(dit-il)
Les yeux ensemble dans la meurtrière : le champ
Avec ses barques aux avirons coupés de soleil : le bois
Apprivoise des oiseaux / nous sommes en vacances
Depuis le début de l’été : papa est en voyage avec
Qui ? Le spectacle donné par les parents à leurs enfants
Ni comédie ni tragédie : montage publicitaire en cours
Dans le laboratoire de l’avenir : saisit un volume au vol :
Déchirure d’une fleur au mal bien littéraire / criardes
Mouettes dans les débris non pas d’un naufrage mais
De ce qui est passé par-dessus bord non pas dans
La tempête mais tout l’équipage au travail de l’ordure :
Objets du passé maintenant : et il revint avec cette
Blessure dans le cœur : il avait connu une autre femme,
Une femme aux belles couleurs de soleil et de forêt
Et il ne pouvait pas s’empêcher d’en parler / d’en rêver
Secouant le lit sur ses fragiles pieds de métal : crise
Des matins parce qu’il n’avait rien à faire à terre :
Qu’attendre : sous la tonnelle du bar de la Poste :
Plis de son bleu de travail aux auréoles de sel / château
Sans hantise, dit-il : la vue était panoramique : l’œil
Comme bercé par ces illusions : et à cheval elle passa
(Je vous raconte une histoire, messieurs…) 421 pour
Un inconnu qui n’appartient pas à la communauté :
Roulement de dés dans la mémoire maintenant,
La Gauloise au bec et dans la main le perroquet.
Il voulait que je me souvienne d’elle et de tout.
(ne dit-il pas)
Croissons dans la panade.
Du gras de morue à la place du beurre.
« Je ne sais pas si je pourrai me débarrasser
De cette angoisse / je ne te promets rien »
Pain des jours anciens dans l’ancien fumoir
À fromage : « je ne me suis jamais posé
La question / mais si tu le dis… »
Les draps sentaient son fromage.
Comme c’était l’été
Et que le vent revenait sur les quais,
Au balcon il relut ces poèmes
Sous le regard de la voisine au balai.
« Nous ne nous aimerons jamais assez, Arthur…
— Pourtant… ce temps… ces murs…
— Prouvent-ils le contraire ?
— Je ne t’ai jamais quittée ! »
La voisine tiqua, l’œil clignotant.
Balai soulevant des feuilles mortes
L’été / en bas des enfants se disputaient
La balle : éclat de vitrine à intervalle.
Un paillasson de fer sous ses pieds avant
D’entrer : la voisine observa longtemps
Ce sable dont elle ne reconnaissait pas
La texture : « Dis-moi, jeunesse, la poésie
Nourrit-elle l’esprit ? Ou le vide-t-elle
De sa substance filiale ? Je veux savoir ! »
Il le disait en tout cas… mais elle dormait
/ à l’heure où la femme descend et croise
Ses habitudes avec celles des autres : consignes
Diverses dans le filet / Douves secrètes dessous.
« Non je ne sais vraiment pas… ni
Quoi te dire, ni te promettre, ni oh toi ! »
Dans l’interstice des lames de parquet
Ou par la meurtrière au grès témoin
D’une érosion beaucoup plus ancienne /
« Je ne te demande pas de promettre /
Mais de t’efforcer d’y mettre du tien :
C’est souvent comme ça qu’on réussit
À s’en débarrasser : » et il voyait ces débris
Se déposer sous la vague en reflux : le sable
Miroitant alors : une anguille crevée recevait
Les premiers rayons : « Que vois-tu maintenant ?
— Je ne sais pas regarder comme toi, l’ami…
— Ces femmes les pieds dans l’eau, tu les vois ?
— Je les compte, l’ami : et ça m’angoisse
De te le dire, voilà ! » dit-il : écrasant le mégot
Dans la paume de sa main : il avait vu une mocheté
Grasse et sans couleur s’arracher des cris de plaisir
Au fil de la douleur occasionnée par la braise
De sa cigarette / « Foutez-la dehors une bonne fois ! »
« Je dis ça parce que je ne sais plus…
— Mais tu ne sais plus quoi… ?
Vas-tu cesser de me foutre la trouille ?
Ou bien ne reviens plus une bonne fois
Pour toutes ! »
« Si c’était facile, je le saurais
Aussi bien que les autres…
J’ai de la morue et du fromage…
Amène le pain dur et les œufs.
Et un flacon de ton anisette
À l’anéthol ! »
« Nous sommes les odeurs
Et le vent qui les donne.
Seul le sommeil annonce
Ces retours familiers auxquels
On s’habitue après avoir été
Aussi jeune qu’on pouvait
L’espérer. »
(substitue un imparfait de l’indicatif
À celui de son subjonctif, encore)
« Des fois je me demande si
Tu n’existes pas seulement
Pour les autres / je m’échine
Pour ne pas finir avec les chats
Qui jalousent les ravaudeuses.
Tu n’y penses même pas, alors… »
« Qu’est-ce qui court le plus vite
Dans le règne animal, réponds !
— L’esprit quand il revient de loin ! »
Dans le donjon sous sa terrasse
Ils observèrent le conservatoire
Des traces de la captivité dont
Il était question dans le prospectus :
« Quel destin on peut avoir si
On ne s’y attend pas, pas vrai… ?
— Elle savait bien ce qui l’attendait,
La garce !
— Oh ! Avec toi nous ne valons pas cher ! »
En tout cas pas aussi cher
Que le prix payé au large
De cette civilisation désormais
Perdue dans le labyrinthe
De ses désirs ritualisés.
Foutre ces écrans par la fenêtre
Avec le pognon de nos travaux
Ne servira sans doute à rien mais
Si on ne le fait pas : le paradis
Devient une sacrée réalité.
Revenir vers ces fresques écaillées
Et en lécher la chaux crevassée.
Combien de personnages ont
Souffert de ton imagination ?
L’eau des bénitiers et des douves
Finit par avoir un sens : celui
Qui ne s’est jamais perdu /
Gravité des architectures passées.
Roche des fondations dans l’herbe
Cramée des étés de vacances
Et d’aventures sans lendemain.
Comme il est facile d’oublier
Si la blessure est grave et
Définitive : cicatrice inexplicable
Autrement.
Ne revenez jamais avec une femme
Arrachée à son peuple : son ébène
Ou sa glaise sur le bahut avec les
Bibelots de l’enfance : « Quelle erreur
Avons-nous commise, dis-moi ? »
Écaillant la prise du matin et l’éventrant
Pour la détruire plus que pour la préparer
Aux ingurgitations méridiennes.
« Revenez quand vous voulez la table
Est servie à l’heure et la nuit tombe
Comme partout ailleurs : vous ne serez
Pas dépaysé : mais vous repartirez avec
Notre odeur / Ça, je vous le garantis ! »
« Mais pourquoi des projets puisque nous
N’en avons pas les moyens ? Tu oublies
Un peu vite que tu n’es pas là (avec moi
Voulait-elle dire) tous les jours : qui voyage
Le mieux ? Je ne sais même pas ce que c’est
Une île ! »
Pourtant au mur pendait la carte : ses tracés au fil
Des explorations préliminaires : les taches laissées
Par les doigts pressés d’en finir avec cette série
De calculs improbables : les plis accidentels ou
Rageurs : les victimes du royaume des insectes :
Toujours rétablissant le niveau d’un autre doigt.
Quel horizon fut mieux établi pour toujours ?
En marge les petits personnages costumés
À l’ancienne : mais de quelle tradition était-il
Question ? Nous n’irons jamais aussi loin, Arthur.
Même en vaisseau spatial. Pas plus qu’en rêve,
Cette imagination des sédentaires : cloués au sol
/ voilà ce qui nous attend : et tu n’y penses pas
Parce que tu es déjà un ivrogne, Arthur ! Et
Peut-être pire que ça… Les gens en parlent…
Tu ne connais pas les gens aussi bien que moi.
Sans doute parce que tu les fuis : tu ne fais
Que passer : parmi nous : parmi eux : ici et
Là-bas : au diable si tu veux : mais pas dans mon lit !
Quel âge est assez grand pour imposer sa race ?
Nous sommes si loin de tout : communiquant
Au lieu de se parler : comme on a toujours fait :
Cherchant la race où elle ne se trouve pas /
Perdant un temps précieux à épater la galerie
Des petits portraits et de leurs paysages de pacotille.
Dans les fissures de la pensée insérant nos enfants.
Attendant qu’on agisse dans la rue au lieu de réfléchir
Avec les moyens de l’écriture : las tu n’es plus
Et ça te porte tort : un matin tu finis avec le soleil.
Une nuit finira par te rendre malade à ce point.
Tu aimeras comme moi
La nervure nacrée et le sel
Des couleurs retrouvées
À peine l’eau secouée.
Méfie-toi de la marée
Aux solstices : ne plonge pas
Avant les autres : ceux qui
Savent de quoi il retourne.
Comme la chair pourrit facile
Dans l’eau et parmi les rochers !
Nous aimons en friture
Les petits poissons et la chair
Des coquillages et des filles.
Mille raisons de revenir chaque été.
Comme s’il s’agissait d’œuvrer.
Nos petits outils ne pèsent rien.
Nous sommes agiles maintenant.
Nous connaissons la vague
Et ses petites traîtrises de garce
Nées des conjonctions gravitationnelles.
Nous avons l’expérience du passé
Et de l’avenir : une sorte d’éternité
Nous passe sous le nez et c’est rageant !
Petits poèmes des pattes brisées
Et des coquilles vidées : des corps
Plus délicieux que les mots qui
Les désignent depuis si longtemps.
Mais nous reviendrons pour le dire.
D’ailleurs qui ne revient pas ?
Qui ne rêve pas de remplacer
Le bonheur par une mort plus
Facile à comprendre ? Surtout
À deux sur les sables de l’été.
« Je t’écris parce que je n’écris
Plus depuis que tu écris ah !
Que s’est-il passé entre nous ?
Et dans quel état retrouverons-
Nous ce que nous avons laissé ? »