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 Article publié le 13 décembre 2014.

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Dix ans déjà, et plus de mots qu’il n’en faut pour le dire.

Quelques traces, quelques éclats antérieurs, vite mis de côté, et puis, en décembre d’une année sombre une volonté affirmée de garder la tête hors de l’eau.

Un deuil fécond en rachat. Ecrire pour réparer le temps perdu. Mettre en parenthèse une vie médiocre, pauvre en émotions, vide de découvertes, lasse et déclinante, avant, chance, d’en finir avec elle en rebondissant sur un socle antérieur au malheur.

Nécessité de barrer l’angoisse en lui opposant un rayon de lune, un matin calme, le frisson du vent dans les branches des aulnes, et tant de choses qui seront nommés au hasard des impressions rencontrées, des sentiments jamais.

Impressions chaudes, fraîcheur de sensations vivifiantes, et au cœur de cela qui bat la mesure un silence d’obscure provenance comme une mort annoncée longtemps occultée, un horizon que n’entrave pas la lisière d’une forêt aimée, et des chemins de campagne, beaucoup de chemins, de halage aussi, des prés et des champs, des bois et des villages.

Clochers à l’impériale hérité d’un passé espagnol, patois franco-provençal en son extrême pointe et tournures d’esprit un brin frondeuse venue d’un passé de lutte.

Les rivières sont nombreuses ici. Saône et Doubs sont navigables. Quant aux autres, elles fournissent eau courante et eau d’arrosage à qui en a besoin dans cette campagne verdoyante.

Pas plus qu’ailleurs la sagesse n’essaime ici. Elle se fait rare. Temps morose, râleries en tous genres, avenir incertain.

Dans ce contexte, d’abord loin, dans une sorte d’exil français, des mots, beaucoup de mots trop longtemps contenus. Des récits, des figures féminines, des figures de désir pour dire le manque de tendresse, y suppléer, et le désir d’un avenir meilleur.

Puis le retour enfin, le retour au pays.

Parole libérée, renouveau de l’inspiration, comme si elle avait dû en passer d’abord par le lointain d’un certain exil pour mieux comprendre tout l’enjeu qui se dessinait dans ses proses.

L’épreuve de l’étranger pour mieux retrouver le pays natal.

Du récit au poème, il n’y a qu’un écart salutaire qui permet à la pensée vagabonde de prendre son envol.

Ainsi fut fait, lentement d’abord, puis de manière accélérée.

Ce raccourci qu’est le poème, ce condensé d’expression qui ne lésine pas sur les bonds et les rebonds s’impose désormais pour dire la mutation d’une conviction qui ne cherche plus dans quiconque la matière de ses manières, mais fait du pays ici, maintenant l’assise des hommes et des dieux.

Anté-chrétien plutôt que foncièrement anti-chrétien, même si une hostilité foncière persiste.

Impossible de revenir en arrière, impossible d’effacer presque deux mille ans de joug, mais la possibilité de plonger dans un environnement façonné par les hommes, et ainsi d’y sentir en soi les traces d’un effacement brutal de manières de vivre et l’absence de croyances désormais détruites.

On dira que c’est comme ça, on ne réécrit pas l’histoire, ce qui est faux, l’histoire ne vivant que d’être réécrite à mesure que les sources s’enrichissent, à mesure aussi qu’on varie les points de vue, qu’on affine les approches, qu’on complexifie les méthodes.

L’heure est aux bavardages sur l’identité, à la crispation identitaire. Sujet délicat, foncièrement répugnant dans son traitement extrême-droitier.

Des marques et des traces, des écrits et des lois, des registres de baptême et des actes de mariage et de décès forment un ensemble feuilleté où chacun puisera généreusement pour faire tourner son moulin à paroles à plein régime, histoire de recouvrir d’autres paroles, d’autres histoires.

Issu que je suis d’une terre de rencontres, je ne puis ressentir l’histoire de France et de ce bout de terre franche que comme le produits de diverses rencontres où de nombreux peuples s’installèrent, firent halte ou furent de passage.

Ce que j’écris est bien à l’image de ce dessin-destin millénaire où la cartographie fut mainte fois redessinée.

Je tends spontanément à effacer les frontières entre les genres.

Tel poème prendra des allures narratives, inclura aussi bien des sentences aux relents hölderliniens, mais toujours on y sentira la tension d’une recherche jamais close sur elle-même et une nette inclination, jamais démentie,à réconcilier les contraires plus qu’à les concilier,et ce pour les rendre à leur maximum de dynamisme dans une maelstrom logique non-agonistique, sorte de pirouette où la pensée marche sur les mains et qui ramène invariablement à la chance que c’est de vivre ici et maintenant, et non là-bas ou là-bas, le pourquoi pas de l’ailleurs étant accueilli, fêté et chanté joyeusement dans un lent périplevers autrui qui porte à l’existence le poème en son entier, silence compris.

Fermer le ban est impossible.

Les bannières doivent flotter au vent au-delà de leurs couleurs d’origine, ne pas s’en tenir aux symboles qui les parent. Et le vent tourne.

Ni forclusion ni conclusion hâtive, voilà la démarche en son fond : ne jamais renoncer à l’exercice de son droit d’écrire en toute liberté et ne jamais enfermer l’écriture qui dépasse tout ce qu’elle peut produiredans une bulle idéologique si facile à crever par ailleurs.

Ne jamais faire de quoi ou de qui que ce soit un absolu coupé du monde.

Accepter l’altérité, sans pour autant se coucher devant elle par peur ou parce qu’on la révère. Ne pas la réduire au Même, à la norme, au soleil unique d’une pensée magnétique, ne pas non plus l’idéaliser, la déclarer aimable parce qu’elle est autre, mais la prendre en considération dans un esprit de pondération des points de vue exprimés, quitte à la rejeter finalement pour ce qu’elle a de dangereux, d’inacceptable, en un mot de barbare.

 

 

Jean-Michel Guyot

6 décembre 2014

 

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