de provoquer quelque chose.

- Tu es folle dit Marcel - 

Mais le comte trouve l’idée très bonne et il me lie les mains dans le dos et le fumier ! - une fois que mes mains sont bien attachées - il m’arrache ma gentille peau d’ours et je me mets à avoir froid comme un glaçon - ensuite il enfile le crochet dans la corde qui m’empêche de me servir de mes mains - et je me sens soulevée dans les airs - je suis soulevée - puis la douleur éclate dans mes poignets - puis dans les épaules - je hurle comme une folle - et tout d’un coup je redescends - je ne redescends pas - je tombe - sur les genoux - sur une épaule - un choc dans la hanche - je me crois morte - et je remonte aussitôt - encore plus haut - je crie tout ce que je peux crier - et cette fois je redescends doucement - j’entends Marcel qui engueule le comte - le comte qui ne dit plus rien - qui est déçu - je ne suis pas faite pour la douleur - pour moi l’amour c’est du cinéma - et le cinéma, c’est une bite qui se lève et qui me fout la paix au niveau de la douleur et de l’enfantement - 

Marcel me détache - il me dit qu’on ferait mieux de partir - que ce type est un fou - je me pelotonne dans ma peau d’ours - j’ai cessé de saigner - une bonne chose que ça arrive maintenant.

- C’est pas comme ça que je vois les choses, dit Marcel qui insulte le comte.

Moi je change - je ne les vois pas vraiment comme ça - mais je dois reconnaître que j’ai bandé - j’ai mal à mes deux bites - il faut les mordre pour que ça me passe - je dis que j’ai envie de m’amuser, pas de discuter du bien-fondé de ces pratiques sexuelles.

- TU AVAIS PROMIS DE M’ENCULEr - OÙ EST TA BITE ?

Et j’essaie de soulever le burnous - mais Marcel me saisit par les poignets - et il me dit qu’il en a assez - qu’il vaut mieux rentrer - et même il s’excuse auprès du comte de l’avoir dérangé - il est fatigué - il a des problèmes avec sa femme - il en a pas avec moi - alors pourquoi tout ce cinoche - pour rien ! - Pour faire chier le monde ! - Le monde, c’est moi et le comte - il sort et commence à remonter l’escalier dégoulinant d’humidité - le comte est calme - il referme la porte, actionne la clé et le pêne fait un boucan de tous les diables - on entend Marcel qui redescend précipitamment puis plus rien - on dirait qu’il attend derrière la porte - qu’est-ce qu’on fait en attendant qu’il se mette à chialer ?

Le comte me montre sa machine préférée.

- C’EST UNE MACHINE À ÉCARTELER DONT J’AI OUBLIÉ LE NOM - APPELONS-LA LA VEUVE - ÇA RAPPELLERA LE BON VIEUX TEMPS - 

Je l’aide à remonter un énorme ressort et il enfile une cale dans l’engrenage qui se met à vibrer sous la tension - et puis il m’explique comment attacher les liens à ses poignets et à ses chevilles - je comprends tout - forcément c’est simple - je demande si c’est pas dangereux - je veux assassiner personne - il m’explique qu’il a calculé la tension du ressort - il l’a adaptée à la limite de ce qu’il est capable de supporter - il supporte beaucoup - faudra pas que je m’inquiète - surtout ne pas ouvrir la porte à cet imbécile de nègre - de toute façon, on ne peut rien faire pour arrêter la machine - elle s’arrête toute seule - il a tout calculé - mais il ne veut pas souffrir dans la solitude - il a besoin d’un témoin - est-ce que je veux bien être ce témoin - il me paiera bien - alors...

Je suis en train de boucler les liens sur ses chevilles lorsqu’il se met à bander - pas d’un coup - lentement son ver se tortille, bat la mesure, monte, redescend un peu - est-ce qu’il maîtrise son truc ? - Non, il continue de parler pour m’expliquer - je dois bien faire la boucle sinon ça ne marchera pas - il a tellement envie que ça marche - et je m’applique, tirant la langue comme une écolière - je sens les battements de mon coeur jusque dans mon cul - je suis émue jusqu’aux orteils, je sens que je vais jouir comme jamais - 

- Ça me semble bien fait ! dis-je enfin en jetant un coup d’oeil envieux sur sa bite qui s’entoure de veines.

- Je crois que c’est parfait, dit-il. Maintenant enlevez la cale et ensuite faites ce que je dirai. Le ressort se détend lentement. Au début, la douleur sera lointaine - elle n’existera pas vraiment - je pourrai vous parler et entendre tout ce que vous me direz - et surtout, mon amour, LAISSEZ-FAIRE la machine jusqu’au bout !

Il m’a appelée son amour - c’est toujours ce qu’ils disent en se glissant entre mes cuisses - est-ce que je vais le croire, lui ? -

J’enlève la cale - l’engrenage sursaute, ne bouge pas - je regarde le comte d’un oeil inquiet - ça ne marche pas - il sourit :

- C’EST NORMAL AU DÉBUT - ÉCOUTEZ LE RESSORT ! - 

Et je l’écoute - il grince doucement - c’est parti mon quiqui ! - Et Marcel qui écoute aux portes ! - Je l’imagine l’oreille collée au trou de la serrure où la clé fait de l’ombre à son imagination - le comte émet un premier gémissement - je dis :

- ÇA VA ! - 

Et aussitôt je me sens stupide - il faut que je m’apprenne à ne pas poser de question - ce type-là n’est pas en train de souffrir - il va à la rencontre du grand plaisir - moi, je l’aide.

 

*

 

Lundi matin, deux heures avant le lever du soleil - je suis à genoux entre les jambes du comte hurlant de douleur - la bouche pleine de sa bite monstrueusement bandée - sur ma langue je sens les veines gonflées à l’extrême - le sang tape même dans ma tête - et Marcel joue du tambour sur la porte qu’il voudrait défoncer - mais pourquoi ne se barre-t-il pas ! - 

Le comte a fini de hurler comme tout à l’heure, emplissant ses poumons et les vidant jusqu’au dernier atome d’air - maintenant il suffoque crache éructe avec de la bave - le ressort se détend toujours - je n’ai plus peur - j’ai eu peur au début, quand il a relevé la tête en poussant un cri qui a réveillé Marcel derrière la porte - il écarquillait les yeux, la bouche montrant toutes ses dents, me regardant parce qu’il savait qu’il ne pourrait plus rien dire - que la douleur s’occupait maintenant de ses poumons - qu’il était enfin entré dans cette douleur qui était sa seule recherche - et c’est à ce moment-là que j’ai eu envie de lui sucer la bite - je l’ai sucée avec toute la douceur possible - mais rien ne voulait en sortir - ça lui faisait peut-être terriblement mal - aussi mal que dans ses articulations déchirées et j’ai continué de lécher cette bite qui demeurait raide et noire - sans qu’il en sorte rien - parce que ce n’était pas le problème - qu’il en sorte quelque chose pour que je me mette à croire avec lui au plaisir - la bite avait mal, terriblement mal, les nerfs à fleur de peau, sensible à la moindre caresse dans une douleur qui s’écartait entre ses cuisses - là où la chair distendue devenait blanche - là où le poil se dressait dans cette blancheur crevée de veines bleues qui étaient toute l’architecture de la douleur - et je n’attendais plus le sperme - je n’attendais plus que ça s’arrête - j’avais l’impression que ça pouvait durer autant de temps que le coeur le voulait - oubliant le ressort qui déroulait son inertie autour des axes et dans la corde qui s’y nouait d’un côté, et qui de l’autre avait rompu la peau jusqu’au sang - mains blanches et noires - doigts recroquevillés comme dans la mort - et la gorge secouée de raideurs et de détentes illusoires - la gorge traversée par le cri, par les morceaux du même cri qui ne s’adressait plus à moi - j’avais fait tout ce que je pouvais - et j’aimais cette bite extrême dans ma bouche tranquille - comme si la douleur avait cessé d’être un spectacle - au cas où je me serais prise pour l’officiante - ce dont il n’avait jamais été question dans l’esprit du comte - j’avais même oublié mon propre sexe - j’étais une excroissance de la douleur - c’est tout le rôle que je pouvais jouer - et j’aurais voulu être belle - mais ça, c’était une autre question.

Et puis d’un coup il y eut un grand claquement dans la machinerie - l’engrenage principal s’arrêta - le corps du comte avait atteint une extrême tension - c’était la limite à ne pas dépasser - puis un claquement plus sourd cette fois entraîna l’engrenage dans le sens inverse - les cordes se détendirent - le corps du comte se rejoignait doucement - il respirait d’une manière atrocement irrégulière - sa bite restait tendue dans ma bouche - il ouvrait les yeux par instant - un dernier claquement mécanique mit fin à la manoeuvre - mais non pas à la souffrance qui continuait d’oeuvrer dans le corps - irradiant les tendons et les muscles - nerfs échangeant les contradictions - le sperme venait - la douleur était omniprésente - mais la douceur sexuelle n’avait pas cessé d’exister - le sperme envahit ma bouche - le gland augmentant encore de volume - puis je perçus la détente sexuelle - le retour progressif de la douleur - la diffusion des mots dans les nerfs - le comte parla - il me demandait de le détacher - je ne dis rien - j’agissais nue et tremblante - il me dit :

- L’Américain est encore là ? - 

Je ne réponds rien.

- Ouvrez-lui la porte. Vous ne pouvez plus rien pour moi. Merci.

 

Maintenant j’étais accroupie près de la machine - ayant chié doucement la peur que je n’avais pas eu tout à l’heure - je n’avais plus froid - Marcel achevait de détacher le comte, le traitant de vieux fou - il le prit dans ses bras - il souleva ce paquet de douleur sans accorder aucune importance à la douleur et il sortit et remonta l’escalier noir et humide - je chiais toujours - la peur dans les genoux que j’étreignais - le cul à ras du sol effleurant la merde - sentant la chaleur de mon coeur s’évacuer par là - Marcel ne m’avait même pas regardée - j’avais tourné la clé dans la serrure et il était entré d’un coup - le comte lui avait dit :

- Transportez-moi dans ma chambre, vous. Elle ne peut plus rien pour moi -

Qu’est-ce que j’avais fait de travers ? - Est-ce que je n’étais pas en train de souffrir comme tout le monde ?

J’ai récupéré ma peau d’ours puante et je suis remontée dans la chambre du comte où il faisait une chaleur épouvantable - le comte était assis tout nu dans son fauteuil près de la cheminée et Marcel examinait ses poignets meurtris - quand je suis entrée, le comte m’a souri - Marcel ne m’a même pas regardée.

- Le soleil va bientôt se lever, dis-je en m’approchant du feu pour sécher mon cul - je sentais un peu la merde.

- Marcel me dit que vous êtes écrivain, dit le comte, gémissant un peu. Il n’a cependant rien lu de vous.

- On se connaît à peine, dis-je avec froideur.

- Il faudra lui offrir une de vos oeuvres. Il vous connaît mal.

- Moi je commence à bien vous connaître. Est-ce qu’on se reverra ?

- Pourquoi pas ? Il faudra vous montrer discrète.

- Je connais mon métier, dis-je.

Marcel ne desserrait pas les mâchoires - qu’aurait-il dit d’ailleurs ? - Et dire que je n’avais pas la moindre idée des dimensions de sa bite - moi qui savais tout de celle du comte quand elle était dans son élément - j’avais encore son goût dans la bouche - j’aimais ce goût - il faudra que ça recommence - pour une fois, j’ai tout bien fait jusqu’au bout - et pas beurrée en plus - je m’améliore.

- Est-ce que vous avez très mal ? demandai-je au comte.

- J’ai eu ma dose. Tout va très bien. C’est un calcul savant. Mais c’est la première fois que je le fais en la présence d’une femme. Je vous aime.

Ce que je peux être aimée ces temps-ci - je suis en train de changer ou quoi ! - Je sens vraiment la merde.

- Je vais vous ramener chez vous, dit le comte.

- Prêtez-nous plutôt une voiture, dit Marcel. Je vous la ramènerai.

- Je n’ai que la Royce.

- Dans ce cas, dis-je gaiement, nous avons besoin d’un chauffeur !

Le comte s’habilla, grimaçant de douleur - Marcel haussa les épaules plusieurs fois en le regardant - de mon côté, j’ajustais mes volants - on eut vite fait de se retrouver dans le carrosse - Marcel voulut conduire mais le comte prétexta un moteur capricieux et il s’installa au volant - mon sang avait parfaitement séché - je m’assis dessus sans vergogne.

 

*

 

Le soleil ne s’est pas encore levé - le carrosse vert olive fonce dans la nuit noire mordant le talus chaque fois qu’une douleur perce les articulations du comte

- Si je prenais le volant, propose Marcel plusieurs fois - 

Mais le comte ne tient pas à se faire porter - il refuse obstinément de céder sa place - moi, caressée par le cuir et sentant mes deux bites s’y enfoncer avec tout l’amour que j’ai dans le coeur - je vide la première moitié de la bouteille de gnôle pendant que les deux messieurs se chamaillent - Marcel de temps en temps se retourne - il a l’air inquiet - il a exactement la gueule du type qui comptait pas du tout se retrouver dans cette situation - il m’aime ou quoi ? - J’arrête pas de me poser la question - mais la réponse fait des bulles dans ma tête et je les remplis de gnôle - je vais être jolie en arrivant - si Marcel est décidé à me faire l’amour dans mon lit, sûr que j’en garderai aucun souvenir - et puis ça servirait à quoi que j’en grave les minutes d’extase dans ma mémoire de poivrote ? - Ça servirait à se souvenir, après que le cirque aura mis les voiles et qu’il sera temps de verser un doigt de plus dans le verre - mais y a pas un verre assez grand pour contenir toute ma tristesse - c’est que je la connais ma tristesse - je sais exactement pourquoi je suis triste - et je sais encore plus exactement pourquoi j’ai envie que ça s’arrête - ce que je ne sais pas, c’est ce qui arrive quand ça s’arrête - je n’en sais vraiment rien - j’imagine que je retrouve un peu de ma virginité - putain ! quand je pense que je vais pourrir un jour comme les autres - c’est à cause de cette seule pensée que j’écris - qu’est-ce que j’écris exactement - pas du tout ce que je suis en train d’écrire - mon écriture c’est toujours un mot de plus que les autres - et je remplis le mot - je joue au dictionnaire - je le remplis de sens - de tous les sens qui me viennent à la tête - ça monte là-dedans et ça fait des bulles et je les remplis d’alcool - c’est ça le problème et je me fais pas aider - à quoi bon faire la manche pour un peu de compréhension - j’en ferai quoi de la compréhension - elle serait là toute conne au fond de ma main tendue et je la regarderais exactement comme je regarderais une pièce de monnaie - jouant un peu à pile ou face sans vraiment le vouloir - et finalement la foutant au fond de la poche de mon pantalon de mec - parce que moi je m’vois pas faire la manche en robe - une robe c’est un sac - rien qu’un vulgaire sac dans lequel on met les femmes - pour demander n’importe quoi qui coûte de la honte et du désespoir, faut enfiler des pantalons et une chemise qui te gratouille les deux bites - 

 

Mais je dis des conneries - enfin je les écris puisque c’est ce que tu me demandes - en attendant de vider la deuxième moitié qui suffira à me faire sortir du monde des vivants - Marcel fera ce qu’il voudra si c’est ça qu’il veut - après tout je ne suis qu’une poupée gonflable à l’essence ! - Alors en attendant je les écoute se chamailler à propos du volant - mais soudain le comte file un fameux coup de patin et le carrosse s’immobilise dans la grande ombre, la lumière des phares dans les arbres de chaque côté de la route - et Marcel qui croit avoir gagné - qui ouvre la portière et qui fait le tour de la voiture pour s’installer au volant - le comte qui s’extrait d’un coup de son carrosse et qui fait voler ses vêtements sur le capot - et nu comme un ver dans un froid à arracher la coquille des oeufs, le v’là qui grimpe sur le talus, bandant comme un gosse, et nous on essaie de comprendre ce qu’il dit - 

Marcel craint le pire - se plante au bas du talus et interroge le comte - moi je sors pas de la voiture, je me pelotonne dans le cuir chaud qui m’enveloppe de ses douceurs - je sais même pas si j’écoute - le comte a envie de chier - ou quelque chose comme ça - et puis jetant un coup d’oeil à travers la fenêtre de la portière, je vois le comte qui gesticule tout nu dans la frange de la lumière des phares, et il montre la branche perpendiculaire au-dessus de lui, gueulant quelque chose dont je ne perçois qu’un vague écho - et Marcel qui secoue la tête - qui dit non quoi ! - Qui revient vers la voiture en rouspétant et en se tapant obliquement la tempe du bout de son index outragé - il se met au volant, et le carrosse embraye et le carrosse redémarre sur la route - et je vois l’ombre blanche du comte qui se masturbe sans rien dire en nous regardant passer - je dis :

- C’est con ! - 

Mais Marcel en a vraiment marre - il veut rentrer m’enculer et dormir ! - Enfin c’est ce que j’imagine - demain on aura les emmerdements qui arrivent forcément à ceux qui piquent le carrosse d’un comte - on a le temps d’y penser et en attendant, de s’envoyer en l’air comme des gamins - je rebouche la bouteille dans cette perspective - je m’assois comme tout le monde le fait sur le siège arrière d’une voiture, croisant mes jambes et tirant le bas de ma robe vers les genoux - je respire la bouche ouverte pour m’aérer du mieux que je peux - regardant le cou solide de Marcel qui ne dit rien - tenant le volant à deux mains - bien décidé à en finir avec cette nuit qui semble n’avoir pas de fin - et qu’on va finir en gueulant de plaisir - ce qui me changera !

- Il fera chaud dans ma chambre si le chauffage ne s’est pas éteint, dis-je pour commencer une conversation parce que je n’ai pas tout compris.

- Je vous ramÈne chez vous et je reviens chercher le comte - on se reverra plus tard -

Exactement le genre de conversation dont je rêvais ! 

- Merde dis-je en oubliant le bas de ma robe sur les genoux - merde merde merde et remerde ! - C’était pas du tout comme ça que je voyais les choses ! - 

- Il faut en reparler, c’est sûr, dit Marcel très rapidement, ne respectant rien de la ponctuation qu’on doit aux dames - on en reparlera, mais je n’en peux plus. Vous allez vous coucher. Le jour va se lever. Je ramènerai le comte dans son château.

- Pourquoi lui as-tu fait ça ? dis-je.

- J’en ai marre. Je suis pressé. J’ai vraiment autre chose à faire. Il voulait qu’on l’aide à se pendre. Vous savez : la petite mort. C’est pas mon truc. Et puis on ne sait jamais.

Quel con ! Non mais quel con ! Et le soleil qui va se lever dans moins d’une heure ! - Et le comte qui déborde de génie sexuel ! - Mais vire de bord sacré moussaillon ! - Tu n’as rien compris à l’amour - mais pas question - Marcel fonce dans la nuit en direction de ma tranquille chaumière où il a l’intention de me border - je vide presque d’un coup la deuxième moitié tellement je suis hors de moi - déçue - trompée - diminuée - abandonnée - qu’est-ce que je peux faire d’autre ? - Si je ne peux pas aider le comte à se pendre comme je l’ai aidé à s’écarteler dans sa machine géniale - le comte-douleur que je me mets à aimer de mon amour de pute - moitié fric, moitié sentiment - et tout le reste balancé dans cette triste curiosité qui m’empêche de me noyer dans la mélancolie - et Marcel qui va me faire crever à cause de son stupide entêtement - et tout ça pour me border et foutre le camp aussitôt, me laissant béante et insatisfaite dans le creux du lit où j’aurais envie de crever si je n’étais pas aussi paf ! 

- Marcel mon amour ! - Allons aider le comte à jouer la petite mort - allons l’aider à imiter la mort ! - 

Mais pas question - Marcel respecte le seul feu rouge de la région - il s’est arrêté en douceur - et j’en ai profité pour me tirer - à moitié nue dans la nuit dont la température descend encore - elle descendra sur la rosée - descendra sur le feu de cheminée à peine éteint - descendra sur l’édredon - sur la pantoufle - descendra sur l’amour - une petite tâche pas encore tout à fait sèche entre les deux - je cours, je vole - 

Marcel essaie de manoeuvrer la Royce dans un demi-tour impossible - il abandonne lui aussi et se met à courir - il est à mes trousses mais j’arriverai avant lui sous l’arbre de plaisir - et on fera ce qu’il faut pour aider le comte à compter ses jours avec les bons chiffres sexuels - mais est-ce que je cours dans la bonne direction - je suis assez folle pour ne rien comprendre de ce que je suis en train de faire - je fais quoi exactement courant à moitié nue sous le zéro et sans feu - sans cette lumière je vais me perdre et finir mes jours dans le fossé - je m’arrête !...

Marcel arrive tout essoufflé - une claque ! - Une autre ! - Sa main puissante autour de mon humérus - le coude qui me fait mal à cause du souvenir de l’estrapade - ni une ni deux me v’là assise dans le carrosse à côté du volant - et Marcel réussit parfaitement son demi-tour - on revient vers le comte - sans que j’ai rien demandé - sans que ça se lise sur ma sale gueule de poivrote ! - 

Et en effet le comte est toujours là - nu et bandant - ne semblant pas souffrir du froid - il a installé la corde et il attend quelqu’un pour tirer dessus - justement on est là - enfin à ce moment-là je ne crois pas vraiment que Marcel a remis à l’heure son horloge sexuelle - je m’attends à ce qu’il assomme le comte, ce qui me fera taire, et puis il prendra le temps de nous border sous la couette - 

- Vous voulez vraiment faire ça ! dit-il au comte d’un air désolé.

- Si je le veux ! dit le comte. Et elle, est-ce qu’elle veut que je le fasse ?

- Moi je veux tout ce que vous voudrez.

- Je savais bien que vous étiez tombée amoureuse de moi ! dit le comte en m’embrassant les deux bites.

- Ça va vous faire plus cher ! dis-je sans plaisanter.

- Ça coûtera ce que ça coûtera ! dit Marcel, comme si c’était lui qui payait - 

Le comte trépigne sur ses pieds gelés - sa queue est raide comme un bout de bois et brûlante comme un tison - il s’impatiente sur ses deux pieds gelés qui d’un coup s’élèvent au-dessus du sol et cessent de s’agiter - il y a une petite vibration dans les os - les jambes sont raides - genoux tendus - et les couilles rentrées entre les cuisses - la bite secouée de violents orgasmes qui arrivent l’un après l’autre de plus en plus rapprochés - et le comte essaie de soulager le noeud autour de son cou - les deux mains crispées dans la corde qui se resserre - muscles des bras bleus et noirs - fibres de désespoir - la langue s’érecte hors de la bouche - et les yeux écarquillés semblent dire définitivement non à l’arrêt du coeur qui menace - le sperme s’écoule avec lenteur - j’ai une petite pensée émue pour les tristes mandragores.

- Ça suffit ! dit soudain Marcel - 

Le corps du comte redescend - les pieds touchent l’herbe glaciale, secoués de spasmes qui se répandent dans les jambes - le corps se couche, s’oblique - horizontal sur le côté bras pliés - coudes serrés contre les côtes - les mains seules agissent pour desserrer l’étreinte de la corde meurtrière - et puis un râle épouvantable s’extrait tout seul de ses poumons - merde ! C’est ça mourir de plaisir - et ressusciter

- Merci !

Je ne sais pas si le comte a froid, couché nu ainsi dans l’herbe froide - je ne sais pas si ce tremblement est dû au froid - il est couché sur le côté - respirant bruyamment - la bite s’écoulant encore - les orteils dressés écartés convulsifs - 

Marcel est en train de lui dire quelque chose qu’il n’entend pas plus que moi - moi je bande - je montre mes deux bites pour qu’on les morde violemment - pour qu’on y plante des couteaux - pour qu’on me pende par là - tête renversée poitrine vers le ciel - deux cordes me soulevant de terre vers la haute branche qui suinte avec moi - deux cordes m’arrachant mes deux bites en attendant qu’on découpe les restes de mon corps en mille morceaux sexuels dont personne ne veut - dans mon regard mêlé de larmes - parce que je suis en train de pleurer, j’ai craqué, je n’en peux plus - dans mon regard mouillé je cherche à rencontrer au moins la mandragore qui rendra ce spectacle moins triste - mais les légendes ont le coeur tenace - et on a vu personne en troubler le tranquille secret - tandis que l’idée de me suspendre au ciel par mes deux bites est une folie dont je me crois pas capable - le comte revient à lui.

- Est-ce que je vous entends pleurer ? dit-il d’une voix calme, comme s’il ne restait rien de sa souffrance qui avait été d’abord vocale, non ?

- Ce que je peux avoir envie de pleurer ! dis-je doucement, pinçant le bout d’une de mes deux bites pour me faire mal, comme si cette infime douleur pouvait égaler la hauteur de mon rêve - mais est-ce que c’est rêve ou besoin qu’il faut dire ?

- Ce qu’il faut dire, ça doit pouvoir se trouver dans le dictionnaire, dit le comte en se relevant - sa longue bite bleue pend entre ses cuisses.

- Ça, c’est mon rêve d’écrivain : un dictionnaire du sens à donner aux choses - mais je ne suis pas capable de me faire mal. Ça doit manquer dans l’expression de certaines choses qui demeurent étrangères à l’univers de mes choses et de mes êtres.

- On peut y réfléchir ensemble, dit le comte en se pelotonnant contre moi sur le siège arrière du carrosse - le cuir-douceur nous envahissant pénétrant dans le cul qu’on se chatouille du doigt - et ne me dites pas combien ça va coûter : je m’en fiche. Est-ce que vous avez un balcon chez vous ? Je vous le demande sérieusement.

- Un très vieux, dis-je, jouant de l’anus autour de son index cueilleur de petites fleurs des champs. Vaut mieux pas... Aaah !

- Vaut mieux pas... Continuez...

- ... l’utiliser... marcher dessus quoi... Il est vraiment très vieux.

- Mais convenant parfaitement à l’usage que je vais en faire sitôt arrivé -

Au volant, Marcel sursaute et le carrosse fait une dangereuse embardée :

- Parce que ça continue, dit-il en retrouvant son calme.

- Ça ne s’arrête jamais, dit le comte

- Quel programme !

 

 

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