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A une joie mêlée
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 Article publié le 15 novembre 2014.

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Un champ de coquelicots ondule sous le pinceau de Manet, beauté éphémère promise au désastre que la peinture sauve de l’oubli pour quelque temps, celui-là même quiscellejour après jour le destin muet de tant et tant de vies sacrifiées et que rien ni personne ne retient au bord du gouffre sans fond de leur mort.

*

Et si tout - le tout d’une vie et jusqu’à la vie du tout - se résumait à quelques lignes ?

Un entrefilet dans la rubrique nécrologique, diverses lignes de fuite sur un plan esquissé à la hâte ou mûrement réfléchi, un schéma en cours d’élaboration qui, donnant sur le connu, ouvre sur l’inconnu, retient prisonnière la main qui s’en sert, le hante, le sert, déjouant ainsi causes et effets, actions et réactions, décisions et conséquences, en somme un ensemble expressif composé de lignes en expansion un peu folles ou très sages, droites fièrement catallèles, nonchalamment parallèles, furieusement diagonales ou bien alors courbes gracieuses et si délicates, jusqu’au vertige.

Ni pur labyrinthe échappant à son créateur ni jeu de mah-jong qu’une main habile viendra défaire dans la patience des jours ni entrelacs de courbes lascives ni pure efflorescence du vivant : une vie à l’œuvre dans le temps et l’espace de ses peines et de ses joies, pur bonheur des yeux ou franche horreur, médiocre dessin ou tableau de génie.

Sortes de couches astrales déposées par les ans, œuvre du temps l’espace d’une vie au sein de laquelle décisions et aléas sont peu à peu venus se loger, s’abriter, y périr d’ennui ou s’exalter en la personne de qui les porta au jour, et jusqu’à ses ultimes soubresauts et rebondissements qui ne relèvent plus de qui les vécut dans le temps long de ses brusques décisions comme de ses hésitations mortelles, et les sentit, les respira à pleins poumons dans l’air raréfié de ses menus choix, l’air frais de ses grands desseins, toutes fenêtres ouvertes sur un amour si grand qu’il passe tout ce que l’œuvre d’une vie se plut à en dire.

Piété toute mondaine qui récuse tout dessein céleste.

Lignes de la main, linéaments fougueux dans les bois ligneux, courbes descendantes, droites ascendantes, regard empreint de douceur pour tout ce qui croît.

Aire d’un jeu qui échappe, lieu où gambader enfant, y faire le fou, délirer, méditer, chanter à tue-tête, s’apitoyer, s’étonner, s’énerver, déserter pour quelques heures les contraintes de la vie en société, s’affronter aux grands absents, sentir monter en soi la force encore coercible de projets à peine esquissés, sortes de murmures du destin fourbu qui ne tournera que plus tard, bien plus tard en destinée d’écriture moquée ou admirée, méprisée ou louangée.

Afin que nul n’ignore.

 

Jean-Michel Guyot

12 novembre 2014

 

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