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Article publié le 19 juillet 2015. oOo Déferrée d’un œil un brin phtisique Deux belles gambettes de seize ans Du punch la bosse de la musique La troupe ne vivait qu’au présent
Nous étions de tous les tintamarres Nous rappliquions avec nos javas Pendant qu’il n’était pas encor marre Nous décanillions sous les vivats
Quand tintait la messe du dimanche Nous étions quatre pour un chapeau Une égérie tortillait des hanches Et nous nous accordions nos pipeaux
A votre bon coeur passants passantes Gratis est raide et enseveli Nous avons une bonne descente Et nos habits ne sont pas remplis
Je nous vois reprendre des bastilles Les rues flonflonnent sous les lampions Tout un 14-Juillet frétille Frissonne de la nuque au croupion
La fête est sur les quais de la Seine Sur les ponts dans les rues sur les toits Nous attendons que minuit assène Ses grands coups et nous laisse pantois
Avant de perdre la tramontane Tout comme mes potes le gobin Le caliborgnon et la satane J’ai vendu ma carne aux carabins
Mon rêve me pousse sur les planches Des vauxhalls des bousins des beuglants Qui se saignent dans une nuit blanche Pour alpaguer les mornes chalands
J’ai de la rengaine à manivelle Qui ne tourne pas autour du pot Qui vous tourneboule la cervelle Et vous crève le cœur et la peau
Quand mon orgue n’a plus rien à moudre Que je lambine les bras ballants Je suis toujours prêt à en découdre Avec les plan plan les rantanplan
Buveur de Chianti mangeur de pâtes Plus près du cercueil que du berceau Le vioque a peut-être de la patte Mais les blancs-becs comptent ses morceaux
Tu oses faire le virtuose Triste agaceur de dents et de nerfs Faux teston à perruque tu ose- rais prétintailler un devin air
Que répondre à tous ces musicâtres A ces rimeurs en prose à la noix Savent-ils que je joue comme quatre Que je ne hante plus les tournois
En semaine je pisse des notes Dans un casingue de mon quartier Où les anciens sifflent la linotte Et se remettent sur le métier
Où des amoureux de contrebande Se promettent de foutre le camp Où se gondole une épique bande Ceux-là ne manquent pas de piquant
Quand mes doigts mes maigres doigts m’élancent J’oublie les trilles les trémolos J’ai des na-na-na et des silences De quoi retenir le populo
Et quand je n’aurai plus rien à battre Xylophone timbales tambour Je ne me laisserai pas abattre Par les canonnades des faubourgs
Mon rêve trame une barcarolle Dans cette Venise de Musset Où je me peauce en porte-parole En camelot en vide-gousset
J’ai de la romance à deux liards l’heure Pour les frangines pour les frangins Ces vieux oiseaux de poing et de leurre Qui n’ont plus une once de gingin
Ma musiquette n’est pas manchote On dirait qu’elle a trente-six mains Ce n’est pas pour déplaire aux chochottes Qui remettent tout au lendemain
J’ai de la ritournelle à bretelles Qui donne à la longue le tournis C’est tout un baloche qui pantelle Qui dénoue cravates et vernis
Je l’ai mise au clou ma clarinette Je ne l’embouchais ces derniers temps Que pour des clopes des clopinettes Dans un orphéon ventripotent
Que ma grosse caisse à gueule bée Se souvienne de ses pas devant Et mon trombone des macchabées Dans la farandole des vivants
Quand je pique de la tarentelle Une angesse me saute au collet Que d’envolées de fines dentelles Mon clébard mordille ses mollets
J’ai des scies qui vont de guerre en guerre Des scies qui se passent des saisons Des scies d’hier des scies de naguère Des scies qui n’entendent plus raison
J’ai des sérénades dans mes cordes Mais les volets restent cois et clos A quoi bon crier miséricorde Après tout que chacun ait son lot
En père Noël je me camoufle Je dévide interminablement Une cantilène avec des moufles Sans un trait un vers de sentiment
J’ai de la guimauve à la demande Pour les passades du mois de mai J’ai des joies des peines sur commande Des adieux vous dis pour tout jamais
Mon rêve étale ma camelote Est-ce le fameux pont d’Avignon On s’y trémousse à la matelote Au vin rouge et aux petits oignons
Je vois bras dessus bras dessous Laure Et Pétrarque Je suis en été Sous un noir cyprès les Moires laurent Un fils de meunier Gaston Couté
Je fourre ma fidèle trompette Dans de sombres histoires de jazz Comme un novice un bleu un arpète Je me mélange les pataugas
Gars chaque époque a ses amusettes Ses goûts ses couleurs et ses frissons De notre temps c’était le musette Une table longue et des chansons
On chasse les bonnets qui grelottent Ma rue même a des angles obtus Il n’est plus question que j’y sanglote Ma complainte et ses turlututu
Mon rêve entre dans un métronome J’y perds ma plume et mon médiator Qu’importe comment on me surnomme Pourvu que je garde tous mes torts
Je me piète sur des plates-bandes J’y tourne autour du même pivot Des ombres dansent la sarabande Six empans au-dessus des pavots
Mal à l’aise dans mes grasses fringues L’estome et la rate au court-bouillon Je la ramène encore au bastringue Quitte à y être comme un couillon
Je vais les poings faits in the poquette Sans ce Walkman de traîne-blue-jeans Qui me déchirait les étiquettes Entre deux régalades de gin
Je ne suis pas au pain dur aux nouilles Aux arlequins ni aux rogatons Ni à la tisane de grenouilles Ni au vert aux vers de mirliton
Je ne suis pas à l’aigue bénite Encor moins aux sermons aux serments Ni à vos crucifix d’ébonite Et je refuse les sacrements
Où sont les débris de mes calames De mes avirons de mon falot De l’archet des cordes et de l’âme De mon crémone de caboulot
De ma marinette de mon lingre De mes deux dés de mes dominos D’une mienne églantine malingre Et de mon patraque organino
Plus rien ne contente mes esgourdes Ni la vielle ni le dulcimer Je prends mon houx mon sac et ma gourde Et je retourne aux bruits de la mer
J’en pince pour une mandoline Pour un bilieux moulin à café Pour le vieux le cucul-la-praline Le cru le recuit le réchauffé
De la garçonnière à la cocotte De la pimbêche à la virago De la cagole à la rococotte De la pie-grièche à la margot
De la môme mûre à faire envie A la donzelle ayant passé fleur Je ne l’aurai pas bâillée ma vie De croque-sol et de persifleur
Je dois à peine à la muse verte Pas mal au pétun aux rouges bords Aux incursions de découvertes Tout à ce qui me naufrage au port
Encore un peu je n’aurai plus l’âge De traînailler le cœur en sautoir Je pense aux naturels du village A la saltarelle des battoirs
Il m’en aura fallu des cépages Des olivettes des terrains bleus Des chars d’édelweiss entre mes pages Des lunes et des soleils mielleux
Des cahiers des tomes des volumes Pour mettre mon palpitant à nu Des jarrons d’encre des sacs de plumes Pour me raconter par le menu
Partirai-je un de ces quatre automnes Je ne vous le ferai pas savoir Sans avoir bu le jus de ma tonne Au plaisir de ne plus vous revoir
Mais croyez-vous qu’à tout prix je tienne A vous écarter de mon départ A vous priver d’une triste antienne D’un recueillement sur les remparts
Je rêve sous des soubassophones Sans le sou seul soûl abasourdi Je ne croise que des Perséphone Et des emballeurs de refroidis
Robert VITTON, 2015
Vauxhall ( vô-ksal) : lieu où sont donnés des bals, des concerts. Le salon du sieur Devaux à Londres est à l’origine de ce mot. Casingue : bar où la musique est forte. Adieu vous dis : locution familière qui signifie simplement adieu. Marinette : ancien nom de la boussole. Eglantine : fleur d’églantier en or décernée aux poètes lors des jeux floraux de Toulouse. Houx : canne de houx. Incursion : prononcer in-kur-si-on. |
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