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Histoire de Jéhan Babelin 40
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 Article publié le 14 octobre 2018.

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Dedans, je suis fou.
Dehors, je ne suis pas riche.
J’ai des voisins, un chien, des jeux
Que le gazon enfouit lentement,
Saison après saison,
Inexorable gazon
Fatal comme le gazouillis
Des feuilles qui s’y cachent.
Par la fenêtre je vois ça.
Un seul œil me regarde
Et je redeviens tombe.
Pourquoi, pourquoi, ô mon père,
N’ai-je rien perdu de l’héritage ?
Je suis Jéhan le petit,
Le nain en toutes formes,
Figure du rétrécissement,
Babelin le muet, langue morte
Au seuil des bouches d’antan.
Ça se complique dans les plis.
L’ombre se décolore,
En blanc, en noir, c’est selon.
Et je ne suis toujours pas dehors !

Le chien gratta à la porte
Dès le lendemain de mon retour
A la réalité civile.
Le même chien qui ne mord pas
Et qui aboie devant la porte
Après avoir gratté.
Il ne possède pas la clé.
Il entrera si je le veux.
Chien d’homme ou chienne,
Je ne désire que son anus.
Cette érection est un signal.
On voit de loin que je suis fou.
Sous moi le trésor rutile.
On parle de mes épousailles,
De mes enfants, de mes noëls,
De mes lointaines villégiatures
Et même d’une amante
A l’accent étranger.
On invente mon roman.
Si l’auteur devient écrivain
Et même poète à ses heures,
Alors je sors, mais c’est un rêve
Et mes voisins reviennent devant
Le portail qui me sépare d’eux.
J’écris, j’écris, et je m’invente
Des lieux, des temps, des personnages,
Voyant toute la cochonnerie
De l’écriture s’épancher
Comme le rêve d’un suicidaire.

« Se tuera-t-il avec ce feu ?
Brûlera-t-il comme en Enfer ?
Reviendra-t-il sans nom, sans nous
Pour alimenter la nation
D’une autre fable si nouvelle
Que les enfants de nos écoles
Apprennent par cœur et en chœur ?
Nous irons au bois pour crier
Avec les loups de nos chemins.
Nous mangerons l’homme et sa femme
Pour alimenter nos enfants.
Se tuera-t-il dans la chaleur
Insoutenable du récit ?
Que restera-t-il à la fin
De cette incroyable aventure ? »

Et comme ils polissaient ce chant
Devant le portail dans la rue,
Le chien s’est mis à aboyer
Et voilà qu’une fois de plus
Ils ont aimé ce chant volé.
Car voici c’est toujours le chien
Qui emporte vents et marées
Où mon esprit, toute ma chair
Ont connu d’autres aventures.
Je n’y peux rien, je suis le fou.
Je ne suis riche que dedans.
Je ne sors pas et je m’ennuie.

Et une fois de plus le chien
A ouvert le portail de ma maison,
Non pas pour les laisser entrer,
Mais pour sortir dans la rue
Et se laisser caresser le dos,
La tête, les pattes, l’anus.

« Tu ne partiras plus, Jéhan !
Tu es la source de mon bonheur.
Je ne te quitterai pas non plus.
Il en sera ainsi jusqu’à
Ce que la mort nous sépare, »
Dit le chien qu’ils entendaient
Parce qu’il était parmi eux
Et que j’étais seul et fou,
Peut-être aveugle, sourd et vieux
A l’intérieur de la maison.

 

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