De quelle race je suis ? La peau, bon…
ça tend vers le blanc rosé. Mais les traits… ?
Un peu moins blanc,
j’aurais quelque chose de l’Arabe.
Et donc du Juif.
J’ai pas grand-chose à voir avec le Viking.
Côté culture, j’ai la télé.
Et une nationalité héritée de mon grand-père.
Je parle français.
Je suis pas doué pour les langues.
Par contre, j’ai une belle queue.
De celles qui ont fait rêver Louis-Ferdinand Céline.
Une queue élévée au soleil
et bien trempée dans la mer.
Ajoutée à ma tignasse vaguement frisée,
je suis dans de beaux draps.
Indésirable encore pour certains.
Mais pas autant que l’émigré
que je domine d’une bonne tête.
Race adaptée aux exigences
de la blancheur et du Christ en croix.
Je fais de mon mieux
pour pas avoir l’air d’une poufiasse
chaque fois que je salue le drapeau
ou que je m’incline
devant les hochets de la République.
C’est bon pour mes critères
d’appartenance à la race française.
Pétain, de Gaulle, même combat.
Je vote pour.
Avec des nuances,
des fois qu’on me prendrait pour ce que je suis.
Ou alors je vote pas.
Et même je rouspète.
Et on m’enlève des points
au permis d’exister où je vis.
À la fin, je conduirai une trottinette.
Il paraît qu’une fois réduit en cendres,
on est tous pareils.
Sauf que les uns sont venus
par leurs propres moyens
et que les autres ont cotisé
pour avoir une voiture avec chauffeur.
Je me vois déjà activant ma trottinette
sur le pavé de la dernière rue
qui est un cul de sac.
Ça fait deux files :
les indépendants et les assistés.
On sait même plus
où sont les Blancs,
où sont les Noirs.
Le pire, c’est qu’on reconnaît plus les Juifs !
Et à l’âge que j’aurais,
on s’étonnera pas de mon impuissance
à lever la queue pour me distinguer.
On m’incendiera avec,
alors que les médaillés de l’honneur
se font enfermer avec leurs breloques.
Ça fait deux races, si je compte bien.
Pas une de plus.