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Choix de poèmes (Patrick Cintas)
Ode au vin

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 Article publié le 15 novembre 2015.

oOo


Le vin
n’a pas raison
mais il n’a pas tort non plus
Pas de verre
pour le boire
juste le soleil
et l’attente
sous un chêne
où la pierre
est le seuil
de moi-même
Pierre creusée
par dix générations
de bergers
Leurs fesses
ont modelé l’idéal
de la position assise
face à la distance
qui nous sépare
de la civilisation
Le vin attend lui aussi
le moment vient toujours
la nuit encercle le jour
qui ne meurt pas
sinon il renaîtrait
et nous aurions le temps
de tout recommencer
au lieu de remplacer l’attente
par le jeu
Le vin a ses raisons
Il n’explique rien
Ne donne rien
Ne remplace pas
ce qui manque
ce qui finit
dans l’oubli
La terre du vin est un chef-d’oeuvre
des lieux consacrés
à l’attente
La vigne se répand
sur les mottes dures
et nous traversons l’invisible
sans trouver les mots
pour le dire
La terre
en pentes
douces
les ravinements
des pluies
l’herbe folle
et les chemins
calculés
dans la trajectoire
des pierres
qui descendent
des parois
de marbre
et de calcaire
Le vin revenait
au premier jour
à la première fermentation
à l’alchimie
de l’instant
que personne
n’a encore exprimé
Le vin et la terre
se croisaient
comme des oiseaux
dans le ciel
et je cherchais le sommeil
comme s’il n’existait pas
comme si je devais
l’inventer
Nous écrivons
sur les arbres
à la pointe du couteau
comme le couteau témoigne
des moments de désespoir
dans la chair des femmes
ou de l’homme
qui n’a pas attendu son heure
Le vin des garrots
a donné sa place de vainqueur
au vin des perpétuités
relatives
Ce n’est pas plus mal
On se sent moins haï
On tue plus facilement
que la maladie
Vin des enfants
nés du plaisir
si ce n’est pas mentir
de le croire
Une femme s’interpose
belle comme l’avoine des talus
ou mauvaise comme l’eau des agaves
une femme arrive à point nommé
pour achever
l’oeuvre du vin
lui donner un sens
une raison
de plus
Le vin n’a pas raison
à la place de la femme
que le hasard a mis sur votre route
mais si ce n’est pas le hasard
et que la femme s’en est allée
sans vous
parce que vous ne partiez pas
aussi facilement
alors l’attente
est pire
que la rotation infâme
de l’étau
pire qu’un lit
refait chaque jour
par habitude
de l’ordre
Le vin sortait de ma bouche
comme les mots
de tes mains
sur ma chair
endormie
créature de ma facilité
à recréer les circonstances
prévues
par la communauté
créature née du croisement
de la transparence
et de l’invisible
plans sécants
des cassures
peut-être plis
de mes draps
Le vin
et la terre
La terre
et nos errances
Nos errances
et l’attente
de ceux qui voyagent
au lieu de tenir leurs promesses
Nos fenêtres sans carreaux
Nos chambres sans fenêtres
Les dalles de nos toitures
Le rayon oblique du matin
que répercute un miroir
placé avec justesse
Viendra l’automne
et sa coulée de marbre blanc
qui fit couler l’encre
des journaux locaux
L’hiver à point nommé
cristallisera infiniment
les surfaces
Puis le printemps
et ses calculs
de rentabilité
Au vin
il ne reste guère
que l’été
et encore
à condition
de le boire
et d’en attendre
ce qui lui revient
de droit
d’aînesse :
le rêve
et ses petits animaux
de peinture
et de murs
langage du désert
et langue de l’appui
au sol
Voici le vin
chanté par l’homme
qui le connaît
Vin des matins et des soirs
Fil d’Ariane des récits
Mémoire de nos chemins
et des ruelles
aux seuils inspirés
par les caprices de la roche
Mémoire et oubli partiel
des meilleurs moments
de cette croissance de l’homme
à la fois en marge et au coeur
de la civilisation
Vin des rideaux tirés
et des chaises des seuils
Vin de la sagacité
et du désespoir
Vin de l’entente
et des voyages
Les chats traversent l’air
comme des chauves-souris
et le chien
s’endort
sur la murette
désertée
Plus d’hommes pour jacasser
plus de femmes pour occuper les fenêtres
plus d’enfants pour la rapidité des seuils
et plus de vieux pour la patience des murs
Voilà où nous en sommes
ce que nous quittons
ce que rien ne remplacera
Il n’y a pas de vin sans raison
mais le vin n’a pas raison
et pour ce que je viens d’évoquer
on ne peut pas dire non plus
qu’il a tort
D’ailleurs
est-ce bien un personnage
si nous en sommes les buveurs ?
La poésie aurait-elle un corps
si nous nous en nourrissions ?


Extrait de Aliène du temps.
Lecture du texte intégral [ICI]

 

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