C’est que je suis un peu chez moi dans mes écrits, sans y loger pour autant, cela va de soi.

Le propriétaire des lieux, c’est moi en moi, c’est un fait, mais tout le monde peut entrer.

Attention tout de même, je n’ouvre pas les portes de ma maison de papier à n’importe qui pour autant. Entre qui manifeste le désir d’entrer sans sésame, ouvre-toi, et sans gêne ni fausse pudeur.

Maison de papier ou bien encore signes sur signes à lire sur un écran, ma demeure est multiple. La trouver est assez aisé pour qui s’en donne la peine.

Certains visiteurs, ceci dit, sont déconcertés, quand, après maintes recherches, ils doivent se rendre à l’évidence que je ne suis présent dans aucune pièce de la maison.

Je reste introuvable.

Forte impression que je confirme, et qui me concerne au premier chef. Vous pouvez visiter la demeure de la cave au grenier, fouiller tous les coins et recoins, je ne suis nulle part, étant un peu partout à la manière du dieu Osiris dépecé.

S’il se présente un lecteur ou mieux une lectrice aussi puissante qu’Isis le fut pour Osiris, peut-être sera-t-elle en mesure de sentir comme un flottement de présence, je n’ose dire une âme, dans ma demeure inachevée qui n’a rien d’un temple ou d’un tombeau, je vous rassure.

J’allais oublier un détail : inachevée, inachevable, la maison dans la maison ne cesse de croître à la façon d’un rhizome, c’est pour ainsi dire une plante souterraine qui sait aussi se montrer avenante avec sa floraison abondante et ses larges feuilles pennées.

Ce pourrait être aussi bien une serre tempérée en expansion continue mais recluse en quelque lieu secret aisé à découvrir. Ni puzzle ni patchwork, ni de bric ou de broc, ni un nid ni un gîte, mais un peu tout cela voire moins encore, c’est vous qui décidez en visitant.

Me rendre visite personnellement est chose impossible, il faut l’admettre.

Impossible donc de me dénicher chez moi.

Je n’irai pas jusqu’à prétendre fallacieusement que le « moi » est une fiction, j’entrerais alors en contradiction avec moi-même, une performance qui n’est vraiment pas mon style.

Pour me déloger, il faudrait tout bonnement me réduire au silence, et c’est tout autre chose. Une chose à ne surtout pas prendre à la légère.

Jean-Michel Guyot

26 juin 2018