La création et le quotidien peuvent légitimement s’opposer.
Considérant l’immensité du logos qui irrigue les différents canaux médiatiques, ainsi que les interactions individuelles, considérant, par ailleurs, l’attente comme sans fin de ce que l’on appelle un événement, considérant, également, l’absence de remise en question de l’enchaînement des causes et des circonstances - ou le respect divinatoire du " ce qui va de soi " - , force est de remarquer que le réel et sa problématique sont pour le moins évacués.
Cela ne veut pas dire, bien entendu, qu’il ne se produit rien. Ou peu de choses.
En revanche, cela signifie que l’aspérité du réel, la puissance de sa problématique, son acuité permanente ne sont pas considérées, à de rares exceptions près.
Dans un mouvement inverse, le texte littéraire contient cette problématique. La fiction reprend et absorbe l’état du monde afin de s’ériger en oeuvre d’art, agissant comme un scanner dont la vocation est de propager du sens.
Le temps subjectif de l’auteur affronte la statique de la matière extérieure, de ce qui est là, avant lui, de ce qui est matériel.
L’histoire de son pays, les moeurs, les liens affectifs, la folie humaine, les fantasmes, le rapport à la nature ... le " moi " , les personnages, la structure narrative ... les différents niveaux de registre, l’essence du style ... quelques éléments parmi les plus essentiels qui habitent le texte fictionnel, et que le lecteur peut librement s’approprier.
Ainsi, tout est dans le texte. Dans la fiction. Dans cette entité démiurgique.
La question du réel est bien au centre de la littérature.