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 Article publié le 10 mai 2015.

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Nina fit son apparition. L’ai-je décrite ? Longue et noire (car son papa a beaucoup voyagé avec mon papa et on dit même qu’il a fini par se perdre en cours de route, en un point difficile à situer sur la mappemonde dont Nina et moi faisions usage en ces temps reculés), elle s’habille de noir, jusqu’aux ongles qui explorent les yeux, ceux qui se posent sur elle pour en rêver. Nous étions (Paterson, Elsie, Gilette, la maman de Nina et moi-même) déjà installés sous la vigne vierge d’une tonnelle, manipulant sans le savoir les couverts posés en vue de nos agapes. « Elle n’arrivera pas seule, vous verrez, » avait prévu la maman de Nina. Elle se trompait. Par contre, le béret crasseux du sdf fut repéré par les regards en coin de Paterson. Il me montra la haie de troènes d’un coup de menton. Le sdf était parfaitement joyeux et ne le cachait pas. Il avait peut-être l’intention de nous amuser. Paterson déplia une chaise et la plaça sous les fesses de Nina qui cambra son dos merveilleusement nu. On apporta le vin apéritif et quelques amuse-gueule. Voilà.

 

(guitare)

 

qui n’aime pas que l’après-midi s’enchaîne au matin

par cette torsion des cheveux du soleil au-dessus

de la mer remontant le cours de ses fleuves ?

 

me direz-vous ce que la lumière inspire à vos yeux,

vous qui ne voyez que ce que vous voulez voir

et pour qui une plage est une plage de soleil ou rien ?

 

j’avais la digne intention de vous parler de mon passé,

en tous cas de celui à qui je dois d’être ce que je suis,

mais je vois que vous regardez ailleurs et je m’en plains !

 

nous parlerons de vous si vous existez encore pour moi,

ce dont je me permets de douter sans toutefois, ô belle

étrangère, vous le reprocher à une heure aussi facile.

 

à qui appartient cette ombre dans vos yeux et qui

l’éclaire quand je la poursuis du feu que vous inspirez

à ce qui reste des noblesses qui saignent sur ma langue ?

 

je vois que le moment est mal choisi pour vous aimer

et que demain n’est pas le lendemain de la nuit, comme

il est naturel à l’homme de s’en déclarer le héros.

 

qui habite vos rêves à ce point qu’il les donne à voir,

ô belle passagère ? et qui suis-je si je ne suis rien pour vous

et si l’après midi est le moment que vous choisissez

pour être seule ?

 

« La chanson est triste mais le gars est joyeux ! » fit Paterson. Ses yeux brillaient comme s’il allait pleurer et il laissa couler cette larme. Puis le vin brouilla les pistes et Elsie s’endormit.

 

depuis quand t’endors-tu avec moi

enfant qui n’est plus un enfant

du point de vue de la femme

que je suis devenue ?

 

tes rêves ne sont pas mes rêves

mais on voit bien que tu rêves

quand je rêve avec toi

 

l’ombre favorise la pensée

et la lumière dit tout

 

depuis quand ne te réveilles-tu pas

quand le rêve m’a réveillée

du même sommeil que toi,

compagnon de l’après-midi ?

 

ma griffe te griffe

mes seins nourrissent ta voix

si je t’enjambe c’est pour te fuir

et si je mens

personne ne te le dira

 

reviens demain

à la même heure

j’aurai changé un détail

et tu ne dormiras plus

pour dormir avec moi

 

Voilà.

 

« Ça c’est des vacances !

— Et aux frais de la princesse ! »

 

Je vis Gilette arracher la pointe d’un baiser à Elsie, mais Paterson ne me demanda pas d’explications.

 

Je vis Nina lever les bras au ciel pour donner à admirer son décolleté.

 

Je vis le sdf accorder sa guitare.

 

Je vis la maman de Nina endormie dans un fauteuil de rotin.

 

Je vis la perspective d’une ville qui n’était pas la mienne.

 

Je vis à quel point la mer exerce son influence sur la peur.

 

Je vis des témoins en fuite lente sur la piste tracée par le doute.

 

Je vis qu’on me regardait.

 

On me faisait même signe.

 

Le drame a besoin de ces signes.

 

Sans les signes, le drame est un drame.

 

Or, nous ne sommes pas venus pour ça.

 

[nous savons de source sûre que la police enquête sur les lieux nous pouvons même vous informer que trois policiers sont sur le coup la femme de l’un d’entre eux est même de la partie or il se trouve que ce policier et sa femme sont les voisins de la victime on se demande comment les services de la police autorisent ce genre de situation qui si elle n’est pas douteuse est pour le moins gênante pour qui a un peu le sens de la mesure mais il semble que la mesure n’est pas la norme préférée en ce moment il faut dire que le mystère n’est pas si épais que ça puisque l’assassin présumé est déjà recherché pour un autre meurtre et que pour l’instant il est introuvable l’inspecteur paterson pourra sans doute nous expliquer ce qui lui a inspiré ce séjour prolongé dans une ville balnéaire dont il n’est pas indélicat de dire qu’elle est hors de prix pour le commun des mortels commun des mortels commun des mortels commun des mortels commun des mortels commun des mortels commun des mortels commun des mortels commun des mortels…]

 

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